LECTURES VAGABONDES

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Anny Duperey : Allons voir plus loin, veux-tu ?/Bien volontiers, on poursuit le voyage…

 

                Je savais bien que la populaire matrone d’Une famille formidable, Anny Duperey écrivait des romans. Sans véritablement chercher à découvrir ce côté-là d’une actrice qui ne m’inspire pas grand-chose, j’ai eu l’occasion de lire Allons voir plus loin, veux-tu ?, roman qu’Anny Duperey a écrit en 2002 et fait paraître aux éditions Seuil.

                Allons voir plus loin, veux-tu ? raconte l’histoire de quatre personnages, deux hommes et deux femmes, qui vivent une période de crise et de remise en question. Ainsi, Christine, Paul, Solange et Luc vont se croiser et se lier les uns aux autres de différentes manières pour finalement sortir de l’impasse dans laquelle ils se trouvaient.

                Mais faisons d’abord connaissance avec nos quatre héros. Tout d’abord, nous avons Christine, la cinquantaine, travaillant dans une agence de voyages ; tout semble rouler pour notre héroïne qui pourtant traverse une crise. Elle souhaite vendre sa maison de campagne, située dans le Berry. La raison ? Elle ne supporte plus la solitude et l’isolement ; cette maison  lui prend tout son temps, elle y passe ses week-ends, ses vacances. Désormais, elle veut vivre à cent à l’heure et renouer avec son travail.

Paul est agriculteur. C’est le voisin de Christine, mais nos deux héros ne se connaissent pas vraiment. En effet, Paul vit dans une famille particulière que personne ne fréquente. Ses parents et grands-parents sont rustres, renfermés, avares, arrimés quotidiennement à la somme de travail à accomplir. Paul n’est pas marié. Certes, il fut, un jour, amoureux, mais sa fiancée est partie en courant lorsqu’elle a fait connaissance avec la famille de Paul, famille qui l’a, au demeurant, très mal accueillie. Depuis, Paul est seul et travaille comme un fou. Il aime la terre et la nature, mais l’absence de femme lui pèse. Un jour, il prend un fusil qu’il retourne contre lui.

Solange est guichetière à la SNCF dans un coin du Berry. Mais c’est lors un voyage organisé par l’amicale du personnel que nous faisons connaissance avec la jeune femme. Exaspérée par la bêtise de ce type de voyage où tout le monde fait la même chose en même temps, la jeune femme décide de quitter le troupeau et de passer sa semaine seule à Nîmes. Dans la rue, elle croise une clocharde qui lui rappelle une certaine Eliane, une femme qu’elle a connue lors de vacances d’été, il y a bien longtemps, et qui a soudainement disparu. Fascinée par cette clocharde, certaine que cette dernière, c’est la fameuse Eliane de son enfance, Solange la suit, lui offre à manger, à boire. Leur relation oscille entre rudesse et tendresse. Elle finit par faire vaciller Solange. En effet, notre héroïne est souvent agressive avec son entourage. Il est sûr qu’elle n’est pas heureuse et que ce comportement n’est pas étranger à son désespoir. C’est avec détermination et envie de changer d’attitude envers les autres qu’elle rentre chez elle.

Enfin, Luc. Nous le rencontrons en Hongrie, dans un restaurant chic et cher de Budapest. Luc accompagne des hommes d’affaires français. Il est traducteur… momentanément et par hasard, car Luc est en réalité au bout du rouleau. Sa femme, maniaco-dépressive, lui mène la vie dure : elle le trompe, elle est rejetée par toute la famille ; et puis, de crise en crise, Luc a perdu son emploi de dessinateur, car considéré comme non fiable. Cependant, à Budapest, dans ce restaurant, il décide de commander du caviar… et de ne jamais plus se sacrifier pour sa femme.

Nous retrouvons nos quatre personnages après cette période de crise et de remise en question. Christine et Luc, ensemble à Budapest, entament une liaison passionnée. Très vite, Christine invite Luc à s’installer dans sa maison du bas Berry. Paul est mort, mais la jeune femme est hantée par leurs quelques rencontres et ce qui s’est dit à ces occasions, notamment, à propos d’un lieu magique, découvert par le paysan, duquel on voit la Creuse. Quant à Solange, elle sera engagée par Christine comme collaboratrice au sein de l’agence de voyages. Et c’est sur cet happy end que se termine le roman.

Certes, le roman Allons voir plus loin, veux-tu ? n’est pas dénué de défauts. Anny Duperey a voulu brosser le portrait de personnages en crise, à un moment de remise en question définitive. Cependant, les situations dans lesquelles elle met en scène ce bouleversement sont cocasses, pour ne pas dire, improbables. Christine se rend compte de sa solitude en appréhendant une jeune fille qui attend son amoureux sur le quai de la gare : la vision de la jeune fille poireautant seule dans le hall alors qu’elle est l’objet des rires de son amoureux et de ses camarades qui l’espionnent, la retourne au point de susciter chez elle une violente crise de larmes qui la ramène dans sa vieille demeure qu’elle avait pourtant voulu quitter. Bof. On y croit qu’à moitié. Et que dire de Solange et de son trip avec une clocharde ressemblant tellement à une vieille connaissance ? On nage dans le grand n’importe quoi !

Par ailleurs, sur quatre personnages, deux sont presque inutiles, si on considère le dernier chapitre, concentré surtout sur Christine et Luc, et dans lequel Solange et Paul peinent à trouver leur place. Christine et Luc s’épanouissent dans la maison du bas Berry : ils embellissent le lieu, Luc retrouve du travail, il lance une activité artistique destinée aux enfants du village… bonjour le stéréotype de la vie heureuse à la campagne. Solange et Paul vienne péniblement se greffer sur ce nouveau bonheur et tombent d’ailleurs comme deux cheveux sur la soupe : deux intrus dont Anny Duperey se débarrasse en leur accordant une part minime d’attention. Solange est une amie et alliée précieuse ; point final, ou presque. Paul est décédé, mais reste un mentor qui indique une direction au couple ; point final et bien final.

Par ailleurs, la fin du roman est totalement convenue : après un bref moment de remise en cause, nos deux personnages-phare trouvent l’amour et le bonheur ensemble et tout semble si facile ! On en tirera comme morale : « après la pluie, le beau temps », sans trop savoir ni comment  ni pourquoi les choses se combinent ainsi.   

Cependant, Anny Duperey réussit à tenir éveillé l’intérêt du lecteur. Quel est son secret ? Sans doute cette belle sensibilité qu’elle met dans la peinture des personnages. Par de subtils flashs back mêlés au présent marqué par la crise, elle parvient à donner à ses personnages une belle densité et on se prend de passion pour ces quatre itinéraires qui se déploient jusqu’à l’instant fatidique qui est esquissé dès le début de chaque chapitre, le roman se décomposant en cinq parties : quatre concernant chacun des quatre personnages, et un dernier mêlant les quatre destinées. 

Bref, Allons voir plus loin, veux-tu ? est une belle surprise : Anny Duperey ne démérite pas dans son rôle d’écrivaine : si les histoires méritent d’être plus travaillées au niveau de leur densité et de leur ambigüité, les personnages sont bien construits, croqués de manière sensible et nuancée ; ainsi, son roman vaut assurément le détour… et pourquoi pas ! Comme Christine et Luc, les héros du roman, moi aussi, j’irai voir plus loin dans les romans de l’actrice phare d’Une famille formidable.



21/05/2014
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