LECTURES VAGABONDES

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Irène Némirovsky : Les chiens et les loups / un roman qui manque un peu de chien.


J’avoue que je suis un peu déçue par ce roman d’Irène Némirovsky : les chiens et les loups, roman écrit en 1940 et paru aux éditions Albin Michel. J’attendais sans doute beaucoup mieux de la part de cette immense écrivaine disparue à Auschwitz en 1942.

Le roman se présente comme une grande saga familiale qui débute en Russie, plus particulièrement en Ukraine, au début du siècle et s’achève en France, au début de la seconde guerre mondiale. Les Sinner sont juifs… ils sont nombreux mais ne viennent pas tous des mêmes milieux sociaux. Ada et son cousin, Ben, viennent des bas-fonds de Kiev : ils vivent dans une misérable demeure avec leurs tantes, leurs pères, grand-père, cousines… toute une smala qui tente, comme elle le peut de joindre les deux bouts. De l’autre côté de la ville, dans une splendide demeure, vivent l'oncle Israël Sinner, riche homme d’affaire et son fils, Harry. C’est l’heure des persécutions pour les juifs russes : le quartier où vivent Ada et Ben est frappé par des pogroms et la famille trouve refuge chez leur richissime oncle qui accepte de les aider pour un temps. C’est à cette époque, au cœur de sa plus tendre enfance, qu’Ada tombe amoureuse de son cousin Harry. Mais le jeune garçon, de son côté, entrevoit à peine la jeune fille…

Quelques années plus tard, Ada vit à Paris : elle est couturière… mais sa passion, c’est la peinture. Pour pouvoir vivre librement, elle accepte d’épouser Ben, son cousin, dont elle n’est absolument pas amoureuse. Plus tard, elle apprend qu’Harry a épousé une française nommée Laurence Delarcher. Elle ne sait comment retrouver ce grand amour d’enfance qu’elle n’a jamais oublié : elle lui offre donc de manière anonyme un livre. Intrigué, le jeune homme se rend chez le libraire pour savoir qui lui a fait ce cadeau : c’est alors qu’il découvre quelques tableaux peints par Ada. Il en achète deux. Et puis, il retrouve la jeune fille et une passion naîtra entre eux : ils deviendront amants : Ada quitte Ben, Harry envisage le divorce d’avec Laurence. Mais c’est sans compter la crise des années 30, crise qui ruine la famille Sinner. Pour sauver son amant de l’opprobre, Ada décide de disparaître afin qu’Harry puisse renouer tranquillement avec sa femme et la richissime famille Delarcher. C’est dans la solitude qu’elle mettra au monde l’enfant dont elle rêvait pour tous les deux.

Par où donc commencer ma critique qui ira, je crois, tous azimuts ?

Par le meilleur : ce livre se lit bien et on ne s’ennuie pas. Cependant, je n’irai pas jusqu’à dire qu’on prend son pied car l’ensemble est beaucoup trop superficiel.

D’abord, la peinture du monde juif : c’est un monde stratifié mais qui a aussi le sens de l’entraide. Il est l’arrière-plan de l’histoire… un arrière-plan beaucoup trop lointain. Irène Némirovsky met davantage l’accent sur quelques individus isolés et sur leur destin qui n’a, finalement, pas grand intérêt. Les vrais personnages juifs, ceux qui trafiquent l’argent, ceux qui intriguent et mènent la danse sont quasiment impalpables,  esquissés à la va-vite et en filigrane dans le roman. Ainsi ne sommes-nous chez « les loups » -  les juifs -  que parce qu’Irène Némirovsky le dit et rien d’autre… la spécificité de ce monde est donc très peu sensible.

Alors, il reste, me direz-vous : les personnages. Là encore, c’est la déception. A vouloir mélanger l’Histoire tourmentée des juifs au début du siècle, la peinture de plusieurs milieux sociaux et des personnages qui se veulent emblématiques de tout ça, on fabrique tout ou n’importe quoi. Sans doute Balzac et d’autres ont-ils réussi le pari… mais c’est loin d’être le cas d’Irène Némirovsky dans ce roman. Ben, Ada et Harry sont des personnages étiolés, inexistants et sans saveur. J’aurais d’ailleurs bien du mal à vous les décrire : ils se ressemblent dans l’insipidité. Irène Némirovsky n’a malheureusement pas su doser leur part d’enfance en Russie, trop importante et assez peu intéressante, et leur part de vie adulte en France, sur laquelle elle passe trop rapidement. Aucun événement marquant ne se détache de leur vie, pas même leurs rencontres ou leurs mariages… Les chapitres se succèdent, faisant parfois fi de nombreuses années de  la vie de tous ces personnages, ce qui crée des ruptures que la narration ne comble ni ne justifie. Bref, c’est un ensemble bien effiloché et bien décousu qui nous est donné à lire.

Que dire enfin de l’histoire d’amour insensée que nous a pondue Irène Némirovsky dans les chiens et les loups ? Une enfant juive et pauvre tombe amoureuse de son cousin juif et riche… Et bien sûr, c’est lui, l’homme de sa vie,  lui et personne d’autre. La moitié d’orange, quoi ! Le prince charmant ! Sans doute, j’adore les histoires d’amour mais il faut qu’elles soient crédibles. Un amour d’enfance ? Pourquoi pas ? Cependant, Ada et Harry se sont entrevus à peine cinq minutes à l’âge de 7 ans et elle ne parvient pas à l’oublier ! Cet amour est là comme une fatalité et une certitude… Alors là… J’avoue que ça coince un peu ! Quant aux retrouvailles parisiennes : c’est Amélie Poulain qui sème ses petits cailloux pour que son prince charmant vienne la cueillir dans sa chambre.

Allons donc : quand un amour est à ce point tarabiscoté… on peine à y croire ! L’amour, ça peut être très simple et/ou très compliqué… Mais l’amour véritable n’est pas tarabiscoté : dans les chiens et les loups, on nage juste en plein dans le pur fantasme de l’auteure qui rêve à des amours prédestinées tellement exceptionnelles que même un conte de fée est plus crédible !



15/10/2010
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