LECTURES VAGABONDES

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Charles Nemes : Je hais mon chien / On aime ce roman


Je hais mon chien : voilà un titre bien provocateur pour moi qui suis une inconditionnelle de nos amis à quatre pattes. Je sais bien que la SPA regorge d’animaux abandonnés, que de sombres individus se débarrassent de leurs animaux sur les bords d’autoroute, lorsque l’heure des vacances d’été a sonné… M’enfin !!! Ce n’est d’ailleurs aucunement à ces immondes salauds dont la lâcheté n’a d’égal que l’égoïsme que s’adresse ce roman.

Je hais mon chien fut donc écrit par Charles Nemes en 2003 et paru cette même année aux éditions Balland.

Paul, à 45 ans, est convaincu d’avoir trouvé la raison de la médiocrité de sa vie sentimentale et affective : son chien, ou plutôt sa chienne, Marie-Laure, adoptée neuf ans auparavant. Avec elle, il vit dans la complicité la plus totale : ils dorment ensemble, se promènent ensemble, jouent ensemble, se font des câlins… Bref, rien de bien exceptionnel pour qui possède un chien…. Seulement, Paul est convaincu que l’animal phagocyte sa vie et empêche son épanouissement avec les humains : il est enfermé dans le confort d’une affection généreuse et inconditionnelle et ne cherche pas d’autres contacts. C’est alors qu’il décide de se séparer pour un certain temps de l’animal : il confie Marie-Laure à son ami Maurice tandis que chez lui, il se met à rédiger un réquisitoire contre elle, réquisitoire qui doit aboutir à un procès en bonne et due forme.

Cependant, très vite, Paul se lance dans un examen quelque peu désabusé de son passé. Passé duquel Marie-Laure était absente ! Pas de quoi fanfaronner ! A 15 ans, obsédé par le corps des femmes, il accepte de se faire sodomiser par Bernard, son professeur particulier : en échange, Janine, la femme de ce dernier, lui fera découvrir les joies de l’hétérosexualité. Paul restera marqué à jamais par cette première relation pédophile marchandée… D’autant plus que Janine est loin d’être le coup du siècle !

Avec mai 68, Paul connaîtra d’autres filles de son âge : cependant, s’il est friand du sexe féminin, il n’arrive guère à s’attacher sérieusement à une femme et ses aventures restent passagères. Et puis, il y a Cécile. Avec elle, c’est différent. Avec elle, ça dure… jusqu’au jour où la jeune femme décide d’avoir un enfant… Alors là ! C’est la fin des haricots ! Paul fuit et adopte un chien.

Je hais mon chien est donc le roman désabusé d’un vieux garçon qui est passé à côté de la vie dont il rêvait. Il voulait être écrivain : il sera concepteur de publicité sans grand talent. Il rêvait d’une femme, d’une famille : l’engagement lui fait peur et il se retrouve à jouer à « donne la papatte » avec sa chienne. Il rêvait de refaire le monde : il se retrouve régulièrement avec son copain Maurice pour palabrer autour d’un bon pichet de pinard.

Et ainsi donc, la responsable de tant d’échecs serait une malheureuse chienne ! A travers un scénario quelque peu excessif et baroque, Charles Nemes nous force à nous interroger sur la place qu’ont nos animaux de compagnie dans nos vies : si, pour beaucoup, ils sont de simples compagnons fidèles et amusants … pour d’autres, il est clair qu’ils sont plus que ça ! Ils remplacent une épouse, un enfant… Ils comblent un vide affectif laissé par l’absence d’un être humain. Ainsi, ce roman, aux abords déjantés et originaux, a-t-il un fond vraiment sérieux : il traite de la solitude et du désespoir car il est sûr et certain qu’un chien, même s’il a des qualités extraordinaires que n’ont pas les  humains : fidélité, attachement inconditionnel, franchise, un chien, dis-je, ne peut remplacer un être humain et tous les défauts qui vont avec lui.

C’est donc, je crois, la leçon, si leçon il y a, à retenir de ce roman de Charles Nemes : Je hais mon chien. Cependant, point de haine contre les chiens dans ce roman ! L’histoire de Paul et de Marie-Laure est aussi, à sa façon, une jolie histoire d’amour…. Tragique pour le coup. Mais je ne dévoilerai pas la fin de l’histoire qui fait un peu froid dans le dos.

Je vous laisse ! Ma chienne, Fuzza, réclame sa balade quotidienne. Qu’elle attende un peu que je publie mon article ! C’est pas un chien qui va faire la loi à la maison ! Non mais des fois !



29/10/2010
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