LECTURES VAGABONDES

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Claude Michelet : Les gens de Saint-Libéral – Tome 1 – Des grives aux loups.

 

 

 

                Dans le genre « roman du terroir », je ne saurais trop conseiller cette saga en 3 opus écrite par Claude Michelet et intitulée Les gens de Saint-Libéral. Le premier tome porte le célèbre titre : Des grives aux loups et paraît en 1979 aux éditions Robert Laffont : en effet, un feuilleton a été réalisé à partir de l’œuvre : un grand moment pour l’enfant de la télé que je suis ! C’était au début des années 80.

 

              Saint-Libéral est une petite commune rurale de Corrèze. Nous sommes au début du XXème siècle et le roman traite de l’évolution du monde agricole à travers une famille notoire de l’endroit : les Vialhe. Le chef de famille, c’est Jean-Edouard : autoritaire, têtu et inflexible, il représente le paysan patriarche fier de son métier, fier de ses terres, qui fait filer droit toute la famille. Marié à Marguerite, le couple a trois enfants : Pierre-Edouard, Louise et Berthe. En grandissant, ceux-ci ont de plus en plus de mal à supporter l’autorité inflexible et parfois contestable de leur père. C’est Louise qui ouvre les hostilités : amoureuse d’un géomètre - Octave Flaviens - venu travailler sur le chantier du futur chemin de fer, elle refuse d’épouser celui que son père a choisi pour elle. Elle s’enfuit, épouse Octave dont elle aura un enfant, et s’installe avec lui du côté de Châteauroux. Bientôt veuve, elle épousera en secondes noces Jean, un garde forestier qui mourra au front, pendant la première guerre mondiale : néanmoins, jamais Louise ne reviendra dans la maison paternelle. Pierre-Edouard, le fils, s’oppose à son père au sujet de sa sœur. Lors de son service militaire, il prend du large et supporte de moins en moins l’autorité paternelle. Il décide de partir et de gagner lui-même sa vie. Plus tard, après la guerre, il épousera la sœur de son ami Léon Dupeuch, une ravissante paysanne nommée Mathilde. Mais la rivalité entre Léon et le père Vialhe est féroce et ce dernier n’accepte pas ce mariage duquel naît un petit garçon que Pierre-Edouard, rebelle, décide d’appeler Jacques, Pierre, Léon. La petite Berthe, elle aussi, quittera la maison familiale le jour de sa majorité : elle s’engagera comme infirmière sur le front, pendant la guerre, puis deviendra une modiste reconnue et une élégante parisienne. Cependant, la mort de la mère, Marguerite, réunit pour quelques jours la famille : Jean-Edouard va devoir vivre seul, désormais. Ses enfants ont fait leur vie loin de lui… mais… peut-être, un jour… La suite se nomme : Les palombes ne passeront plus

 

                Quel bonheur que celui de se plonger dans l’ambiance du monde paysan d’antan ! Certes, le roman explore le grand thème des mutations du monde agricole, mutations dues à l’industrialisation en France et à la saignée démographique de la Grande Guerre. Et ces mutations sont nombreuses ! La mécanisation s’introduit dans les techniques de labour, de moisson ; les mentalités aussi changent. Certes, le conflit des générations a toujours existé et ce thème est au cœur du roman. Toutefois, les rivalités familiales qui s’introduisent chez les Vialhe symbolisent ces mutations dans les mentalités. Les enfants Vialhe veulent tous s’émanciper, même celui qui est destiné, un jour, à prendre la relève sur les terres familiales. L’autorité patriarcale a fait long feu et se désagrège jusqu’à laisser le pilier familial – Jean-Edouard - dans la solitude.

                  Par ailleurs, le roman propose aussi une chronique de la vie quotidienne dans le monde paysan corrézien du début du XXème siècle. La vie dans le village de Saint-Libéral est rythmée par les rivalités entre les grandes figures locales qui se disputent la mairie, par les conflits pour l’achat d‘un bout de terrain, conflits qui peuvent déboucher sur des brouilles familiales, par des questions d’honneur et de réputation, questions tellement importantes dans un milieu qui fonctionne en vase clos et dans lequel tout le monde se connaît.

L’histoire s’invite aussi dans Des grives aux loups : la construction du chemin de fer, au début du XXème siècle transforme l’économie et la vie de Saint-Libéral en ouvrant le village sur la ville la plus proche : Brive. La Grande Guerre provoquera la mort de nombreux villageois et les femmes prouvent qu’elles peuvent prendre la place des hommes dans les champs. Le curé, dans une France désormais ouvertement laïque, a de plus en plus de mal à asseoir son autorité.

                  Enfin, Des grives aux loups, c’est aussi le premier tome d’une grande saga familiale plutôt classique et tous les ingrédients romanesques attendus s’y trouvent : des caractères bien trempés et les grands événements de la vie quotidienne : les mariages, les amours, les disputes, les deuils et les enterrements, les naissances. Rien de bien révolutionnaire, certes, rien de bien original, et on est bien conscient, aussi, du caractère stéréotypé des personnages, de l’aspect parfois simpliste des dialogues et des intrigues ; mais peu importe ! Le tout est bien ficelé, le tout nous emporte avec plaisir dans un monde à la fois lointain et familier : celui de la campagne française traditionnelle.

                 De quoi me replonger dans l’enfance, dans la ferme familiale située dans l’Artois, une ferme où, dans les années 70, il n’y avait pas l’eau courante, pas de salle de bain, des toilettes rudimentaires… beaucoup de travail : j’aimais tant m’occuper des poules et des vaches, faire le beurre… mais tout ça est bien loin, comme le dit la chanson du feuilleton tiré du roman de Claude Michelet… « C’était le temps Des grives aux loups ».  

 



27/09/2015
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