LECTURES VAGABONDES

              L’amitié, comme toutes les relations humaines intenses et affectives, est quelque chose de fragile… Trouver un seul vrai ami est déjà une gageure, alors lorsqu’on met en scène quatre filles inséparables, on reste un peu perplexe. Heureusement, il y a de l’ironie dans le titre du roman d’Imogen Parker - Des amies inséparables -  paru en 2002 aux éditions Belfond.

         Au début des années 80, Penny, Ursula, Manon et Annie font leurs études et se posent une question : que deviendront-elles plus tard ? Vingt ans plus tard, elles mènent leur vie chacune de leur côté et c’est un événement douloureux qui va les rapprocher : Penny, mariée à Roy, le frère d’Ursula – et mère de deux petites  filles : Lily et Saskia -  vient de mourir d’un cancer généralisé.

Quelques mois plus tard, des amies et des connaissances de la défunte décident de se retrouver pour un grand diner de commémoration. Mais que sont devenues Annie, Manon et Ursula ? La première est la vedette d’un talk-show à télévisé à succès ; mais cette réussite ne va guère de pair avec une vie amoureuse épanouie : à 40 ans, Annie cherche l’amour et pense que Roy, le veuf, ferait bien l’affaire. C’est dans l’espoir de le séduire qu’elle se rend au diner en l’honneur de la défunte Penny. Manon, de son côté, tient le vestiaire d’une boîte assez hype. Elle a une liaison sans amour avec un certain Franck financièrement plutôt généreux. Avant de se rendre au repas, elle se rend compte qu’elle est enceinte et cette nouvelle la plonge dans des sentiments ambigus où le désir de devenir mère affronte celui d’avorter. Quant à Ursula, elle est mariée à Barry, a deux fils et est devenue avocate. Pourtant, cette vie apparemment réussie et plutôt tranquille ne la comble pas tout à fait. Elle rêve d’un collègue nommé Liam, psychologue, et s’apprête à entamer une liaison fatale avec lui. De son côté, Roy, le veuf, vient de déménager : il quitte la maison de Joshua Street qui a abrité tant de souvenirs pour les amies. Le repas se déroule plutôt bien ; surtout pour Annie qui rencontre un médecin – Ian. De son côté, Manon retrouve Roy qui n’a jamais cessé de l’aimer en secret. Ils passeront la nuit ensemble. Mais Manon a un terrible secret : pour gagner sa vie, elle se prostitue. Et puis, elle est la seule à connaître le secret de Penny, la défunte épouse de Roy : Lily, sa fille cadette, est le fruit de retrouvailles fugaces avec son premier amour : Vin. Enfin, Ursula, pleine du désir qu’elle éprouve pour son collègue Liam, l’invite à passer la nuit avec elle. Mais au bout du compte, c’est la déception : Liam lui fait l’amour brutalement, sans respect. Elle ne tirera aucun plaisir de cette partie de jambes en l’air et retournera auprès de Barry, pleine de culpabilité. Pour nos trois héroïnes, c’est finalement le bonheur : Annie et Ian semblent s’entendre à merveille, même si leurs vies sont difficilement conjugables, Manon songe à Roy comme au futur père de l’enfant qu’elle porte : elle adore déjà les filles qu’il a eues avec Penny. Quant à Ursula, elle se rend compte que c’est auprès de son mari et de ses enfants que se trouve le vrai bonheur.

          Avec Des amies inséparables, Imogen Parker nous offre un roman « pour nous les filles » d’assez bonne facture, divertissant et agréable à lire… plutôt rare pour ce genre de soupe sentimentale et pseudo-féministe.

         En effet, on prend plaisir, dès le début du livre, à se plonger dans les trois histoires – présentées de manière assez convenue et simple, sous la forme de chapitres alternés – de trois femmes très différentes. Finalement, on est face à trois héroïnes assez stéréotypées, mais au cours de la lecture, on ne sent pas vraiment ce défaut majeur. Annie incarne la femme qui a réussi professionnellement, mais qui échoue lamentablement à trouver l’amour, le vrai ; Manon semble avoir tout raté, et sentimentalement, et professionnellement : elle est une femme mystérieuse qui cache une secrète fêlure ; quant à Ursula, elle a réussi et professionnellement, et sentimentalement, mais, comme on le sait tous, l’herbe est toujours plus verte dans le pré d’à côté.

          De manière très conventionnelle, Imogen Parker développe l’histoire de ses trois héroïnes : Annie et Manon trouvent enfin le grand amour… et pour Manon, un tournant décisif dans sa vie ratée se dessine et on envisage, pour elle, des lendemains lumineux auprès de l’homme qu’elle a toujours aimé. Quant à Ursula, elle paiera d’une amère déception son péché charnel : la morale est sauve ! Elle retournera auprès de son ennuyeux mari, toute contente de l’avoir… puisque décidément, elle s’était fait un film fantastique à propos de son goujat d’amant.

          Par ailleurs, Imogen Parker a introduit des zones d’ombres dans l’histoire de ses personnages : la prostitution secrète de Manon, l’origine adultérine de la petite Lily : voilà pour le trash. Sans compter qu’on pleure aussi un peu, comme tant tout bon roman pour filles : Penny, l’une des trois amies inséparables du départ, est morte d’un cancer généralisé et son ombre plane sur les retrouvailles des autres : on découvre ainsi que l’amitié qui unissait ces femmes n’était pas forcément très forte ; si Manon a toujours été présente aux côtés de Penny, c’est qu’elle est amoureuse de Roy, son mari, et ce sentiment semble bien être partagé. Pour les autres, le sentiment d’amitié s’est bien étiolé : Annie, prise par son métier de présentatrice de talk-show, n’est même pas venue à l’enterrement de Penny.

          Ainsi, si je reconnais les insuffisances de ce roman parfaitement convenu, j’ai la faiblesse de me dire que je me replongerai bien rapidement dans un autre opus d’Imogen Parker… au risque de m’en lasser très vite !