George Orwell : 1984/ En 2023
Aujourd’hui, je vous emmène – ou vous ramène ? – en 1984. Vous l’aurez compris, nous allons nous pencher sur la célèbre contre-utopie que George Orwell a fait paraître en 1950 aux éditions Gallimard et qui s’intitule 1984.
Nous sommes à Londres, en 1984. Winston travaille au commissariat des Archives. Son rôle ? A chaque fois qu’il est nécessaire, et qu’une dépêche tombe avec une information à relayer, il efface ou transforme les documents des archives afin que la vérité d’aujourd’hui concorde avec celle d’hier. (Par exemple, si aujourd’hui, tout le monde doit porter un masque dans la rue pour éviter la contamination au Covid 19, il faut transformer tout ce qui, dans les archives passées, indiquaient que le masque ne servait à rien. Quel boulot !). Cependant, Winston souffre de plus en plus dans cette société où les télécrans surveillent les gens partout et déversent à longueur de journée leur propagande pour Big Brother, le chef du territoire de l’Estasia, où se situe désormais Londres. La liberté de pensée n’existe pas. Les gens ont faim et la nourriture proposée est infâme. La suspicion est partout, au sein même des familles, puisque les enfants sont parmi les premiers à dénoncer leurs parents s’ils dévient, ne serait-ce que par un geste, de l’obéissance et de l’obédience due au Parti. Winston a l’intention de commencer un journal intime, dans lequel il a comme projet de consigner la genèse de sa révolte contre le système dictatorial généré par Big Brother. Un jour, lors de la minute de la Haine, moment où tout s’arrête en Estasia et où chacun vocifère contre Emmanuel Goldstein, l’ennemi public n°1, Winston croise le regard d’un certain O’Brien, membre du Parti Intérieur, et il croit déceler dans ce regard une connivence dans la contestation. Et puis, il y a cette jeune femme dont il se méfie. Elle s’appelle Julia et bientôt, elle entre en contact avec Winston pour lui dire qu’elle l’aime. Un rendez-vous est fixé clandestinement. Il faut dire qu’éprouver un sentiment amoureux est interdit en Estasia. Nos deux amants trouvent une petite chambre qu’ils louent dans un quartier de prolétaires, au-dessus d’une boutique d’antiquité tenue par un certain monsieur Charrington. Ensemble, ils se laissent aller à une certaine contestation car si Julia semble collaborer activement aux activités établies par le Parti, en son for intérieur, elle s’oppose à la dictature. Un jour, nos deux tourtereaux sont convoqués par O’Brien. L’intuition de Winston semble se vérifier puisque O’Brien propose à Winston et à Julia d’entrer dans une organisation clandestine de résistance à Big Brother : La Fraternité. Winston accepte mais alors qu’avec Julia, il lit le livre que lui a donné O’Brien, il est arrêté : monsieur Charrington et O’Brien lui-même sont les instigateurs de cette arrestation : ces deux-là sont, en réalité, membres de la Police de la Pensée. Voilà donc notre héros détenu, interrogé et torturé par O’Brien lui-même. Contrairement à son attente, Winston ne sera pas exécuté mais libéré après avoir subi un lavage de cerveau en règle. C’est désormais un homme brisé qui se prend à adorer Big Brother.
Avec 1984, George Orwell signe une contre-utopie efficace. On connait tous le célèbre Big Brother, dénomination qui est passée dans notre langage commun et qui représente une entité destinée à la surveillance des idées et des pensées. Big Brother est connu reprise un peu partout aujourd’hui sous forme de voix off dans des émissions de téléréalité ; la célèbre émission Loft Story dans laquelle des individus sont filmés 24 heures sur 24 l’incarne à partir d’une image assez éloquente : une sorte d’œil qui surveille tout. Eh bien, ce fameux Big Brother vient tout droit de 1984 !
La principale caractéristique de la société décrite dans 1984, c’est qu’elle a la forme d’une dictature absolue, totale, puisque même penser est interdit. Il y a des télécrans partout. Par ailleurs, l’individualisme est poussé à l’extrême et sa conséquence et la solitude et l’abolition – ou presque - de toute vie collective. Tout le monde se méfie de tout le monde et même les enfants sont les ennemis de leurs parents puisque la dénonciation est une véritable institution. Par ailleurs, tout contact, tout lien, tout sentiment doit être refoulé car ne compte que l’adoration envers Big Brother.
Les caractéristiques de ce monde totalitaire sont amplement développées dans le passage très indigeste où Winston lit le livre donné par O’Brien, livre qui raconte comment Big Brother a pris le pouvoir, sur quelles bases il l’exerce, pourquoi il y a une guerre perpétuelle entre l’Estasia et l’Eurasia, voire parfois contre l’Océania (en effet, le monde se partage désormais en 3 grands continents).
Par ailleurs, le roman comporte aussi un autre passage très longuet et dont on peut se passer. Il se situe à la fin, en annexe. Y sont détaillés tous les principes de la novlangue. Il s’agit d’une langue fabriquée par Estasia, destinée à remplacer progressivement celle qu’utilisent encore les Estasiens, une langue appauvrie, bannissant tous les mots abstraits, les mots de la contestation ou encore les mots qui permettent l’élaboration d’une pensée.
Enfin, le passage du lavage de cerveau est particulièrement éloquent et développe des scènes de tortures destinées à briser définitivement un homme. Winston y apprend à ne plus penser ; mais il faut qu’il se rende de sa propre volonté, de cœur et d’âme, au Parti.
En lisant 1984, on pense bien sûr à tous les régimes totalitaires qui existent, notamment celui de Staline en URSS car lorsque parait le roman, on est alors en plein dans les purges organisées par le tyran rouge. Mais ici le pouvoir et l’exercice du pouvoir sont encore étendus et surpassent ceux qui existent dans le monde. Le roman joue sur une extrapolation des réalités connues. Aux Etats-Unis, le maccarthisme fait rage et on se livre à une véritable chasse aux sorcières contre les communistes. Le contexte de la guerre froide fait que deux blocs s’érigent l’un contre l’autre, l’est contre l’ouest ; l’Estasia contre l’Eurasia.
Malgré des passages longuets et indigestes, 1984 est une contre-utopie qui reste un must et qui encore aujourd’hui fait écho à ce qui se passe dans le monde. En effet, avec les applications de géolocalisation, avec l’espionnage informatique lié à l’utilisation de cookies, on est en liberté surveillée. En réalité, on entre dans une société de liberté apparente où on a l’impression qu’on peut tout dire et tout penser alors qu’on subit désormais la dictature de la bien-pensance et que certains propos sont à bannir sous peine d’être étiqueté « facho ». Quand on te dit ce que tu dois penser, Big Brother n’est pas loin.
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