LECTURES VAGABONDES

    Allons donc ! Qui aurait dit que j’aurai l’occasion de tomber sur cette saga à succès des années 50 et qui semble être, aujourd’hui, tombée dans l’oubli – malheureusement. On connait tous le film de Bernard Borderie qui a immortalisé Michèle Mercier et le personnage qu’elle incarne, Angélique. Commençons donc cette interminable saga par le premier opus, le plus célèbre : Angélique, marquise des anges est écrit par Anne et Serge Golon et parait en France en 1957.

          Tome 1 – Première partie Marquise des anges : la première partie de ce premier tome nous transporte dans l’enfance d’Angélique, dans la région du Poitou, à l’époque de la Fronde. Angélique est une ravissante petite fille qui grandit dans une noblesse déshéritée et provinciale. Son père, c’est le baron Sancé de Monteloup. Pour gagner un peu d’argent, il s’associe avec Molines, l’intendant d’un riche voisin : le comte du Plessis ; ensemble, ils exploitent la mine d’argent qui appartient au baron et se lancent dans une affaire de commerce de mulets. Tandis qu’Angélique grandit et batifole dans la campagne avec son ami Nicolas, la fronde s’organise : en effet, la reine et son amant, Mazarin, sont haïs par la cour et le peuple. Le prince de Condé complote contre l’enfant roi dont il fomente l’assassinat avec la complicité de Fouquet : le poison en sera l’arme ; par ailleurs, des lettres de nombreux nobles qui attestent de leur fidélité à Fouquet sont en la possession du prince. Alors qu’elle est invitée au château des Du Plessis, Angélique est le témoin caché du complot. La finaude s’empare du poison et des lettres qu’elle cache dans la muraille du château. Cependant, Angélique n’est pas très sage : son père décide de la mettre au couvent à Poitiers pour qu’elle s’assagisse. Là, elle rencontre le très rigoriste Saint Vincent de Paul qui la fascine. C’est une jeune fille d’une grande beauté et d’une fine intelligence qui sortira du couvent, quelques années plus tard.

          Tome 1 - Seconde partie – Mariage toulousain : Angélique doit se marier avec le comte de Toulouse Joffrey de Peyrac. Il s’agit d’un mariage arrangé par son père et Molines : en effet, Joffrey de Peyrac a investi dans la mine d’argent du baron car sa passion, c’est d’extraire des métaux précieux – or et argent – de la roche. Or, l’homme est assez laid, défiguré qu’il est par une balafre en plein visage. Angélique éprouve de l’aversion envers cet époux qui la couvre de richesses. Peu à peu, elle tombe amoureuse de lui, d’autant plus qu’un tempérament sensuel se révèle en elle. Elle finit par céder à cet époux et conçoit un fils : Florimond. Cependant, Joffrey est quelque peu inquiété par le clergé qui voit en lui un alchimiste qui pourrait posséder la pierre philosophale. Mais pour l’heure, un grand événement va avoir lieu dans le royaume : le roi doit épouser l’infante d’Espagne et Angélique et son époux sont invités au mariage.

          Tome 2 – Première partie Les couloirs du Louvre : Voici venu le temps des noces de Louis XIV avec l’infante d’Espagne Marie-Thérèse. Angélique et son mari Joffrey participent aux cérémonies qui se déroulent à Saint-Jean de Luz. Cependant, très vite, Geoffrey est introuvable et c’est sans lui qu’Angélique se rend à Paris pour les festivités. Pendant le voyage en carrosse, dans la forêt de Rambouillet, la jeune femme est victime d’une agression. Visiblement, on lui en veut aussi. A Paris, Angélique trouve refuge chez sa sœur Hortense et son mari, Procureur du Roy. Là, elle apprend que Joffrey est détenu à la prison de la Bastille. L’avocat Desgrez lui annonce qu’il a été arrêté pour sorcellerie, mais Angélique, qui échappe à d’autres attentats, pense que le secret qu’elle détient et qui compromet Fouquet et le Prince de Condé n’est pas sans rapport avec la situation qu’elle doit affronter. Un soir, au Louvre, par l’entremise de Mlle De Montpensier, elle est reçue par le roi : l’entrevue ne se passe pas bien car il semblerait que le roi soit jaloux des richesses de Joffrey, et qu’il le soupçonne de comploter contre lui en agitant les esprits dans son comté de Toulouse. A sa sortie de chez le roi, elle est poursuivie par des malandrins qui en veulent à sa peau. Si elle ne veut pas se taire en acceptant l’offre de Fouquet - une vie de luxe à la cour contre le silence et l’oubli de tout ce qui concerne Joffrey - on la fera taire d’une autre manière. Ceux qui en veulent à sa peau sont le frère du roi, Philippe d’Orléans, son favori, le Chevalier de Lorraine, et un ancien de ses domestiques : Clément Tonnel. Grâce à Péguilin de Lauzun et au marquis d’Andijos, elle parvient à être exfiltrée du Louvre et se retrouve momentanément cachée chez son frère Gontran devenu peintre. On décide qu’Angélique sera mieux protégée au carreau du Temple, dans le logis de la veuve Cordeau. Là, elle retrouve un autre de ses frères, jésuite : Raymond de Sancé.

          Tome 2 - Seconde partie Le supplicié de Notre-Dame : Angélique et l’avocat Desgrez préparent activement le procès de Joffrey. Certes, ils ont peu d’espoir : Joffrey est accusé de sorcellerie et le père Bécher veut le faire condamner pour exorcisme et pacte avec le diable. Le procès s’avère être une parodie des procès en sorcellerie du Moyen-Age et Joffrey condamné à être brulé vif en place de Grève. Angélique paie le bourreau Aubin pour qu’il étrangle le condamné avant que les flammes le dévorent. Après l’exécution de son mari, Angélique doit disparaître car les hommes du frère du roi, Philippe d’Orléans, sont encore et toujours une menace pour sa vie. Après avoir accouché d’un second fils, elle laisse ses enfants, Florimond et Cantor, chez sa sœur et disparait dans Paris.

          Avec Angélique, marquise des Anges, Anne et Serge Golon signent un premier opus très prometteur. Si tous les tomes sont aussi passionnants que celui-ci, je crois que je vais m’enfiler sans peine la vingtaine qui suit.  En effet, cette saga mêle de manière réussie l’aventure, l’amour et l’Histoire.

Tout d’abord, le charme de ce roman réside dans le portrait plein de fraicheur de cette charmante aventurière qu’on connait tous via le film de Bernard Borderie et qui se prénomme Angélique. Certes, il s’agit d’une fille de caractère, à l’enfance un peu sauvageonne, qui n’a pas froid aux yeux. En devenant la belle jeune femme qu’on connait, elle se révèle être une amoureuse passionnée pleine de sensualité, puisqu’après avoir perdu son époux adoré, Joffrey de Peyrac, elle aura déjà un amant fortuit et très éphémère : le marquis de Vardes.

          La première partie de ce tome est lumineuse ; Angélique grandit dans la compagne riante du Poitou ; elle est pleine de vie et d’avenir ; puis, elle poursuit son existence dans le sud, près de Toulouse avec son mari Joffrey de Peyrac. La seconde partie est beaucoup plus sombre puisque nous retrouvons Angélique à Paris, dans les couloirs du Louvre à la nuit tombée, ou encore dans l’insondable carreau du Temple où Angélique prépare le procès de son époux. Les aventures de notre héroïne deviennent très périlleuses : elle est poursuivie plusieurs fois dans les couloirs du Louvre, la nuit, lorsque l’endroit devient un véritable coupe-gorge.

           Mais le secret du succès de cette saga, c’est aussi ce mélange savant et très réussi d’Histoire et de fiction. En effet, dans Angélique, marquise des Anges, des personnages fictifs sont mêlés à des personnages historiques. Souvent, le chemin d’Angélique croise de très grands noms du XVIIème siècle. Ainsi, nous faisons connaissance avec Saint-Vincent de Paul, mademoiselle de Montpensier, le roi, son frère, la princesse Palatine, madame de Montespan ou encore madame de Maintenon. Par ailleurs, aux événements qui jalonnent l’existence d’Angélique, se mêlent de grands moments historiques comme le mariage du roi avec l’infante d’Espagne, ou encore les complots de la Fronde.

           Finalement, ce tome brosse avec bonheur un portrait du grand siècle. On plonge en plein dans une période libertine et dangereuse. Les routes sont peu sûres, les complots sont nombreux et existent à tous les niveaux. La religion, encore teintée d’obscurantisme, est puissante et son pouvoir s’oppose à celui du roi : on le voit dans le procès que subit Joffrey, fomenté par l’archevêque de Toulouse et récupéré par le roi qui n’aime pas que brillent d’autres noms aux côtés du sien. Enfin, pour compléter ce charmant portrait, il faut souligner les arrestations arbitraires, effectuées souvent sous de faux motifs ; quant aux procès, les dés sont souvent pipés.

          Enfin, l’œuvre offre aussi un portrait de Paris grouillant de vie, un Paris lumineux ou sombre, à la fois éclatant et boueux où on croise toute une faune de mendiants, d’estropiés, de chansonniers.

          C’est dans ce milieu pas très recommandable que nous allons retrouver Angélique, dans le tome suivant intitulé Les chemins de Versailles.