LECTURES VAGABONDES

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Victor Hugo : Les misérables (tome 4) -  L’idylle rue Plumet et l’épopée rue Saint-Denis

       

 

            Nous reprenons la suite de la grande saga signée Victor Hugo : Les misérables. Après les prodigieux trois premiers tomes, attaquons le quatrième qui s’intitule L’idylle rue Plumet et l’épopée rue Saint-Denis et qui parait en 1862.

 

          Après quelques considérations historiques qui concernent la Révolution, le Premier Empire, puis la Restauration, nous nous retrouvons en 1832, deux ans après les trois glorieuses qui ont vu l’avènement de Louis-Philippe et l’instauration de la Monarchie de Juillet. Cette année-là, la crise sociale couve et donnera lieu à une insurrection qui fera l’objet de la seconde partie de de tome (l’épopée rue Saint-Denis). Pour l’heure, nous retrouvons Cosette et Jean Valjean (qui se fait appeler Fauchelevent), rue Plumet où ils habitent désormais. Grâce à Eponine, Marius retrouve la piste de Cosette qu’il aime et ensemble, ils entament une idylle innocente et pleine de fraicheur. Jean Valjean, sans savoir vraiment que Cosette est en train de lui échapper, est inquiet, néanmoins, et soupçonne le jeune homme du parc du Luxembourg de chercher à séduire celle qu’il considère comme sa fille, le seul amour de toute sa vie. Bientôt, de nouveaux problèmes se profilent : Thénardier s’est évadé et menace la maison de la rue Plumet. Valjean décide de partir pour l’Angleterre et d’emmener Cosette dans sa fuite. La jeune fille est désespérée car ce départ signifie une rupture entre elle et Marius qui, de son côté, n’a pas obtenu de monsieur Gillenormand, son oncle et tuteur l’autorisation de se marier avec Cosette. C’est ainsi qu’un jour, il découvre que sa bien-aimée et Jean Valjean ont disparu. Désespéré, il se joint à l’insurrection qui couve du côté de la rue Saint-Denis. Il espère y trouver la mort et se comporte d’abord en héros en sauvant la barricade de l’assaut des gardes nationaux. Derrière la barricade, il retrouve Javert que les insurgés ont démasqué et qui attend son heure, attaché à un pilier dans l’auberge Corinthe. Il retrouve également Eponine qui se meurt, touchée par une balle qu’elle a reçue à la place de Marius, son amour. Avant d’expirer, elle remet à Marius une lettre de Cosette dans laquelle la jeune fille lui déclare partir pour l’Angleterre mais, dans l’attente de ce départ, elle est encore à Paris, rue de L’homme armé. Marius lui écrit alors une dernière lettre dans laquelle il lui confie son désir d’en finir avec la vie. Cette lettre, Marius la confie à Gavroche. L’enfant traverse Paris pour délivrer ce courrier, mais c’est à Valjean qu’il remet la lettre. Malgré ce qu’il lui en coûte, Valjean décide de sa rendre sur la barricade retrouver Marius… Pour l’heure, on ne sait rien de ses intentions.

 

          Ce tome IV des Misérables offre à cette grande saga une suite tout aussi géniale et prenante. On y retrouve les mêmes ingrédients que ceux des tomes précédents.

          Tout d’abord, le plus indigeste : les grandes réflexions d’Hugo sur des sujets philosophiques. On commence, comme d’habitude, par l’une d’entre elles ; ici, il s’agit de réflexions philosophico-historiques qui permettent de mettre en perspective l’insurrection de 1832 avec le passé ; celle-ci apparait comme le dénouement d’une révolution qui n’avait pas été jusqu’au bout : celle des trois glorieuses, point de départ en 1830 d’une nouvelle monarchie - la Monarchie de Juillet - et du règne de Louis-Philippe. Plus loin dans le tome, Hugo se livre à des réflexions sur les différences entre émeute et insurrection ou encore sur l’argot parisien auquel il attribue des lettres de noblesse. En effet, selon l’auteur, l’argot est inséparable du peuple qui le parle ;  il est sa langue ; voilà pourquoi Victor Hugo aura recours à l’argot de Paris lorsqu’il s’agira de faire parler Gavroche ou encore Thénardier et compagnie.

          Le tome IV des Misérables propose aussi des passages dans lesquels Hugo analyse ce qui se passe dans le cœur de ses trois personnages principaux : Valjean, Marius et Cosette. Il oppose les sentiments angoissés de Valjean qui sont ceux d’un père qui craint de perdre le seul amour de sa vie, l‘amour de celle qu’il considère comme sa fille, Cosette et ceux – beaucoup plus lumineux - de deux jeunes cœurs qui ressentent pour la première fois l’amour.

          Comme son titre l’indique, ce tome IV des Misérables se divise en deux parties. Il s’ouvre sur l’idylle de Marius et de Cosette, idylle qui se déroule dans le jardin de la maison de la rue Plumet où réside la jeune fille. Il s’agit d’un jardin sauvage dans lequel les arbres et les végétaux abritent les amours de Cosette et de Marius. C’est une sorte de jardin d’Eden qui forme un écrin de verdure dans lequel peuvent éclore en toute sécurité ces amours naissantes et innocentes. En opposition avec ce jardin de la rue Plumet, il y a la ville de Paris et ses quartiers populaires aux ruelles enchevêtrées qui rappellent, sous une autre forme, l’enchevêtrement des arbres dudit jardin. Comme dans le précédent tome, l’atmosphère des rues de Paris est sombre et les événements qui s’y déroulent ont lieu la nuit.   

          Par ailleurs, ce tome IV dresse aussi deux portraits emblématiques de personnages éphémères. Le premier, et le moins connu, c’est le père Mabeuf, un pauvre homme sans le sou, un passionné de littérature au cœur généreux ; sa pauvreté le contraint à vendre son dernier livre pour subsister. Il se retrouve au cœur de l’insurrection et devient alors le symbole de la révolution et de la colère du peuple puisqu’il meurt en brandissant le drapeau rouge sur la barricade. Le père Mabeuf incarne donc le misérable à la face lumineuse. Autre personnage emblématique et lumineux : Gavroche, le célèbre gamin des rues ; impertinent, il arpente les ruelles parisiennes en chantant des airs légers et révolutionnaires. Mais Gavroche comporte une face oubliée car c’est aussi un personnage protecteur et généreux ; avant de s’engager dans l’insurrection qui lui vaudra la vie, il recueille deux gamins abandonnés sans savoir qu’il s’agit de ses frères. Gavroche incarne donc la débrouillardise et l’énergie gaie et insouciante du peuple. 

          Enfin, l’épopée insurrectionnelle de 1832, Hugo la raconte après avoir longuement décrit les lieux,  après avoir méticuleusement positionné dans l’espace les rues dans lesquelles se déroulent les événements. Il est en cela fidèle au principe qu’il expose dans la préface de Cromwell, principe selon lequel le décor est indissociable des événements qui s’y déroulent ; il faut donc lui porter grand soin car il amplifie le drame et lui donne sa couleur particulière. Ainsi, il y a un côté théâtral dans la manière qu’a Hugo de relater l’insurrection de 1832.

Enfin, ce tome comprend une scène particulièrement pathétique et célèbre : la mort d’Eponine. Amoureuse de Marius et jalouse de Cosette, elle a subtilisé la lettre qui permettait à ce dernier de retrouver sa bien-aimée. L’amour que cette jeune fille éprouve pour l’étudiant est si profond qu’elle sacrifie sa propre vie pour lui. Elle ne lui demande en échange qu’un baiser lorsqu’elle sera morte. Ainsi, lorsqu’elle était enfant et grandissait auprès de Cosette, elle s’opposait à elle en tant que fille légitime des Thénardier. Désormais, l’opposition entre les deux femmes se joue dans le cœur de Marius et Eponine, pour le coup, s’en sort mal.

          Nous voici donc devant le dernier tome des Misérables ; le tome V s’intitule Jean Valjean. Nous poursuivrons et achèverons l’épopée révolutionnaire dans les rues sombres de Paris. Certes, on connait tous le dénouement des Misérables mais je gage que c’est avec un pincement au cœur que je refermerai cette grande saga géniale.



06/06/2021
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