LECTURES VAGABONDES

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Philippe Claudel : les âmes grises / du velours grisant

Un roman assez désarmant que ces « âmes grises »de Philippe Claudel : d'abord parce que l'histoire se situe globalement pendant la première guerre mondiale… un bruit de fond qui ne semble pas perturber les personnages de cette petite ville de province : V… on ne sait pas vraiment où elle se situe : non loin du front, cependant.

Ensuite, il y a l'écriture… grise. Oui, grise, c'est le mot. Nous sommes face à un mystérieux narrateur « je » qui évoque en des mots simples et justes deux morts qui apparemment n'ont aucun rapport : celle d'une enfant, en 1917, la petite « belle de jour » Bourrache, et celle de l'institutrice, Lysia Verhareine, en 1915. Au cœur de ces affaires, les notables de la ville : le procureur Destinat, et le juge Mierck, mais aussi les autres : le Grave, Barbe, Gachentard : des âmes grises… humaines : ni blanches, ni noires. C'est peu à peu qu'on les pénètre, car le narrateur appréhende surtout ses personnages à travers les confidences morcelées de différents témoins, de bribes dont il a eu vent, d'observations qu'il a pu faire lui-même.  C'est donc en cheminant parmi les détails plus ou moins incongrus (qu'on met peu à peu en relation) qu'on accède finalement au secret… déroutant lui aussi.

Cependant, le plus grand mystère de tout le roman reste le narrateur : qui est-il ? Pourquoi s'attache-t-il tant à des affaires qui ne le concernent pas à priori ? La question ne se règle que dans les toutes dernières pages… et sans doute est-ce lui la principale âme grise de toute l'histoire.

L'ensemble est donc à la fois d'une simplicité et d'une complexité très travaillées : on se perd parfois dans le temps (le récit est rétrospectif : il se situe après la guerre et la mort de tous les personnages : il revient sur le passé de manière apparemment désorganisée) et dans la narration, parfois trop lente, parfois trop rapide.

Ainsi ai-je envie de citer ce passage qui donne le ton et la perspective d'ensemble du roman : « J'ai entretenu une flamme, et j'ai interrogé le noir sans jamais obtenir que des bouts de réponse incomplets et peu bavards. Toute ma vie tient à ce dialogue avec quelques morts ».

Un roman déroutant, donc, qui oscille entre le le polar et l'étude de mœurs : un petit bout du gris de l'humanité, en tout cas.

 



18/01/2009
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