Margaret Mitchell : Autant en emporte le vent/Gone with the great Margaret !
Je ne sais pas si ce roman fleuve de Margaret Mitchell a encore beaucoup de succès auprès des lecteurs. Nombreux sont ceux qui ont vu le film de Victor Fleming et George Cukor avec Vivien Leigh et Clarke Gabble et se sont arrêtés là. C’est fort dommage car Autant en emporte le vent, c’est avant tout un fabuleux roman que Margaret Mitchell a publié en 1936 et qui parait, en France, en 1938 aux éditions Gallimard.
Nous sommes en Géorgie peu de temps avant le début officiel de la guerre de Sécession. Dans la vaste propriété des 0’Hara, à Tara, la capricieuse Scarlett trône en reine sur un parterre de prétendants auxquels elle mène la vie dure. Les jumeaux Stuart et Brent Tarleton en font les frais. En effet, Scarlett n’a d’yeux que pour Ashley Wilkes, qui habite aux Vieux Chênes. Cependant, celui-ci, lors d’un pique-nique dans sa propriété, annonce ses fiançailles avec Mélanie Hamilton – c’est également lors de ce pique-nique que Scarlett rencontre le très mufle Rhett Butler. Folle de jalousie et convaincue que c’est en réalité elle qu’il aime, elle épouse le frère de Mélanie : Charles Hamilton. Cependant, si depuis longtemps, on parle beaucoup de la guerre, voici qu’elle éclate et Charles y trouve la mort alors qu’il combattait dans l’armée des Confédérés. Scarlett se retrouve seule avec un fils, Wade. C’est alors qu’elle part pour Atlanta sur l’invitation de sa tante Pittypat. Là, elle retrouve Mélanie ; mais, au fil des jours, l’atmosphère s’assombrit. Nombreux sont ceux qui meurent sur le champ de bataille : les frères Tarleton, par exemple. Scarlett travaille à l’hôpital et cette tâche la dégoûte. Cependant, elle reçoit l’aide de Rhett Butler et conçoit pour lui des sentiments ambigus, faits à la fois d’attirance et de répulsion. Mais lorsqu’Ashley revient à Atlanta pour une visite éclair, elle se rend compte qu’elle l’aime encore. Avant de repartir pour la guerre, celui-ci lui fait promettre de veiller sur son épouse Mélanie. Peu de temps après, Mélanie annonce qu’elle attend un enfant. La grossesse est difficile et la jeune femme va accoucher d’un fils, prénommé Beau dans un Atlanta à feu et à sang. Après l’accouchement, Scarlett et Mélanie décident de retourner à Tara. Elles sont aidées dans un premier temps par Rhett Butler qui les laisse bientôt pour aller au combat, lui qui a toujours dénigré la guerre. A Tara, la situation est grave : les demeures des voisins ont été bien souvent rasées et Tara elle-même a été ravagée. Mais le plus douloureux pour Scarlett, c’est sans doute d’apprendre la mort de sa mère Ellen, et de découvrir son père, Gérald, hagard et hébété : il ne se remettra jamais de ce deuil. Scarlett, quant à elle, se lance dans une lutte acharnée pour survivre et pour faire revivre Tara. Lorsqu’un Yankee pénètre dans sa demeure, elle le tue et récupère un peu d’argent précieux. Mais, voilà que la guerre s’achève dans une défaite terrible pour le Sud et les Confédérés. Il faut lutter pour survivre et trouver de la nourriture. Ashley, qui fut prisonnier des Yankees pendant la guerre, rentre à Tara dans un état lamentable, mais vivant. De nouveau, Scarlett le pousse à se déclarer, ce qu’il fait, mais la discussion tourne court car Ashley est marié et fait passer l’honneur avant tout. Et voici qu’un nouveau problème se pose à Scarlett : les yankees demandent plus d’impôt et il faut payer sinon notre héroïne perdra Tara. L’ancien intendant, Jonas Wilkerson souhaite acheter Tara. Scarlett se rend illico presto à Atlanta dans l’espoir de revoir le richissime Rhett Butler. Hélas, celui-ci est en prison car il a détourné l’argent des Confédérés et ne peut venir en aide à Scarlett. Dépitée, la jeune femme jette son dévolu sur Franck Kennedy, le fiancé de sa sœur Suellen. Très vite, et moyennant mensonges et hypocrisie, les épousailles ont lieu et une fille, Ella, verra le jour de cette union. Franck possède un magasin qui tourne bien et a l’ambition d’acheter une scierie, projet très rentable car tout est à reconstruire à Atlanta. L’homme est de santé fragile et c’est Scarlett qui s’occupe des affaires. Elle met les débiteurs en obligation de payer les dettes qu’ils ont contractées au magasin de son époux, même s’il s’avère que ces derniers sont aussi des amis, et achète la scierie. Cependant, Tony, un employé de Tara, assassine l’ignoble Jonas Wilkerson, l’ancien régisseur du domaine et Scarlett craint des ennuis. Il faut dire que la situation est critique pour les Sudistes : nombreux sont les « nègres » affranchis qui entendent bien se venger de leurs anciens maîtres. Les Confédérés n’ont plus le droit de vote et sont persécutés par les Yankees. Alors que Scarlett est agressée par des noirs en revenant de la scierie dont elle a confié la direction à Ashley, son époux, Franck Kennedy, trouve la mort : il s’avère que lui et d’autres de ses amis sont membres du Ku Klux Klan et leur vengeance envers les agresseurs de Scarlett a mal tourné. Mais si Franck trouve la mort, les autres sont sauvés par Rhett Butler qui les a confiés – le temps que les choses se tassent - à Belle Watling – sa maîtresse - et à sa maison de tolérance. Certes, Rhett est un homme riche, mais honni à Atlanta où les rumeurs vont bon train sur la provenance de son enrichissement et sur ses mœurs. Peu importe : Scarlett épouse Rhett et devient riche. Sa maison à Atlanta est l’une des plus belles, ses réceptions sont fastueuses, elle possède les plus belles tenues. Cependant, elle a mauvaise réputation. Rhett, de son côté, fait tout pour se refaire une virginité auprès des vieilles familles traditionalistes du Sud, d’autant plus que Scarlett lui a donné une fille – Bonnie – qu’il adore. Installée également à Atlanta avec son époux qui gère – mal d’ailleurs – les scieries de Scarlett ? Mélanie est la seule femme respectable qui invite encore notre héroïne chez elle. Cependant, le scandale éclate : en ville, on soupçonne Scarlett et Ashley d’avoir une liaison. Rhett vit très mal toutes ces calomnies et conçoit pour Ashley de la jalousie. Pourtant, Scarlett n’entretient qu’un amour platonique avec ce dernier et ses sentiments se refroidissent, d’ailleurs. Finalement, les drames vont se succéder. La petite Bonnie meurt dans un accident de cheval et Rhett est inconsolable : il se met à boire, à rentrer tard et ses relations avec Scarlett sont de plus en plus tendues : à la suite d’une violente dispute, celle-ci fait une fausse couche en tombant dans l’escalier. Puis, c’est au tour de Mélanie de mourir, des suites d’une fausse couche : elle confie à Scarlett Ashley et son fils, Beau. C’est alors que Scarlett prend conscience de l’attachement qu’elle a toujours éprouvé pour Mélanie, et que l’amour qu’elle concevait pour Ashley n’était qu’illusion… Celui qu’elle aime, désormais, c’est Rhett, son époux. Malheureusement, Rhett lui déclare qu’il est trop tard : s’il l’a longtemps aimée, désormais, son amour est mort faute d’avoir réussi à évincer Ashley du cœur de son épouse. C’est ainsi que Rhett quitte Scarlett qui refuse de s’avouer vaincue.
Autant en emporte le vent est fidèle à sa réputation : c’est une grande fresque flamboyante et toute en nuances sur le Sud-américain à une époque critique : la guerre de sécession. On assiste à la fin d’un monde : celui des traditions sudistes reposant sur l’esclavage, le sens de l’honneur, l’attachement à une famille et à un nom dont on est fier et dont il faut respecter et faire respecter la notoriété. Ces grandes familles du Sud ne possèdent pas seulement un nom et une renommée, elles possèdent aussi des plantations de coton où travaillent les « nègres ». C’est dans de splendides demeures que ces familles se reçoivent, où les jeunes gens se rencontrent et s’épousent dans un entre-soi de bon ton.
Mais ce monde bien campé sur ses traditions vit ses dernières heures et Autant en emporte le vent est construit sur différents mouvements qui dessinent la fin de ce monde. Tout commence dans la flamboyance d’un piquenique au cours duquel Scarlett triomphe : sa beauté lui vaut de nombreux admirateurs. C’est là le chant du cygne car bientôt, le Sud va basculer dans l’horreur de la guerre qui va l’anéantir. Ensuite, vient la période dite de la Reconstruction qui ne vaut guère mieux car rien ne se reconstruit comme avant : les sudistes sont opprimés par les nordistes, ils n’ont pas le droit de vote et sont infériorisés car ils doivent même se soumettre aux « nègres » désormais affranchis et associés aux nordistes qui ont le pouvoir. Enfin, c’est le début d’un nouveau monde basé sur de nouvelles valeurs, monde dans lequel Scarlett s’impose. Car tel un caméléon plein de ressources, la jeune femme aime la richesse et l’argent, qui sont désormais des valeurs mises en avant, et pour s’enrichir, elle se lance dans les affaires comme une véritable self made woman, ce qui lui vaut d’être diffamée par ceux qui restent attachés aux valeurs et au modus vivendi de l’ancien Sud. Scarlett la scandaleuse !
Et puis, comme dans toute grande fresque romanesque qui se respecte, Autant en emporte le vent, c’est aussi des histoires d’amour et d’amitié.
Nous avons en premier plan, la tragique histoire de Scarlett qui aime aveuglément Ashley – symbolisant l’ancien monde et ses valeurs d’honneur. Cependant, en aimant cet homme, Scarlett se fourvoie : Ashley n’est pas un homme pour elle qui est trop libre et trop fantasque. De cet amour fantasmé et platonique, Scarlett va en revenir. Mais il est trop tard. Elle finit par aimer Rhett, pour son audace, son cynisme… et parce qu’elle se rend compte qu’à côté d’elle vit l’homme qu’il lui faut. Mais c’est alors qu’il décide de partir…. Il a cessé d’aimer Scarlett en silence et de souffrir.
Au second plan, il y a l’amitié profonde qui existe entre Mélanie et Scarlett : là aussi, c’est à rebours que Scarlett se rend compte de l’attachement qu’elle éprouve à l’égard de cette femme qui lui fut toujours dévouée comme une sœur. C’est en effet quand elle la perd que Scarlett se rend compte de la profondeur de son attachement envers Mélanie. Décidément, Scarlett ne serait-elle pas un peu bêtasse ? Il faut dire qu’elle aussi est tiraillée entre ce vieux monde du Sud qui agonise pour laisser place à un nouveau monde et que la transition est bien difficile à faire, pour elle aussi !
Et bien évidemment, Autant en emporte le vent, c’est aussi un fabuleux portrait de femme, devenu mythique : celui de Scarlett O’Hara. C’est une femme qui se bat, qui est indépendante : une femme moderne. Mais elle est aussi capricieuse, allumeuse, tigresse : c’est la fabuleuse Scarlett. Et pour raconter son fabuleux destin, il ne faut rien que 1300 pages d’une petite calligraphie ! Rebutant seulement jusqu’au moment d’ouvrir le roman et dès la première page, on s’enfuit avec le vent de cette histoire qui emporte le lecteur loin ! Loin !
NB : j’ai lu Autant en emporte le vent et rédigé l’article avant la polémique qui a abouti à la censure du film en raison du racisme sous-jacent qui sous-tend l’œuvre. A sa décharge, je dirai que d’une part, ce roman est un véritable chef d’œuvre dense et complexe et que la lutte contre le racisme qui existe dans le Sud esclavagiste n’est pas l’objet du roman : il est seulement une réalité qui caractérise ce monde esclavagiste qui agonise après avoir connu la flamboyance. Par ailleurs, c’est un roman historique qui s’ancre dans le Sud au moment de la guerre de Sécession, Sud dont l’économie repose sur l’esclavage des noirs et l’idée de leur infériorité. Il n’est pas question pour Margareth Mitchell de justifier cette mentalité mais l’escamoter, c’est faire injure à l’Histoire et à la vérité.
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