LECTURES VAGABONDES

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Charlotte Brontë : Jane Eyre / Ennuyeuse errance

             Pour ouvrir l’année 2023, je vous emmène à la découverte ou à la redécouverte d’un grand classique de la littérature anglaise. Qui n’a pas entendu parler du célèbre roman Jane Eyre paru en 1847. Il s’agit-là du premier roman de l’écrivaine Charlotte Brontë.

 

             Nous sommes en Angleterre au XIXème siècle dans le domaine de Gateshead. La petite Jane Eyre, orpheline, vit chez sa tante, Mrs Reed qui la maltraite. Ainsi, lorsque Mr Brocklehurst lui propose d’emmener la jeune pupille dans le pensionnat de Lowood, elle profite de l’aubaine pour se débarrasser de cette dernière. A Lowood, les conditions de vie sont rudes. Cependant, c’est là que Jane Eyre grandit. Lorsqu’elle devient adulte, elle décide de partir à la recherche d’un poste de gouvernante. C’est dans le domaine de Thornfield, non loin de Millcote qu’elle atterrit, auprès de la jeune Adèle qu’elle est chargée d’éduquer. Le maître des lieux, c’est le mystérieux Edward Rochester dont elle s’éprend assez vite. Cependant, il semble que l’homme soit déjà promis à un mariage : la jeune élue se nomme Miss Ingram. Par ailleurs, de mystérieux phénomènes se déroulent au manoir de Thornfield : des cris, des mouvements nocturnes, un incendie heureusement vite maitrisé… Mais lorsqu’elle apprend que Mrs Reed, sur le point de mourir, la réclame, Jane quitte Thornfield et se rend auprès de la mourante qui lui révèle qu’elle est la riche héritière de John Eyre, un aventurier qui demeure à Madère. Lorsque Jane revient à Thornfield, le maître des lieux, Mr Rochester lui déclare son amour et la demande en mariage. Jane, éperdument amoureuse, accepte. Cependant, au moment des vœux, Richard Mason, un ami de Rochester, s’oppose à cette union maritale. En effet, Rochester est déjà marié. L’épousée n’est autre que la sœur de Richard Mason et se nomme Bertha Mason. Le mariage fut, certes, arrangé pour des raisons d’argent : Bertha est, en effet, riche, mais elle est aussi folle à lier. Enfermée dans une chambre du domaine de Thornfield, c’est elle qui est à l’origine des mystérieux événements qui se sont passés tantôt. Jane décide donc de quitter brutalement Thornfield et Rochester. Pendant plusieurs jours, elle erre dans la campagne anglaise, frigorifiée et affamée, avant d’atterrir chez St John et ses sœurs. L’homme souhaite partir pour les Indes où il a l’ambition de devenir missionnaire. Il ne tarde pas à demander Jane en mariage afin qu’elle l’accompagne dans sa mission. Cependant, la jeune fille n’a guère envie de cette union sans amour, uniquement tournée vers le service de dieu. Alors qu’elle hérite d’une belle fortune issue de son oncle John Eyre, Jane retourne à Thornfield. Là, elle découvre un domaine incendié et abandonné : c’est l’épouse de Rochester, Bertha, qui a mis le feu au manoir ; elle a péri dans l’incendie. Rochester est certes, quelque peu estropié (il a perdu une main et la vue dans l’incendie), mais ces mutilations n’empêchent pas Jane d’épouser celui qu’elle aime. Plus tard, Rochester retrouvera la vue. Ensemble, nos deux tourtereaux trouvent le bonheur et fondent une famille.

 

             Si Jane Eyre s’avère être un grand classique de la littérature anglaise, je me suis pourtant un tantinet ennuyée pendant la totalité de la lecture du livre.

           En effet, j’ai souvent eu l’impression de me retrouver face à une sorte de roman Harlequin, certes, bien écrit et plus dense. Cependant, comme dans un roman à l’eau de rose, nous sommes face à une jeune héroïne démunie, amoureuse d’un homme de niveau social supérieur, néanmoins inaccessible car déjà marié. Certes, Jane n’est ni infirmière ni hôtesse de l’air, mais elle occupe une fonction d’aide et de protection qui peut s’apparenter à ces types de métier : elle est la gouvernante d’une jeune pupille nommée Adèle.

          Ainsi, le roman brosse le portrait d’une jeune femme humble et modeste, qui accepte son sort sans véritablement se rebeller, et lorsque l’injustice et la maltraitance s’abattent sur elle, sa seule défense, c’est de pleurnicher. Par ailleurs, Jane est aussi portée sur la religion en raison d’une éducation dans un pensionnat et de pieuses fréquentations (son amie Helen Burns du pensionnat, puis, plus tard, Mary et Diana les bigotes sœurs de St John). Certes, elle est amoureuse, mais la morale contrainte et rigoureuse d’un XIXème siècle puritain l’empêche de céder à sa passion. Ce ne sera que lorsque la voie sera libre et que Rochester deviendra veuf, qu’elle consentira à l’épouser. Cependant, notre héroïne est aussi très généreuse : elle partage l’héritage qu’elle touche à la fin du roman avec St John, Mary et Diana, la famille aimante qui l’a recueillie après son départ de Thornfield. Bref, Jane Eyre est un personnage somme toute assez cucul-la-praline, même si elle incarne la condition des filles modestes et orphelines dans une société marquée par le patriarcat. On se serait sans doute davantage passionné pour un personnage un peu plus rock’n’roll.

        Pour couronner le tout, la vie de Jane Eyre est marquée par une succession de malheurs qui s’enchainent comme des perles sur un collier. Mal-aimée dans son enfance et dans son adolescence, elle subit des maltraitances. Lorsqu’elle tombe amoureuse de Rochester, pendant un temps, celui-ci joue avec ses sentiments pour la tester. Ensuite, Jane Eyre fuit loin de cet homme déjà marié pendant plusieurs années. Lorsqu’enfin elle le retrouve, c’est pour épouser un estropié. Heureusement, en quelques lignes, à la fin, le bonheur conjugal qui échoit à nos deux tourtereaux est évoqué. Bref, en lisant Jane Eyre, on se prend une bonne louchée de pathos parfois quelque peu indigeste.

           En ce qui concerne les personnages secondaires, on notera l’approche manichéenne de l’auteure. Ainsi, toute la famille de Mrs Reed est-elle vraiment très méchante tandis que celle de St John est marquée par la douceur et la bienveillance.

         Pour terminer, j’évoquerai l’influence romantique qu’on ressent derrière chaque page du roman. Charlotte Brontë ancre son histoire dans un décor typiquement anglais, marqué par la brume, l’humidité et les grands manoirs sombres. Ainsi, le lecteur se sent-il immédiatement emporté dans un tableau de William Turner. Romantique est aussi cette ambiance mystérieuse qui baigne l’intrigue, ambiance liée à la présence secrète d’une folle qui déambule dans les lieux la nuit venue et dont Jane perçoit l’existence à travers l’idée d’un fantôme qui hanterait les lieux.

        Est-il donc vraiment nécessaire d’aller errer entre les pages de ce roman un tantinet démodé ? Pourquoi pas… Mais dans le même genre, on préfère nettement Tess D’Urberville, de Thomas Hardy.



24/01/2023
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