LECTURES VAGABONDES

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Heather Morris : Le tatoueur d’Auschwitz/Un tatouage délébile.

       

  Qui aurait pu croire qu’un jour quelqu’un oserait écrire une bluette qui aurait pour cadre…. le camp de la mort le plus terrible : Auschwitz ! Eh bien, c’est chose faite et la palme, en l’occurrence, revient à Heather Morris qui écrit Le tatoueur d’Auschwitz en 2018, roman publié aux éditions City.

 

          Lale vit en Slovaquie, à Krompachy. Nous sommes en 1942 et les déportations de juifs de tous horizons deviennent de plus en plus nombreuses. Afin de mettre sa famille à l’abri des exactions commises envers sa communauté, Lale se porte volontaire pour aller en camp de travail au service des allemands. C’est ce qu’on lui a dit, en tout cas. Il se retrouve à Auschwitz et est affecté au block 7, à Birkenau. Très vite, il échappe aux durs travaux de force car le tatoueur Pepan le prend sous son aile. Désormais, il sera son aide et tatouera leur numéro d’identification sur les bras des prisonniers retenus pour le camp de travail.  Très vite, Pepan disparait et c’est Lale qui devient le tatoueur en chef. Il est secondé dans sa tâche par Leon. Celui qui le surveille, c’est Baretski, un kapo qui peut, à ses heures, être violent. Grâce à la tâche qui lui est dévolue, Lale bénéficie d’un relatif bien-être : il a une chambre particulière et a droit à des rations de nourriture supplémentaire. Et puis, il rencontre aussi Victor et Yuri, deux citoyens polonais qui viennent travailler dans le camp et qui, moyennant finance – des bijoux ou de l’argent récupérés sur ceux qui font partie de la sélection – peuvent lui faire parvenir ce nombreuses choses utiles (par exemple, de la pénicilline pour Gita (voir plus loin) atteinte du typhus). Un jour, il tatoue une jeune fille dont il tombe immédiatement amoureux. Baretski, décidément insaisissable, s’amuse de ce sentiment et accepte de favoriser cette histoire d’amour qui le divertit. Il fait parvenir à Gita – c’est ainsi que se prénomme l’élue de Lale - une lettre d’amour. Très vite, les rendez-vous amoureux s’enchainent. Lale parvient à placer Gita dans un emploi peu exposé : l’administration. Et puis, au camp, des tziganes arrivent : il y a des femmes et des enfants et Lale se lie avec eux. Un jour, sous son matelas, les SS découvrent des pierres précieuses. Immédiatement, il est envoyé au bloc de la mort. Cependant, il sera l’exception qui confirme la règle et ressortira vivant de cet endroit damné. Il faut dire qu’il connait son tortionnaire – qui a allégé les coups - et qu’il bénéficiera de l’aide d’une amie de Gita – Cilka – qui est la petite amie forcée de Schwarzhuber, un SS qui jouit d’un certain pouvoir dans le camp. Mais un jour, la romance entre Lale et Gita est compromise. Le camp va être libéré ; les russes sont tout près d’Auschwitz. Gita fait partie de ceux qui partent pour la marche forcée à travers la Pologne. Lale, quant à lui, sera déporté vers un autre camp : Mauthausen, en Autriche. Il parvient à s’évader et se retrouve à Vienne où des soldats russes le missionnent pour leur trouver des filles afin de s’amuser un peu, le soir. Un jour, il s’enfuit avec l’argent destiné à payer les filles et se retrouve chez lui. Là, il retrouve sa sœur… seule rescapée de sa famille. Il retrouvera Gita à la gare de Bratislava et la demande illico presto en mariage. Ensuite… ils feront fortune, puis seront arrêtés, referont fortune, auront un fils, vivront en France, puis en Australie, à Melbourne.

 

          Comme je l’ai dit au début, Le tatoueur d’Auschwitz est une bluette qui a pour fond l’horrible camp de la mort : Auschwitz. Et qu’est-ce que tout ça peut bien donner ? Du trash et de l’exceptionnel. Une histoire quasi impossible à concevoir. Que l’amour naisse sur un tel fond d’horreur où la seule préoccupation de ceux qui ont le malheur d’y vivre… c’est de survivre ! « Comment cela peut-il être possible ? » pense-t-on aussitôt.  

          Le roman met également en avant la débrouillardise, qualité essentielle si on veut survivre à Auschwitz. Lale a juré de survivre à toute l’horreur de ce camp et pour cela, il accepte de se charger de travaux honteux, scandaleux, réprouvés de tous. S’il ne fait pas partie des Sonderkommandos – ceux qui débarrassent les cadavres des chambres à gaz et les mettent à brûler dans les fours crématoires – il est celui qui tatoue sur les bras des condamnés aux travaux forcés, le numéro de matricule qui sera désormais leur identité. Il participe donc à la déshumanisation des siens. Ajoutons à cela le trafic de nourriture, d’argent et de pierres précieuses (qu’il prend dans les effets de ceux qui ne passent pas le cap de la sélection et vont directement aux chambres à gaz) !

          Au sens de la débrouille s’ajoute une part de chance. Lorsqu’il tombe malade, très vite après son arrivée au camp d’Auschwitz, Lale aurait dû mourir. D’ailleurs, il s’est retrouvé à moitié mort sur une charrette de cadavres destinés à être traités pour disparaître. Mais il a eu la chance d’être sauvé par un de ses compagnons de block qui l’extirpe de là. Plus tard, lorsqu’il se trouve au block de la mort, il aurait dû succomber aux coups du bourreau… mais Jakub – qu’il connait – l’a épargné autant qu’il l’a pu et Lale a également pu compter sur l’amitié de Cilka, maîtresse d’un SS qui a du pouvoir sur l’administration du camp et qui ordonnera sa libération.

           Et si je vous dis que cette histoire invraisemblable est vraie ! A la fin du roman, pour bien faire entrer dans la tête du lecteur que ce qu’il vient de lire n’est pas à ranger avec toutes les foutaises littéraires qui pullulent dans les librairies, Heather Morris nous accable d’un nombre conséquent d’épilogues, postfaces et autres remerciements qui permettent d’expliquer comment l’auteure a eu vent de cette histoire, comment elle a pris contact avec le fils de Lale et de Gita, Gary, puis comment elle s’est documentée pour ne pas tricher avec la vérité.

          Il n’empêche que ce roman est écrit dans un style très plat. Aucune émotion ne se dégage de l’ensemble. Et les personnages ne suscitent aucune empathie… je dirai même que Lale, avec tous les passe-droits dont il bénéficie et les magouilles qu’il met au point, devient antipathique. Par ailleurs, Heather Morris a voulu faire peur en nous montrant de docteur Mengele superviser les sélections et s’approcher dangereusement des tatoueurs… mais malheureusement, il reste bien fade et ne parait pas très inquiétant.

          Terminons par la construction du roman. Elle comporte de nombreux défauts, notamment des scènes mal gérées. Je pense par exemple à cette scène finale, sur le quai de la gare de Bratislava. Lale et Gita ne se sont pas revus depuis longtemps, ils marchent l’un vers l’autre. Quand enfin, ils sont face à face, avant même de dire « bonjour comment vas-tu ? », Lale s’agenouille et demande à Gita sa main.  Totalement invraisemblable ! Mais il faut bien comprendre que cet amour, né dans l’horreur d’Auschwitz, est hors norme ! Il est plus fort que tout ! C’est pourquoi Heather Morris nous donne à lire cette scène improbable.

          Malgré tout ce roman se lit bien, sans difficulté. Il amuse parfois par sa maladresse mais n’ennuie jamais. Mais quand au souvenir qu’il laissera dans ma mémoire, je crains bien que le tatouage ne sera pas indélébile.



13/08/2023
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