LECTURES VAGABONDES

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Jacques Duquesne : La trilogie Maria Vandamme – Tome 1 - Maria Vandamme

     

      Peut-être vous souvenez-vous, de la série de quatre épisodes qui, au début des années 90, fut consacrée à la plus célèbre des héroïnes de Jacques Duquesne : Maria Vandamme ? Ce n’est cependant pas de cette série dont je vais parler aujourd’hui, mais bien du roman intitulé Maria Vandamme que Jacques Duquesne fait paraitre en 1983 aux éditions Grasset.

 

          Nous sommes sous le second empire, dans le nord de la France. Maria est une petite orpheline qui a grandi dans les Flandres françaises, près d’Hazebrouck, dans une ferme où elle est recueillie pour travailler. Cependant, lorsqu’elle devient femme et qu’on en veut à sa vertu, elle se sauve et tente sa chance à Lille. Embauchée dans une usine, elle est renvoyée lorsque la crise éclate. Elle trouve un emploi au Vert Pinson, un cabaret qui fait aussi office de maison de passe. Pour échapper à ce destin de prostituée qu’elle refuse, elle met le feu à la bâtisse et s’enfuit. Elle retombe sur ses pattes : employée comme bonne à tout faire chez madame Céleste Rousset, elle songe à se mettre en ménage avec Aloïs Quaghebeur, le cocher. Mais, lors d’une sortie au cabaret, elle rencontre Blaise Triboullet qui lui plait. Et puis, les choses basculent : parce que le fils des Rousset, Henri, lui a appris à lire, Maria est renvoyée. Elle est désormais employée chez le docteur Jérôme Dehayanin, le frère de madame Rousset, à Lens. Et puis, Aloïs Quaghebeur, qui, pour mettre du beurre dans les épinards, donnait dans la contrebande de tabac en profitant de la proximité avec la Belgique, est arrêté et mis en prison. De son côté, Maria entame une liaison avec Blaise Triboullet qui lui révèle qu’il travaille pour les socialistes. Cette relation fait jaser dans l’entourage du bon docteur. Un jour, Blaise est inquiété et s’enfuit, poursuivi par la police. Le docteur, qui a un faible pour sa servante, cache son amoureux. Bousculée par un policier qui l’interroge, Maria fait une fausse couche. Profitant de la grosse charrette dans laquelle le colporteur Baleine cache ses richesses, Blaise est exfiltré. Nous retrouvons Maria un peu plus tard, à Denain, mariée à Aloïs Quaghebeur. Elle attend un enfant ; ce sera une fille qu’elle prénommera Catherine. De son côté, Blaise continue d’agir pour l’Internationale. A Roubaix, alors qu’il colle des affiches, il est méchamment blessé à l’épaule. Son camarade Duveau l’héberge et fait venir auprès de lui le docteur Dehaynin qui alerte Maria. Celle-ci se rend au chevet de son ancien amant puis décide de rentrer chez elle, auprès de son mari. Lorsque la guerre contre la Prusse éclate, Aloïs s’engagera pour défendre la France, et tenter de gagner l’admiration de Maria. Il laissera la vie dans cette guerre et, encore une fois, c’est le docteur Dehaynin qui sera missionné pour annoncer la mauvaise nouvelle à Maria. Après la mort de son époux, cette dernière reprend ses fonctions de bonne à tout faire auprès du docteur. Mais un jour, alertée par une conversation à table au sujet de la Commune de Paris, Maria décide d’aller retrouver Blaise, car elle est persuadée qu’il est là-bas, parmi les insurgés. Elle ne se trompe pas. Blaise fait partie de ceux qui ont marché sur Versailles où se trouve Thiers. Cependant, la troupe est défaite et les hommes sont faits prisonniers par les versaillais. Maria parvient à extirper Blaise de ce malheureux troupeau… Ils sont enfin libres !

 

          Avec Maria Vandamme, Jacques Duquesne signe un roman comme on les aime, qui fait penser à du Henri Troyat. Avec en sus – cerise sur le gâteau ! - une petite touche de Zola. En effet, l’œuvre nous entraine en grande partie dans le milieu ouvrier et on peut alors penser un peu à L’assommoir et à Germinal. Je songe ici au passage qui a lieu dans le dédale des mines de Lens, lorsque Blaise est poursuivi par la police et qu’il trouve refuge dans les galeries et dans l’écurie ; ça, c’est pour le côté Germinal. Je songe aussi ici à la scène du concours de biture qui se déroule dans le cabaret où Maria et Blaise se rencontrent ; ça, c’est pour le côté L’Assommoir. Pour le côté Troyat, il y a certes, le sens du romanesque, mais aussi l’attachement à des héroïnes féminines. Lorsque Troyat écrit la saga Les semailles et les moissons, il donne vie à Amélie et à Elisabeth Mazalaigue, deux femmes fiévreuses, passionnées, amoureuses, à l’instar de Maria Vandamme.

          Pourtant, j’ai quand même l’impression que Maria Vandamme, l’héroïne, a un sérieux concurrent : la région du Nord-Pas-de-Calais. C’est peut-être bien lui, le véritable héros de ce roman. En effet, ce dernier nous emmène aux quatre coins de la région : de la grande ville de Lille, avec ses usines textiles, à Lens, dans les mines, et même jusqu’à Denain, aux forges. C’est l’occasion d’évoquer toutes les industries du nord au XIXème siècle : les mines, la fonderie, le textile… et la binouse !

          Car, si avec Maria, on est entrainé dans le milieu ouvrier du nord de la France, on passe aussi parfois du côté des bourgeois avec les employeurs de l’héroïne : les Rousset. Parti de rien, Arthur Rousset fait fortune dans le textile, industrie alors en crise à cause de la guerre de sécession qui sévit en Amérique et qui pèse sur l’approvisionnement en coton. Il rachète des usines en difficulté et ose aussi, parallèlement, se lancer dans des investissements audacieux et de grands défis financiers. Arthur Rousset et sa femme Céleste, ont deux filles qui épousent, l’une (Léonie) Félix Douchy, l’autre (Alice) Florimond Van Meulen, fils d’un des magnats de la bière dans le Nord. Nous les retrouverons dans le tome suivant intitulé Alice Van Meulen.

Si le Nord est un personnage à part entière dans Maria Vandamme, l’Histoire aussi s’invite dans le roman. C’est surtout vrai à la fin, lorsque la guerre avec la Prusse va mettre un terme au mariage de Maria et d’Aloïs – ce dernier trouve la mort près de Saint-Quentin. Et puis, n’oublions pas la Commune de Paris, un peu plus tard, événement historique qui clôt le roman et pendant lequel Maria retrouve son grand amour, Blaise. Jacques Duquesne évoque aussi quelques moments forts du Second Empire comme l’exposition universelle, la crise du coton, etc… 

           Toutefois, il y a quelques bémols à apporter à la critique de ce roman. En effet, il se termine en queue de poisson. Partie à Paris pour retrouver Blaise, Maria tombe sur lui aux alentours de Versailles. Et puis voilà, point final. Cette fin abrupte laisse supposer que c’est là le point de départ d’une vie de bonheur. Soit. Le problème, c’est que des parties de récit escamotées, le roman en contient bien d’autres, surtout dans sa seconde moitié. Certes, on éprouve plutôt de l’empathie pour les personnages, mais, au fil des pages, ils s’étiolent. Je pense que Jacques Duquesne passe trop vite sur des moments importants de la vie de son héroïne qui n’est alors presque jamais plus au premier plan. Pourquoi ? Sans doute parce qu’il veut trop en dire sur le XIXème et que, pour ce faire, il a besoin de plusieurs personnages qui sont aptes à voyager, à rencontrer l’empereur. Il faut dire que Maria Vandamme, dans le fond, est un personnage un peu fade : Jacques Duquesne a voulu brosser le portrait d’une authentique femme du Nord, fière, taiseuse et courageuse. Ce qui en fait une femme un peu différente, c’est sa volonté d’apprendre à lire. Pour le reste, elle est une ouvrière non qualifiée, travaille dur, puis devient une épouse et une mère au foyer. L’amour qu’elle porte à Blaise est son seul horizon. Rien que de très banal ! Même si Zola, par exemple, peut faire de ce genre de femme une véritable héroïne tragique, Jacques Duquesne est loin d’avoir le talent de Zola et il ne trouve finalement pas grand-chose à dire de cette héroïne.

          Mais mis à part ce petit bémol final, bien évidemment, je vais poursuivre cette trilogie qui met en lumière des femmes du Nord, car l’œuvre est intéressante. Rendez-vous dans quelques temps pour découvrir Alice Van Meulen, personnage secondaire dans Maria Vandamme, puis Catherine Courage, roman consacré à la fille de Maria Vandamme.



18/02/2024
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