Emile Zola : Pot-Bouille /Chaud bouillant !
Nous poursuivons la découverte des romans qui forment la grandz saga des Rougon-Macquart. Aujourd’hui, c’est le dixième tome que je vous propose de découvrir : il s’intitule Pot-Bouille et parait en 1882.
Octave Mouret débarque à Paris et s’installe dans un immeuble bourgeois de la rue de Choiseul. Cet immeuble se situe près du magasin de tissus Au bonheur des dames où il va travailler sous la férule d’une charmante patronne : madame Hédouin. C’est grâce à l’architecte Campardon qu’il a réussi à trouver ce petit logement dans cet immeuble d’apparence cossue. Cependant, très vite, il va découvrir l’esprit bourgeois et son hypocrisie. Dans cet immeuble vivent les Josserand, une famille qui se donne des airs mais qui, en réalité, tire le diable par la queue. Le grand projet de la mère Josserand, c’est de marier ses deux filles, Hortense et Berthe, à un bon parti. Hortense a déjà décidé qui serait son époux, au grand dam de sa mère : il s’agit de l’avocat Verdier qui vit déjà avec une maîtresse. De son côté, lors d’une soirée donnée par les Duveyrier, Berthe jette son dévolu sur Auguste Vabre, un jeune homme maladif. De son côté, Octave aurait bien aimé faire de Valérie Vabre, la femme du frère d’Auguste, Théophile, sa maitresse. Mais celle-ci le repousse. Alors, il jette provisoirement son dévolu sur Marie Pichon, une femme à la morale soi-disant irréprochable et devient son amant. Bientôt, le mariage entre Berthe Josserand et Auguste Vabre a lieu et Théophile Vabre fait alors un scandale car il est persuadé que sa femme, Valérie, a une liaison avec Octave. N’oublions pas de dire que les Josserand espéraient beaucoup de l’oncle Bachelard, frère de madame Josserand, un débauché avare qui entretient la jeune Fifi, supposée vertueuse ; son plaisir, c’est de la montrer en exemple à tous ses compagnons de débauche, notamment à Duveyrier ; en effet, la maitresse de ce dernier, Clarisse, l’a laissé tomber et il ne s’en remet pas. Du côté des Campardon, là aussi, les choses évoluent. Gasparine, la maitresse d’Achille Campardon, et la cousine de son épouse Rose, vient s’installer chez les Campardon tandis qu’Octave, éconduit par sa belle patronne – de la boutique Au bonheur des dames – démissionne de son emploi de commis. Il sera embauché par Gustave Vabre, le mari de Berthe, qui tient, lui aussi, une boutique de tissus dans une rue voisine. Mais un jour, le propriétaire de l’immeuble passe l’arme à gauche : toute la famille Vabre est en deuil… et bientôt se déchire à cause de l’héritage décevant : le père Vabre était un joueur invétéré et laisse trop peu d’argent à ses enfants qui calculent au centime près ce qu’ils ont donné au défunt de son vivant. Vu les circonstances, Octave se rapproche de Berthe et devient bientôt son amant. Il faut dire que l’époux de celle-ci, Gustave, est avare et qu’elle est souvent obligée de le voler pour s’offrir les toilettes et les bijoux dont elle rêve. Octave, à force de cadeaux, la met dans son lit. Cependant, Berthe devient de plus en plus exigeante et Octave se lasse d’elle et de ses crises. Mais un jour, ce couple adultère est surpris par l’époux de Berthe. Gustave est prêt à se battre en duel, mais finalement y renonce puisque Berthe est retournée chez ses parents. Cependant, il faudrait bien résoudre ce problème qui ruine la santé de monsieur Josserand et met en colère madame Josserand. Gustave est donc prêt à reprendre son épouse si l’oncle Bachelard paie la dot qu’il a promise et qui reste impayée. De son côté, Octave a quitté l’immeuble de la rue de Choiseul pour un appartement prêt du Bonheur des dames où il est retourné travailler depuis qu’il a appris que la belle madame Hédouin était veuve. Ces deux-là s’entendent comme larrons en foire au sujet des affaires. Le mariage est annoncé. Dans l’intervalle, monsieur Josserand meurt et c’est l’heure de la grande réconciliation autour du cercueil de ce dernier. Berthe retourne auprès de son époux et Octave n’est plus inquiété… Par ailleurs, son mariage avec madame Hédouin fait de lui une personne en vue. Certes, il s’apprête à ruiner les petits commerces environnants dont celui de Gustave et de Berthe Vabre. Nous approchons de la fin où toute la petite communauté de l’immeuble de la rue de Choiseul se retrouve comme au début du roman, dans le salon de madame Duveyrier et comme au début du roman, les hommes s’unissent pour un chœur autour de son piano sur lequel elle joue encore et toujours le même morceau. Mais avant de quitter nos personnages, faisons un petit tour d’horizon de leur situation. L’oncle Bachelard a accepté le mariage de sa très vertueuse Fifi avec Gueulin. Monsieur Duveyrier a retrouvé sa maitresse Clarisse qui l’avait précédemment laissé tomber. Mais celle-ci l’exploite désormais et fait vivre à ses crochets toute sa famille. Monsieur Duveyrier a tenté de se suicider, s’est raté et reste marqué au visage. Il faut dire qu’il était déjà laid auparavant. Trublot continue à lutiner les bonnes et est le seul à aider Adèle qui a accouché seule dans sa chambre en essayant de faire le moins de bruit possible – sans doute était-elle enceinte de ses œuvres. Enfin, Hortense va sans doute épouser Verdier, mais pour l’instant, le mariage est encore reporté. Et les bonnes continuent, d’étage à étage, de colporter des ragots sur le dévergondage de leurs maîtres lorsqu’elles ouvrent les fenêtres des différentes cuisines qui donnent toutes sur une cour intérieure puante. Côté rue, l’immeuble et son escalier doré en faux marbre continuent de rester silencieux, étouffé sous le poids de la morale bourgeoise.
Avec Pot-Bouille, Zola nous régale encore et propose ici une satire au vitriol de la bourgeoisie parisienne. Il nous fait pénétrer dans un immeuble de la rue de Choiseul et nous en montre l’endroit et l’envers. D’abord, il y a les apparences qu’on peut appréhender lors des réunions chez les Duveyrier ou encore chez les Josserand. Et puis, par derrière, il y a le linge sale qu’on lave en famille dès que les invités sont partis. Madame Josserand en est un bon exemple puisque qu’elle passe son temps à insulter son mari qu’elle accable avec des propos de harengère. Elle le considère comme nul, incapable d’élever sa famille à un rang social acceptable et respectable.
Dans cet immeuble de la rue de Choiseul, on croise des couples bien mal assortis mais qui tentent de donner bonne figure : ne pas faire de vague, ne pas faire scandale, donner une apparence bien respectable, voilà se qui compte pour ces bourgeois. Peu importe si les femmes exècrent la bagatelle. Leurs maris, frustrés, vont voir ailleurs : chez les bonnes ou les ouvrières qu’on entretient. L’important, c’est qu’on n’en fasse pas état sur la place publique.
Ainsi, les hommes de cet immeuble apparaissent tous assez rapidement comme des êtres dépravés. Autour de l’oncle Bachelard s’organise une tribu masculine qui part avec lui faire régulièrement la noce chez les petites femmes entretenues. Trublot, de son côté, préfère faire la noce avec les bonnes de l’immeuble.
Ainsi, le roman regorge de scènes vaudevillesques où s’affrontent le mari, la femme et l’amant. La plus comique, c’est sans doute celle où s’embrouillent Octave, l’amant de Berthe, et Auguste, le mari de Berthe. L’affaire aurait bien pu tourner au règlement de compte et au duel. Mais nous sommes chez les bourgeois et chez les bourgeois, on est pleutre et réaliste. On ne risque pas sa vie pour une histoire de coucherie. Il suffit de trouver un terrain d’entente qui permettra de sauver l’honneur… ou plus simplement la face.
Mais si l’affaire d’Octave et d’Auguste prête à rire, parfois, l’ironie se fait grinçante et suscite l’écœurement. On reste perplexe devant la mauvaise foi de ces bourgeois qui sont scandalisés par le peu de morale qui existe dans le monde ouvrier et qui se comportent de manière encore plus vile, car hypocrite. Ainsi, les ouvriers qui habitent au dernier étage de l’immeuble seront mis à la porte ; le premier parce qu’il reçoit chez lui une femme, la seconde parce qu’elle est enceinte… mais enceinte de qui ? Sûrement des œuvres d’un bien bon bourgeois !
Au XIXème siècle, « pot-bouille » désignait en langage familier la cuisine ordinaire des ménages, dans un sens proche de l'actuel « popote ». Je ne sais pas si chez vous, la popote est savoureuse, mais chez Zola, elle l’est ! Pot-Bouille, c’est une popote quatre étoiles !
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