LECTURES VAGABONDES

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Guillaume Musso : Je reviens te chercher / je reviens sur ce que j’ai dit…


Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en empruntant ce roman de Guillaume Musso : Je reviens te chercher, paru en 2008 aux éditions XO, je m’apprêtais à en dire du mal, tant l’écrivain a mauvaise presse dans les milieux littéraires. Ecrivain pour midinettes, best-sellers qui usent toutes les ficelles commerciales des bons sentiments…. Soit. Il m’est arrivé de prendre Musso comme référence du mauvais écrivain, mais je ne faisais alors que suivre le chorus intello sans jamais avoir lu une seule page dudit écrivain. Eh bien ! Avouons-le,  j’ai lu le livre Je reviens te chercher de Guillaume Musso d’une traite, sans m’ennuyer une seule seconde, avec l’envie que ça continue encore et encore.

Ethan Whitaker est au faîte de la réussite : psychologue renommé, il gagne beaucoup d’argent grâce à des émissions télévisées, et ses livres se vendent par milliers. Quinze ans auparavant, il a tout quitté sur un coup de tête, convaincu que la vie d’homme marié et d’ouvrier qu’il s’apprêtait à vivre allait le rendre malheureux. Envie de réussite, de gloire, d’argent. Pourtant, aujourd’hui, alors qu’il a réussi sur le plan professionnel, Ethan Whitakerse rend compte qu’il n’est pas heureux. Il faut dire que cinq ans auparavant, il a quitté la seule femme qu’il ait jamais aimée - Céline Palladino - convaincu qu’il est un danger pour elle. Nous sommes à Manhattan, le Samedi 31 Octobre 2007, à 8 heures du matin : Ethan s’apprête à vivre une journée infernale. La veille, il a beaucoup bu et ne se souvient plus de ce qu’il a fait. Il se réveille à côté d’une somptueuse jeune femme qu’il ne connaît pas, avale un café, enchaine avec une émission télévisée… C’est alors qu’une succession de drames se produit : une jeune fille, Jessie, se suicide devant lui, Ethan trouve un carton d’invitation pour le mariage de Céline - la femme qu’il a toujours aimée – mariage auquel il se rend et qui achève de le démoraliser. Bref, au terme de la journée, gradation ultime dans le drame : Ethan est assassiné par un mystérieux inconnu. Pourtant, le lendemain, il se réveille : mal à la tête, une somptueuse inconnue à ses côtés dans le lit… Eh oui, la fameuse journée de la veille, il va la revivre en connaissance de cause. Ethan saura-t-il forcer le destin et éviter tous les drames de la fameuse journée du 31 Octobre ?

Avec Je reviens te chercher, Guillaume Musso signe une véritable tragédie classique : tout y est. Unité de lieu : Manhattan, New York. Unité de temps : l’action se déroule en une seule journée, qui se répétera 3 fois, comme autant d’actes dramaturgiques. Unité d’action : Ethan Whitaker est face à un enchaînement d’épisodes tragiques voulus par le destin. Cependant, cette partition tout à fait classique, Musso va la jouer de manière résolument moderne, cinématographique.

On compte tout d’abord la technique du flash-back dont Musso use et abuse peut-être un peu, mais qui est ici parfaitement maîtrisée : ainsi, s’ouvrent des échappées dans le passé qui permettent d’appréhender les grandes étapes de la vie des personnages, à la manière des récits du théâtre classique. Vient ensuite la question du temps : puisque tout se déroule sur une journée qui sera répétée trois fois, les chapitres se succèdent selon les heures, les minutes, les secondes (Manhattan, hôpital Saint Jude, 22 heures 05) qui s’écoulent et finissent par devenir entêtantes, par imprimer un certain degré d’urgence à l’action. Cette technique du découpage en scènes fixées par un lieu précis et une heure précise de la journée est largement utilisée dans les séries policières actuelles, particulièrement rythmées.

J’ai également particulièrement aimé toutes les références cinématographiques auxquelles le roman fait appel : la répétition d’une même journée fait indéniablement penser au scénario de Un jour sans fin, le film d’Harold Ramis avec Bill Murray.  Mais on trouve également, sur la fin du roman, quelque chose des choses de la vie de Claude Sautet, et un peu du fameux 21 grammes d’Innaritù. Les mauvaises langues diront que Musso a totalement pompé les idées de ces films, d’autres, un peu moins mauvaises, diront qu’il « s’est largement inspiré de », les plus enthousiastes y verront des clins d’œil bien appuyés… De toutes manières, l’ensemble fonctionne parfaitement et jamais on n’a l’impression d’être plongé dans une histoire grotesque ou abracadabrante.

Pourtant, à regarder les choses avec un peu de recul, on est quand même tenté de rire un peu : Musso met la dose en matière de recettes de cuisine testées et approuvées : mélange de paranormal et de grands sentiments, intrigue menée de manière policière avec élucidation du mystère des drames et des personnages au fur et à mesure de la reproduction de la journée, amour, gloire et beauté, sans oublier la mort et le destin... Et sans oublier le Karma ! Bref. Il faut bien avouer que l’ensemble n’est qu’un amalgame de mauvais scénarii de séries télévisées à succès : découverte d’un enfant caché, mort ordonnée par un tueur en série, mariage décommandé au dernier moment, greffe du cœur d’Ethan qui va désormais battre dans la poitrine de Céline qui se retrouve enceinte de ce dernier, après avoir fait l’amour une fois avec lui avant sa mort… Pouah ! Et pourtant ! Vraiment, on lit Je reviens te chercher avec délices, avec la sensation d’avoir entre les mains un petit bijou de construction, et on se laisse porter par l’enchaînement parfaitement huilé de tous les rebondissements.

Alors, tant pis pour moi si les collègues qui auront lu cet article me tancent demain, en salle des profs, mais vraiment, j’ai envie de renouveler l’expérience Musso… et celle de Marc Lévy, également, puisqu’on dit que ces deux auteurs à succès se ressemblent.



02/03/2012
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