LECTURES VAGABONDES

LECTURES VAGABONDES

Eric-Emmanuel Schmitt : Les perroquets de la place d’Arezzo/Vos gueules, les mouettes !

       

                Mais non ! Ce roman ne traite pas des mœurs des perroquets d’Italie ! D’ailleurs la place d’Arezzo, dans le roman, se situe en plein cœur des quartiers chics de Bruxelles, là où vit et se chamaille toute une faune surprenante d’individus. C’est Eric-Emmanuel Schmitt qui est à l’origine de ce roman intitulé Les perroquets de la place d’Arezzo, publié en 2013 aux éditions Albin Michel.

 

          Zacharie Bidermann en st à son troisième mariage avec la richissime Rose. De temps à autre, il se paie les services d’une prostituée dans son bureau. Alors qu’il est promis à un bel avenir de premier ministre de la Belgique, il viole une femme de chambre dans un hôtel. Mais c‘est Petra Von Tannenbaum, témoin de la scène, qui crie haut et fort qu’elle a été violée ; la preuve ? le mouchoir sur lequel se trouve l’ADN de Zacharie Bidermann, mouchoir qu’elle a enlevé à la femme de chambre. Alors, c’est la dégringolade pour Zacharie Bidermann, éclaboussé par le scandale. Quant à sa femme, Rose, elle se console grâce à Diane qui se révèle être sa demi-sœur.

          Faustina et Dany, avocat, viennent de passer une nuit d’amour torride. Elle est habituée aux coups d’un soir. Mais les rencontres nocturnes entre ces deux-là continuent. Dany propose également à Faustina d’aller dans une boîte échangiste. Mais leur relation piétine alors la jeune femme décide d’épouser le très terne Patrick Breton-Molignon.   

          Baptiste écrit un dictionnaire des rapports amoureux. Il vit depuis plus de dix ans avec Joséphine. Il l’a trompée deux ou trois fois. Un jour, par mégarde, il ouvre le courrier de Joséphine… Quelle fameuse lettre ! Joséphine lui confie alors qu’elle est amoureuse d’une femme prénommée Isabelle. Très vite, le trio s’installe ensemble dans l’appartement de Baptiste et Joséphine.

          Eve se laisse entretenir par plusieurs amants : Hubert, âgé, et Philippe. Mais en secret, c’est le jeune Quentin, fils de Philippe, qu’elle désire. Un  jour, elle apprend par Rose Biderman que son amant, Philippe Dentremont, a une autre maîtresse : Fatima. Lors d’un séjour à Knockke-le-Zoute où elle nargue Philippe alors en famille, le fils de ce dernier, Quentin, se sent à son tour attiré par Eve. Après une courte liaison, Eve décide de reconquérir Philippe.  

          Patricia vit avec sa fille, Albane. Elle se laisse aller et grossit. Pourtant, elle est séduite par le jardinier Hippolyte qui travaille sous ses fenêtres. Un jour, il se présente chez elle ; ils deviennent amants. Hippolyte est papa d’une petite Isis. Leur couple connaitra des hauts et des bas à cause des malheurs arrivés à Albane. Mais tout finira bien pour eux.

          François-Maxime de Couvigny est marié à Séverine dont il a quatre enfants. De temps à autre et en secret, il se tape un jeune homme. Un jour, il confie à sa femme les origines de la fêlure qu’il continue à taire, cependant : son père se travestissait en femme en cachette. Lorsque l’affaire a éclaté au grand jour, la famille s’est disloquée. Sa femme, Séverine, entretient, elle aussi, de son côté, des relations homosexuelles avec Xavière. Mais lorsque cette liaison prend fin, Séverine se suicide. Désormais seul, François-Maxime de Couvigny se met à se travestir pour se rapprocher de sa femme. Il s’occupe seul de ses enfants et se sent désormais dégoûté par les rapports homosexuels. 

          Marcelle, la concierge, vit avec un homme qu’elle appelle « mon afgan ». Un jour, il la quitte car il est en réalité marié et étranger,et se servait de Marcelle et de son appartement comme pied à terre à Bruxelles.

          Madame Beauvert, vieille fille plutôt nantie, possède un perroquet du nom de Copernic. C’est son seul compagnon. Tandis que la concierge s’apprête à marier son fils avec une fille de la haute, madame Beauvert s’invente un amant pour donner le change : sa véritable passion, ce sont les machines à sous. Ruinée, elle s’installe dans un autre quartier bruxellois beaucoup moins chic que celui de la place d’Arezzo. Elle comprend, alors qu’elle a failli perdre son perroquet, que celui-ci est l’amour de sa vie… et réciproquement.

          Albane sort avec Quentin. Mais la jeune fille se sent encore trop jeune pour coucher avec son petit ami. La lettre ? Elle croit que Quentin l’a écrite pour elle, mais le jeune homme reprend celle-ci… Elle est donc pour une autre ? Attiré par Eve, le jeune homme rompt avec Albane. Désespérée, la jeune fille tente de séduire le bel amant de sa mère, Hippolyte ; mais ce dernier la repousse. Dépitée, Albane fugue et se fait violer dans la rue. Elle est sauvée par Diane qui la ramène à sa mère.

          Wim vend des œuvres d’art. Il vit avec la splendide Oxana, qui n’a sans doute pas inventé le fil à couper le beurre. Son assistante, Meg, en pince pour lui en secret. Par opportunisme, il laisse tomber Oxana pour la très hype Petra Von Tannenbaum qui déteste les relations charnelles. Dépité, il couche avec Meg, son assistante qui ne lui plait pas. Celle-ci dévoile à Wim, le secret de Petra : cette dame est transsexuelle. 

Ludovic cherche l’amour en rédigeant des petites annonces. Il se confie à sa meilleure amie : Tiffany. Un jour, il rencontre une femme sur internet ; son pseudo : Fiordiligi. Malheureusement pour lui, il découvre que ce n’est autre que sa mère qui se cache derrière ce surnom.

          Victor est un jeune étudiant, très beau. Il se demande qui a bien pu écrire ce message parmi ses amis et amies. Il considère Baptiste, son oncle, comme un père de substitution. Un jour, il rencontre Oxana, l’ex de Wim, et entame une liaison amoureuse avec elle. Mais Victor a le SIDA et n’ose pas le dire à Oxana. Après une bonne discussion où Oxana révèle qu’elle ne pourra pas avoir d’enfants, et où Victor lui avoue la vérité sur sa maladie, les deux amoureux seront inséparables.  

          Diane est une intello qui aime Nietzsche… et les relations sado-masochistes. Elle est mariée à Jean-Noël, libertin, tout comme elle. Après quelques bonnes actions – notamment vis-à-vis d’Albane lors de son viol – et la découverte de sa demi-sœur, Rose, elle décide de rompre avec sa vie libertine.

          Xavière, la fleuriste, fait croire à tout le monde qu’Orion, son mari, est atteint d’Alzheimer. Elle entretient une liaison amoureuse avec Séverine, la femme de François-Maxime. Un jour, elle découvre qu’elle est enceinte. Cet événement la perturbe et elle rompt avec Séverine qui se suicide.

          Tom est amoureux du beau jardinier, Hippolyte. Il entretient une liaison amoureuse avec Nathan. Les lettres que reçoivent les habitants du quartier – toujours la même : « je t’aime. Signé tu sais qui ». – entrainent notre couple dans une enquête où Hippolyte est soupçonné d’en être l’auteur. Puis, c’est Germain, le nain qui aide Hippolyte à jardiner, qui est soupçonné. Mais ce n’est aucun des deux. Par ailleurs, couple qui se veut anti-conventionnel, Nathan et Tom prennent des amants (parfois, le même, sans le savoir). Ils décident de vivre chacun de leur côté et de se voir quand ils en ont l’envie, pour préserver leur amour.  

 

          Voici un sacré roman choral à la mode d’aujourd’hui, avec de nombreux personnages qui se croisent et se décroisent. Tous habitent place d’Arezzo, quartier chic de Bruxelles, tous sont en proie à des problèmes relationnels et sentimentaux. Le roman se construit donc comme une sorte de symphonie avec des préludes, des postludes. Chaque partie correspond à un mouvement musical ; nous avons donc une première partie baptisée L’annonciation, la seconde, c’est magnificat, puis vient Répons, enfin, le Dies irae, et le Lux perpétua.   

          Quant au titre, si les perroquets, perruches et autres volatiles bavards hantent la place d’Arezzo, il faut aussi y voir une métaphore des humains qui habitent aussi l’endroit. Les uns et les autres ont, en effet, les mêmes façons d’agir, de se disputer, de s’appeler, de s’aimer. Tous connaissent des hauts et des bas à des moments différents de leur parcours si bien qu’on ne sait plus très bien si on a affaire à une symphonie ou à une cacophonie.

          Cependant, à l’origine des pérégrinations de tous nos personnages, il y a une lettre que tous reçoivent sans savoir que les autres ont reçu la même, sans connaître son expéditeur qui reste anonyme. Le message est le suivant : « je t’aime, signé qui tu sais ». Ce message déclenche chez les uns de la curiosité, chez les autres, de la colère, chez d’autres encore de l’indifférence. Personne n’est à l’unisson. L’idée de la lettre anonyme qui perturbe la vie d’un quartier aurait pu être intéressante et donner lieu à une enquête, ce que le roman, trop préoccupé par les histoires des uns et des autres, bâcle. Il n’y a guère que Nathan et Tom qui, vaguement, recherchent l’auteur des lettres là où le lecteur a déjà oublié leur existence. Bref, le lecteur ne trouve pas son compte au niveau du suspense et de l’intrigue policière que le roman promet, pourtant.

Bien plus, si le début s’avère très plaisant et rythmé à la manière d’une valse ébouriffante, passée la première partie, on a l’impression de s’enliser dans des histoires qui rebondissent parfois de manière exagérée et peu crédible. Finalement, le roman devient prétexte pour l’auteur de parler sexe et sexualité trash. Entre les homosexuels, les travestis, les libertins, on ne sait plus où donner de la tête ! On se demande aussi si Les perroquets de la place d’Arezzo ne serait pas un roman à clef tant on a l’impression que l’histoire de Zacharie Bidermann chevauche celle de Dominique Strauss-Kahn. 

          Finalement, si Les perroquets de la place d’Arezzo est un roman bien plaisant au début, il finit par écœurer le lecteur par sa propension à parler sexe de manière constante, dans tout ce que la chose a d’extrême et donc d’inhabituel. On se sent bien peu concerné par toutes ces histoires de travelos, d’homos, de sex-addicts qui versent dans le stéréotype : par exemple, s’agissant de Nathan et de Tom, ce sont deux homos qui s’aiment mais qui, comme tout homo qui se respecte, ont des tas d’aventures à droite et à gauche.

          Ainsi donc, quand, au bout de plus de 500 pages, Les perroquets de la place d’Arezzo finissent par se taire, à l’issu d’un apéritif partagé entre voisins, le lecteur se dit « ouf, un peu de silence ». Car, depuis belle lurette, il a bien envie de dire à tous ces personnages « vos gueules, les mouettes ».



26/09/2021
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 38 autres membres