LECTURES VAGABONDES

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Ira Levin : Un bonheur insoutenable/Une insoutenable déception

     

         C’est une déception sensible que m’aura provoqué la lecture de ce roman d’Ira Levin intitulé Un bonheur insoutenable, paru en 1971 aux éditions Robert Laffont. Il faut dire qu’Ira Levin a placé la barre haute avec son roman rendu célèbre par le cinéaste Roman Polanski : Un bébé pour Rosemary.

 

          Dans un monde futur, où tout est programmé – c’est-à-dire, entre autre, l’homme - par un ordinateur central nommé Uni, quelques dissidents existent néanmoins. C’est le cas de Copeau qui se lie avec d’autres membres qui, comme lui, tentent de réduire le traitement qui les soumet à Uni et découvrir qu’ils ont leur propre volonté. Parmi ces membres, il y a Lilas, une jeune femme dont Copeau tombe amoureux. Après s’être intéressé à l’univers des pré-Unis, le jeune homme découvre qu’il existe des îles où des personnes non traitées vivent librement leur vie humaine. C’est alors que Copeau enlève Lilas et l’emmène sur l’île de Mayorca. Arrivés à destination, c’est la déception : ils sont considérés comme des immigrants, c’est-à-dire qu’ils sont méprisés et exploités par les habitants de l’île. Cependant, Copeau a le désir de détruire Uni. Il connait le véritable tunnel qui abrite l’ordinateur car son grand-père, Jan, y travaillait. Alors que Copeau devient papa d’un petit Jan, il décide d’aller détruire l’ordinateur central d’Uni. Pour cela, il s’entoure de volontaires dont un certain Dover, ou encore Karl. Après diverses aventures, ils parviennent dans le tunnel. Là, ils sont accueillis par toute l’équipe qui travaille sur l’ordinateur central, équipe qui semblait les attendre. En effet, parmi les comparses de Copeau, il y a un espion qui renseignait Uni. Ce camarade traitre, c’est Dover. Avec tous les autres, Dover parvient à convaincre Copeau du bien-fondé d’Uni, de son programme de bonheur pour l’humanité. Copeau semble se soumettre et se met à travailler avec les autres pour perfectionner Uni. Cependant, dans le fond, il n’oublie pas son but : détruire Uni. Et un jour, il parvient à faire exploser l’ordinateur, Uni, et tous ses programmes. L’humanité est désormais libre et Copeau décide de rentrer à Mayorca où l’attendent Lilas et son fils.

 

          Bien entendu, l’idée de départ du roman Un bonheur insoutenable est plutôt intéressante, même si pas très originale. La question d’un monde où tout serait programmé, où tout serait régi par des machines, n’est pas nouvelle : Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley, 1984 de George Orwell, entre autres, proposaient déjà une réflexion sur ces thèmes ; réflexion bien plus profonde, par ailleurs.  Avec Un bonheur insoutenable, on a une très nette impression de déjà vu ou de déjà lu : Ira Levin présente ainsi un monde où les hommes ne pensent plus puisque leur destin est entre les mains d’une machine infaillible qui programme l’ensemble de leur vie ! Plus de décision difficile à prendre, plus de tourment pour savoir ce qu’on fera de la journée ou de l’ensemble de la vie ; bien évidemment, peu à peu, le lecteur se rend compte que ce fameux monde où chacun est assisté est une injure à la liberté. Bien plus, pour le bien commun, la machine programme la mort de chacun vers l’âge de 62 ans, alors que naturellement, l’homme peut vivre bien plus longtemps.

          De plus, le roman aborde aussi la question du racisme et de la difficulté de s’intégrer quand on est différent. Lorsque Copeau et Lilas arrivent sur l’île de Mayorca, ils sont traités durement, ostracisés et exploités. Mais là s’arrête la réflexion sur l’autre et la manière dont on le traite. Plutôt superficiel !

          Ainsi, on peut dire que le roman aborde des sujets qui sont sensibles dans nos sociétés contemporaines, et qu’il pose la question d’un monde futur qui n’est pas inenvisageable, car de plus en plus, notre vie se vit aussi sur les ordinateurs, les tablettes ou les téléphones portables. Si l’idée d’un monde régi par des machines était à la mode dans le cinéma et les romans de science-fiction des années 50-70, on peut dire qu’aujourd’hui, peu à peu, on s’achemine vers ce modèle et qu’il faut le craindre.

          Mais là où Un bonheur insoutenable pèche, c’est qu’il ne parvient pas à proposer une vraie réflexion de fond, glaçante, comme pourrait le faire Le meilleur des mondes ou 1984. Pour combler ce manque, Ira Levin accumule les scènes d’action, particulièrement dans la seconde partie du roman, lorsque Copeau décide de prendre en main sa vie et celle d’Uni.

          Alors, sans aller jusqu’à dire que la lecture d’Un bonheur insoutenable provoque un ennui insoutenable, on peut quand même soutenir qu’elle n’apporte pas une once de bonheur au lecteur.



12/12/2021
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