LECTURES VAGABONDES

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Henri Troyat : Les semailles et les moissons (tome 5) : La rencontre

       

 

     Nous voilà au terme de la grande saga d’Henri Troyat intitulée Les Semailles et les moissons avec ce cinquième tome intitulé La rencontre, publié en 1958.

 

     Nous retrouvons Elisabeth, quelques années après son divorce d’avec Patrice Monastier, une Elizabeth toujours aussi tendre et violente. Elle habite désormais Paris et est la gérante d’une papeterie qui fait aussi office de magasin de disques. De temps à autre, elle retrouve Christian, son grand amour, pour des rendez-vous coquins sans engagement. Un jour, celui-ci lui présente un ami : Bertrand Lesaulnier. L’attirance est immédiate, réciproque et bientôt, une idylle passionnée commence entre Elisabeth et Bertrand. Mais l’homme est marié et père de famille. Certes, il n’aime plus sa femme et vit plus ou moins loin d’elle, mais… Voilà que la guerre est déclarée. Bertrand est enrôlé dans l’armée tandis qu’Elisabeth retrouve ses parents et son grand-père à La Chapelle au bois, en Corrèze. Là elle apprend que Bertrand est blessé et se rend à Périgueux où il est hospitalisé. Cependant, elle n’y restera pas longtemps puisqu’elle sait que sa femme est à son chevet. C’est pourquoi, la jeune fille souhaite rompre définitivement avec lui. Cependant, elle décide de rentrer à Paris. Elle s’arrête à Tulle pour se ravitailler en essence. Là, elle retrouve par hasard Patrice qui la présente à son ami Boris qui vient de perdre sa femme et son bébé dans un bombardement. Les trois compères rentrent ensemble à Paris où l’Occupation se met en place. Boris est quelqu’un de secret et de taciturne ; il répare, dans la clandestinité, des stations TSF pour la réception de radio-Londres. Elisabeth est attirée par lui et c’est réciproque. Leur amour doit rester caché de Patrice qui est leur ami à tous deux. Mais un jour, alors qu’Elisabeth a décidé de rompre avec Boris, Patrice découvre la liaison qu’ils entretiennent. Peu après, ce dernier s’engage dans la résistance. Il trouvera la mort peu après. De leur côté, Elisabeth et Boris se marient. C’est le bonheur malgré les privations. Lorsque Paris se libère en 1944, Boris participe activement à l’insurrection. Tout se termine bien, et c’est dans une ville libre que leur amour va continuer à s’épanouir. 

 

          Avec ce tome qui achève la saga Les semailles et les moissons, jonction est faite avec une autre grande saga de Troyat intitulée Tant que la terre durera, œuvre qui traite du destin de la famille de Boris, les Danoff. Michel et Tania sont russes et ont émigré en France car ils ont fui la révolution rouge de 1917 qui inaugure l’Union Soviétique. Ils rêvent de retourner au pays. La rencontre évoque donc quelques aspects de l’Histoire de la Russie, notamment l’horreur de la révolution qui spolie tous les biens de ceux qui en ont un peu. Une citation renvoie à cette saga dont les titres sont tirés de la bible :

 

« Tant que la terre durera, les semailles et les moissons, le froid et le chaud, l’été et l’hiver, le jour et la nuit, ne cesseront point de s’entresuivre… »

 

          Ce dernier tome est différent des autres. Certes, on retrouve Elisabeth, la jeune fille libre qu’on a rencontrée dans Tendre et violente Elisabeth. Elle a des amants, l’éternel Christian, Bertrand ; elle éconduit son premier mari, Patrice, qui aimerait renouer avec elle. Et enfin, c’est la rencontre. Il s’appelle Boris, elle l’épouse et sa range. Terminé la jeune fille volage ! La voilà femme mariée et définitivement mariée, comme l’est sa mère, Amélie, avec Pierre.

          Mais l’originalité de ce tome, c’est qu’il est davantage habité par l’Histoire tragique de la seconde guerre mondiale. Elisabeth conçoit de l’aversion pour la collaboration et le régime de Vichy. Je m’attendais à ce que Troyat fasse entrer son héroïne dans la résistance, mais mon attente a été déjouée. La jeune femme fait de la résistance passive et se contente de détester les allemands et de rester dubitative sur les choix de Pétain. Avec Arlette, son amie, elle commente l’actualité. Son employée, madame Pologne, admire et défend les allemands.

          Ainsi, La rencontre propose une radiographie de la France occupée depuis la mobilisation : la drôle de guerre, l’exode et le retour à Paris avec l’installation de la zone occupée et de la zone libre. On plonge donc dans le quotidien de l’époque avec ses restrictions alimentaires, les lettres interzones, ou encore les couvre-feux. Ces aspects de la vie quotidienne sous l’Occupation sont vus à travers des français moyens, qui agissent sans héroïsme particulier. Seul Boris participera à la résistance, sans toutefois prendre le maquis ni s’engager dans les forces françaises libres de De Gaulle. Il participera également à la libération de Paris, en 44, et c’est sur cette vision très cinématographique de Paris libéré, vu du haut d’un toit, que nos deux héros s’enlacent…

          Une bien longue saga, dans laquelle on ne s’ennuie pas une minute ! Assurément, je crois que je vais les lire toutes ! Quelle belle rencontre que celle qu’on fait avec l’excellent Henri Troyat !     



03/04/2022
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