Franck Courtès : Sur une majeure partie de la France/Roman mineur.
Alors que depuis quelques jours courent sur une majeure partie de la France les vacances d’hiver, je vous propose d’aller faire un petit tour dans la Beauce, région en pleine mutation géographique. Voici donc le premier roman d’un écrivain nommé Franck Courtès ; il a écrit Sur une majeure partie de la France en 2016 ; ce roman parait aux éditions Jean-Claude Lattès.
Nous sommes à Mortcerf, village de la Brie, région en pleine mutation géographique. En effet, à l’origine profondément rural, l’endroit accueille année après année une population déracinée : les lotissements se construisent et Morcerf devient une extension de la banlieue parisienne. Quentin vit là depuis sa plus tendre enfance ; il est profondément attaché à la ruralité et tombe amoureux d’Anne, une fille du village voisin.
Cependant, depuis quelques années, le calme et la paix dans lesquels on vit à Mortcerf et dans les environs sont compromis par une population de jeunes délinquants qui s’adonnent au trafic de drogue, en général, et à d’autres combines louches plus particulièrement. Le chef de la bande se prénomme Gary et il est extrêmement violent. Lorsqu’Anne tombe enceinte des œuvres de Quentin, ce dernier ne se voit pas assumer déjà un rôle de père. Les deux amants se séparent et Anne devient la petite amie de Gary et sombre dans une consommation excessive de marijuana. Anne n’est pas la seule à tomber dans le piège des paradis artificiels. Le frère de Quentin, Benoît, s’y adonne tant qu’il se livre aussi au trafic dont Gary est le chef. Alors qu’il doit une somme d’argent non négligeable à Gary, somme qu’il est incapable de rembourser, Quentin décide de régler l’affaire à sa manière : il tue Gary. Plus tard, il apprendra que Gary était son demi-frère, mais cette révélation ne lui fera ni chaud ni froid. Son grand regret aura été d’avoir abandonné Anne qui a donné naissance à une petite fille prénommée Emma. Quentin est tombé sous le charme de l’enfant. Après s’être acquitté des quelques années de prison pour le meurtre de Gary que personne ne regrette dans la région, il se lancera avec succès dans l’exploitation agricole. Sa fille vient le voir… mais son frère, Benoît, est mort prématurément d’une rupture d’anévrisme causée par une trop grande consommation de marijuana.
Si sur une majeure partie de la France de Franck Courtès n’est pas désagréable à lire, c’est loin d’être un bon roman. Mais comment l’œuvre se présente-t-elle ? Pas de grande originalité sur ce point : le roman oppose les enracinés et les déracinés et tout logiquement, il alterne les chapitres consacrés à Quentin, l’enraciné, et aux autres : Gary, notamment. En effet, Franck Courtès a un message à faire passer et pour ce faire, il s’est inclus dans ce roman sous la forme d’un narrateur-observateur qui commente l’action ou souligne l’état dégradé de l’environnement. Et à l’occasion de pages assez fortes et virulentes, il fustige l’évolution démographique et géographique de la France : la disparition de la vraie ruralité, des valeurs de l’enracinement ; mais aussi à contrario, il s’en prend au développement d’une population déracinée, perdue, qui génère toutes sortes d’excès. Et c’est là que se trouvent les limites de Sur une majeure partie de la France.
En effet, le roman est caricatural : entre Quentin qui connaît par cœur le terroir de la Brie : l’espace, la chasse, les endroits cachés et précieux, et Gary qui fume de la marijuana et s’adonne à la violence et à tous les trafics, il n’y a pas de milieu. D’ailleurs, mis à part Quentin, le seul véritable enraciné – espèce en voie de disparition – tous les autres personnages sont en perte de repères et fument de la marijuana. C’est quand même un peu simpliste ! Par ailleurs, les relations entre ceux qui dérivent – c’est-à-dire Gary et sa bande, et Benoît, le frère de Quentin – sont dignes d’un scénario de mauvaise série policière française : menaces de mort, rendez-vous crapuleux, chantages en tous genres. Et comme Quentin est le seul à avoir les bonnes valeurs, c’est lui qui, comme un bon samaritain, va purger l’endroit de la vermine qui le ronge : il tue Gary.
Autres recettes empruntées aux scénarios des mauvaises séries françaises, le pathos convenu du frère qui tue, sans le savoir, son demi-frère ou encore du jeune homme qui ne veut pas être père, puis qui regrette sa décision quand vient l’enfant ! Cependant, ces veines-là ne sont pas exploitées : elles sont juste présentées, point-barre. Vraiment et malheureusement, Sur une majeure partie de la France est un roman mineur. Dommage car le sujet traité - important - méritait mieux !
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