Jacqueline Susann : La vallée des poupées/La vallée des merveilles.
Aujourd’hui, je vous emmène quelques décennies en arrière pour redécouvrir un roman qui a eu, à l’époque, son heure de gloire et qui est désormais tombé dans l’oubli. Je veux parler de La vallée des poupées que Jacqueline Susann fait paraitre en 1966.
Anne Welles vient de quitter la petite ville de Lawrenceville et débarque à New York. Très vite, elle trouve un emploi de secrétaire chez Henry Bellamy, un avocat spécialisé dans les affaires qui concernent les vedettes du cinéma et de la chanson. Et puis, un richissime entrepreneur la demande en mariage ; il s’agit d’un certain Allen Cooper. Cependant, Anne ne l’aime pas et refuse de l’épouser. En réalité, la jeune femme a eu un coup de cœur pour Lyon Burke. Cependant, la jeune femme a une amie, Neely O’Hara, qui souhaite intégrer une troupe de music-hall à Broadway ; le spectacle s’intitule « Hit the sky » et le premier rôle a échu à la star capricieuse Helen Lawson qui ne tarde pas à devenir amie avec Anne. Après l’éviction d’une jeune chanteuse un peu trop prometteuse aux yeux d’Helen, c’est Neely qui reprend son rôle. Bientôt, Anne rencontre une jeune starlette à la beauté fatale qui joue dans la comédie musicale ; il s’agit de Jennifer North. Pendant quelques temps Anne, Jennifer et Neely vont partager le même appartement. Anne vit une belle histoire d’amour avec Lyon Burke dont l’ambition est de devenir écrivain. Jennifer souhaite épouser le célèbre chanteur Tony Polar. De son côté, Neely aime un certain Mel mais sa carrière va décoller à tel point qu’elle va vite se retrouver à Hollywood à enchainer les films à succès. Bientôt, elle épouse Ted, un créateur de mode, une union dont vont naître des jumeaux. Mais Neely supporte de moins en moins la pression ; elle prend des barbituriques, grossit, maigrit et sa carrière commence à battre de l’aile. Trompée par son époux, renvoyée par la production du dernier film dans lequel elle devait tourner, elle se retrouve à New York où Anne, désormais séparée de Lyon qui vit en Angleterre où il se consacre à l’écriture, est devenue égérie d’une ligne de cosmétiques à la télévision. Son partenaire du moment, Kevin Gillmore, propose à Neely de participer à un show télévisé où elle chanterait. Mais, terrifiée par les caméras de télévision, sensiblement différentes de celles qui enregistrent les films hollywoodiens, elle abandonne et part à la dérive, seule dans sa belle demeure californienne. De son côté, Jennifer a aussi fait du chemin. Enceinte de son époux le chanteur Tony Polar, elle a avorté et s’est séparée de lui : elle a en effet appris qu’il était atteint d’une maladie neurodégénérative qui le condamne à court terme. A Paris, elle mène tambour battant sa carrière de mannequin. Plus tard, elle rencontre un sénateur très en vue et décide de l’épouser. Malheureusement, elle apprend bientôt qu’elle souffre d’un cancer du sein et qu’une mastectomie est envisagée. Certaine de perdre, pour cette raison, l’amour du sénateur, elle se suicide. Du côté d’Anne, de nombreux changements sont aussi à noter. D’abord, il y a le retour de son grand amour, Lyon Burke. Elle se sépare donc de son Pygmalion Kevin Gillmore pour vivre de nouveau une histoire d’amour avec son Lyon. Pour l’inciter à rester à New York, elle s’entend avec son patron de la première heure, Henry Bellamy, et elle finance par derrière un prêt pour que Lyon puisse racheter l’affaire d’Henry. Par ailleurs, elle soutient son amie Neely O’Hara qui souffre de dépression et de psychose et qu’on interne pour un moment. Cependant, cette période globalement heureuse pour Anne va basculer. Lyon, qu’elle a épousé et dont elle a une fille, Jennifer, découvre qu’il doit à son épouse l’argent qui lui a permis de racheter l’affaire d’Henry (une affaire de management de stars tous azimuts). Touché dans son orgueil, il tourne le dos à son épouse et devient l’amant de sa meilleure amie, Neely, dont la carrière artistique a redémarré. Le temps passe, les jeunettes d’hier vieillissent. Désormais, c’est une nouvelle starlette qui partage le lit de Lyon : Margie Parks. Peu importe, Anne se détache de plus en plus de son époux.
Avec La vallée des poupées, Jacqueline Susann signe un roman passionnant qui dresse un portrait au vitriol du monde du show-biz américain dans les années 50-60. Elle montre à quel point ce monde est régi par les caprices des stars. Par exemple, Helen Lawson évince la jeune chanteuse débutante qui officie dans son show parce que celle-ci risquerait de lui faire de l’ombre. Par ailleurs, dans ce monde, tous les coups sont permis. Notons, par exemple que Neely, la chanteuse à la carrière chaotique, trahit sa meilleure amie, Anne, qui pourtant l’a prise en charge pendant sa dépression. Enfin, le show-biz, c’est aussi un monde où la jeunesse et la beauté sont le maître mot, où les femmes sont des objets de décoration.
Mais si on change de point de vue et qu’on adopte celui des vedettes, la situation n’est pas plus rose. En effet, la pression de ce monde est telle que les starlettes se droguent ou prennent ce qu’elles appellent des « poupées » pour dormir ; ce sont des barbituriques, tranquillisants et somnifères. Par ailleurs, la dépression et l’internement font partie des réalités. Notons toujours le cas de Neely : sa descente aux enfers fait l’objet de plusieurs chapitres du roman.
De plus, La vallée des poupées propose une image très négative des hommes : ils trompent leur femme avec des starlettes, plus jeunes ; ils utilisent les vedettes pour s’enrichir et les balancent dès qu’elles posent trop de problèmes ou deviennent « has been ». De manière générale, ils sont impitoyables et égoïstes et même le beau et parfait Lyon Burke se comporte très mal vis-à-vis de son grand amour Anne, la trompe et l’abandonne.
Mais si le monde du show-biz est impitoyable, il est aussi en constante évolution. À la fin des années 40, ce sont les spectacles de music-hall qui ont la côte. Puis, voici l’émergence de Hollywood et du cinéma. Enfin, à la fin des années 50 se produit l’émergence de la télévision désormais demandeuse de spectacles de variétés, entre autre. Passer d’un monde à l’autre n’est pas évident car chaque univers possède son propre modus vivendi, ses propres exigences, ses propres contraintes. Ainsi, les actrices qui ont brillé dans un de ces mondes ne brilleront pas forcément dans un autre.
Le roman est également savoureux parce qu’il se lit comme une chronique de la vie des starlettes des années 50-60. Jacqueline Susann restitue bien l’esprit des magazines people remplis de cancans, de ragots, de réglements de comptes. C’est tout simplement délicieux car bien méchant !
Enfin, les personnages sont très bien campés. Nous avons, d’une part, Anne, la loyale, qui aime sincèrement et fidèlement Lyon, mais aussi ses deux amies, Neely et Jennifer. La première est une star capricieuse et traître, la seconde rêve d’une vie de mère et de couple mais elle sera sacrifiée sur l’autel du star-système.
La vallée des poupées a suscité l’émoi lors de sa parution en 1966. Contrairement aux arguments communément avancés contre ce roman – qui l’accusent d’antiféminisme – je pense que cette œuvre est féministe et diagnostique les difficultés que rencontrent les femmes qui, d’une part, ne sont pas jugées à leur juste valeur, et qui, d’autre part, ont du mal à faire leur place dans un monde régi par les hommes.
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