Andréa De Carlo : La merveille imparfaite/Imparfait et loin d’être merveilleux
Voici une couverture bien alléchante ! Il faut avouer que ce cornet de glace paraît parfaitement merveilleux. Mais qu’en est-il du roman écrit par Andréa De Carlo, intitulé La merveille imparfaite, paru en 2017 aux éditions Hervé Chopin ?
L’intrigue de La merveille imparfaite se situe en Provence et se déroule sur trois jours. Trois jours déterminants pour un homme et une femme dont les destins vont se croiser et basculer. Nick Cruicksank est le chanteur du groupe de rock les Bebonkers. S’il est en Provence, c’est qu’il doit se marier avec Aileen et à cette occasion, un concert est prévu. Milena, quant à elle, fabrique des glaces et recherche la perfection des goûts. Elle doit fournir ces petites merveilles glacées à l’occasion de la fête du mariage de Nick et c’est à cette occasion que nos deux héros vont se rencontrer. Alors que
leurs destins semblent se jouer ailleurs de manière irrévocable, l’inattendu se produit : Nick et Milena vont tomber amoureux et prendre un virage à 360 degrés. Si Nick doit épouser Aileen, Milena, quant à elle, doit commencer un traitement hormonal pour avoir un enfant, car la jeune femme est lesbienne et forme avec Viviane un couple solide, désireux de pouponner. Cependant, Nick et Milena vont découvrir pour la première fois dans leur vie « la merveille imparfaite », c’est-à-dire la certitude d’être fait l’un pour l’autre tant le plaisir physique qu’ils éprouvent ensemble est puissant et évident. Bien sûr, ils hésitent à rompre leurs engagements respectifs, mais l’attirance entre eux est trop forte et les fera évidemment basculer l’un vers l’autre.
La merveille imparfaite est un roman plutôt raté.
Tout d’abord, on peine à adhérer à cette intrigue qui paraît bien improbable. Est-il possible qu’une lesbienne qui aime sa compagne et qui forme avec cette dernière un couple solide tombe subitement amoureuse d’un homme ? Et bien plus, qui éprouverait l’orgasme absolu autrement appelé « la petite mort » pour la première fois avec lui ? Au point de soutenir qu’avec ce seul individu sur toute la planète et parmi tous les hommes disponibles, la chose s’avère être possible ? Il semble pourtant avéré que les homosexuels ne virent jamais leur cuti ; que c’est le contraire qui se produit toujours parce qu’il a fallu à la personne le temps d’accepter de céder à cette préférence sexuelle.
Deuxième incohérence : l’intrigue se joue sur trois jours. Trois jours pour envoyer balader une situation mûrie de longue date et qui devait déboucher sur un engagement heureux et attendu : une maternité et un mariage. Qui dit mieux ? Alors certes, Andréa de Carlo a voulu montrer et démontrer l’idée reçue qu’à chaque personne correspond une autre personne et que toute la difficulté de la vie est de la trouver pour vivre dans une harmonie et un bonheur parfaits. Que cette fable soit pertinente, rien n’est moins sûr. Elle semble plutôt correspondre à un fantasme humain communément répandu.
De plus, le roman comporte un certain nombre de passages grotesques qui jurent avec le reste du roman qui se veut plutôt sérieux. Citons d’abord la comparaison lourdingue qu’Andréa de Carlo fait entre le fait de sucer ensemble une glace au kaki, succulente, au goût parfait, et l’acte sexuel. En lisant ce passage – qui s’étale sur plusieurs pages – je me suis demandée si l’auteur ne se fichait pas un peu de la tête de son lecteur en revisitant la vieille rengaine des sucettes à l’anis d’Annie.
La première fois que Nick et Milena font l’amour, ils se trouvent dans une petite maison perdue dans une forêt. De quoi faire penser au jardin d’Eden. Mais là n’est pas le plus étonnant car au moment où les deux tourtereaux quittent ce nid douillet, tous les autres personnages du roman arrivent l’un après l’autre dans cet endroit secret et retiré et se lancent dans une incroyable et grotesque dispute générale. N’importe quoi !
Soulignons quand même les quelques qualités de La merveille imparfaite. Le roman présente deux personnages – Nick et Milena – qui de manière furtive, se sentent mal à l’aise quand ils envisagent l’engagement qu’ils vont prendre de manière imminente : Milena n’est pas absolument sûre de vouloir un enfant ; Nick se demande si Aileen est la femme de sa vie. Milena en a assez de laisser Viviane, sa compagne, tout diriger dans la vie du couple et par conséquent dans sa propre vie ; Nick est fatigué de sa vie de chanteur populaire contraint et forcé de faire toujours la même musique : celle qui plait à ses fans.
Mais ces quelques points intéressants sont loin de justifier l’oxymore qui compose le titre du roman car l’imperfection est ce qui domine ici. La merveille, on la cherche désespérément.
A découvrir aussi
- Boris Pahor : La porte dorée… et la clef n’y était pas !
- Daniel Pennac : Chagrin d’école/lecture chagrine.
- Gilles Legardinier : Demain j’arrête/Pour arrêter de lire des fadaises, tout de suite.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 38 autres membres