Hanif Kureishi : intimité /l’intimité d’un couple disséquée par Kureishi…
Hanif Kureishi est souvent catalogué comme étant l’écrivain de l’immigration… C’est sans doute en réaction à cette étiquette qu’il a écrit ce roman très court et qu’il revendique comme « personnel » : intimité paru en 1998 chez Christian Bourgeois éditeur.
Ce roman propose de disséquer la dernière nuit d’un couple à travers les doutes et les angoisses du narrateur qui a décidé de quitter sa compagne et ses deux enfants le lendemain, à l’aube, avant que cette dernière s’éveille. En effet, notre héros est amoureux d’une autre femme, Nina, et ne supporte plus de vivre auprès de Susan qui ne veut jamais plus faire l’amour… Cependant, quitter ses enfants le désespère et le déchire…
A travers ce roman, Kureishi se livre à l’analyse d’un couple usé par l’habitude, duquel le bonheur s’est échappé… L’analyse est lucide et franche, c’est ce qui m’a plu…
En effet, l’auteur regarde sans complaisance le milieu intellectuel et bourgeois qui est le sien à travers ce narrateur qui n’est autre que lui… Elevé dans les années 60, nourri au lait des années 70, il reste attaché à un certain idéalisme, à une certaine idée de la liberté… Mais nous sommes dans les années 90 et l’époque « peace and love » est loin… Désormais, c’est chez le psy qu’on soigne les névroses nées d’un conflit entre la jeunesse, ses idéaux et l’âge adulte, ses désillusions.
Par ailleurs, Kureishi place le sexe au milieu du drame conjugal avec un certain franc-parler qui est loin d’être désagréable. En voici un petit extrait :
« Voilà des semaines que
nous n’avons pas baisé. J’ai renoncé à m’approcher de Susan sur ce mode, pour
voir si, par hasard, elle me désirait encore. J’ai attendu le moindre signe
d’intérêt, sans parler de lubricité ou d’abandon. Je suis un chien couché sous
la table, qui espère qu’on lui donnera un biscuit. Pas seulement des
miettes. »
Par ailleurs, le narrateur est pleinement heureux au lit avec Nina… Il a besoin de ce plaisir sensuel pour se sentir bien. Il est peut-être un peu choquant de dire que l’amour, c’est avant tout ça : du sexe et rien que du sexe comme ciment fragile d’un couple… que quand le désir s’est évanoui, alors le couple vivote sans passion… qu’il suffit d’une rencontre un peu chaude pour tout faire exploser. Sans doute Hanif Kureishi choque-t-il un peu la morale judéo-chrétienne en affirmant le pouvoir du sexe dans ce sentiment ô combien sacré qu’est l’amour… Mais c’est dit, et c’est bien dit, je trouve…
De là à quitter aussi ses enfants… C’est un courage qu’il faut reconnaître au narrateur qui espère que sa femme retrouvera le bonheur auprès d’un autre homme. Il est convaincu que la séparation est un mal nécessaire pour un bonheur à venir, et ce, pour tous… Je pense que nombreux hommes n’aurait pas le courage de quitter le confort tiède d’une famille qui fonctionne tranquillement pour le corps d’une autre femme qu’il est si facile d’avoir pour maîtresse.
« Mais moi, je me disais
seulement qu’il y avait des coups pour lesquels n’importe qui serait prêt à
balancer dans une mer glacée sa compagne et les enfants avec. Mon royaume pour
un coup. »
On peut dire qu’intimité, en quelque sorte, reprend le thème du pouvoir du sexe sur l’homme sur le mode d'Oshima dans l’empire des sens (un peu moins trash, Kureishi ! quand même !).
Cependant, ce roman a aussi des côtés ennuyeux… Il n’y a aucune action : on est plongé au cœur de l’écriture de l’intime d’un bout à l’autre… Le temps écoulé entre la première et la dernière page, pour le narrateur est de quelques heures durant lesquels il pense et fait le bilan de sa vie de couple… Même si le roman est court, il faut vraiment parfois s’accrocher. La plupart du temps, l’écriture de l’intime me plait s’il y a un regard ironique sur soi… Ce n’est pas vraiment le cas de Kureishi qui prend un peu trop son lecteur pour une oreille de psychanalyste… Dommage.
Cependant, je crois que je conseille quand même ce livre pour son franc-parler… et tant pis si l’image du couple en sort sérieusement ébranlée…
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