Anna Gavalda : Ensemble, c’est tout /Mauvais, c'est tout
A l'époque où je regardais encore l'émission du samedi soir de Laurent Ruquier, On n'est pas couché, Eric Naulleau, journaliste qui sévissait dans ladite émission, avait déclaré qu'il n'y avait rien de pire dans la vie que de lire un roman d'Anna Gavalda. Je ne partage pas toujours le point de vue de Naulleau en matière de livres, mais je dois dire qu'en ce qui concerne Ensemble, c'est tout, écrit par Anna Gavalda en 2004 et paru aux éditions Le Dilettante, on n'est pas loin du compte.
Quatre personnages, éclopés de la vie, sans grande perspective, vont se rencontrer, vivre ensemble, et trouver ensemble le bonheur. Camille Fauque vit dans une chambre de bonne pourrie au dernier étage d'un immeuble parisien. Elle est employée comme femme de ménage chez Touclean et nettoie les bureaux après les heures de travail. Plus ou moins anorexique, la jeune fille s'évanouit dans la cage d'escalier de son immeuble et est recueillie par Philibert Marquet de la Durbellière qui l'installe dans son appartement et la soigne. Cependant, Philibert a un colocataire, Franck Lestafier, avec lequel Camille peine à s'entendre au départ, situation qui évoluera, bien évidemment, de manière positive, jusqu'à l'histoire d'amour. Franck a une grand-mère : Paulette Lestafier, placée en maison de retraite, atteinte de la maladie d'Alzheimer. Touchée par la situation de la vieille dame, Camille décide de l'installer dans l'appartement. La vie, ensemble, est merveilleuse : Paulette, Philibert, Camille, et Franck sont heureux à quatre, pendant un certain temps, dans ce grand appartement qui malheureusement, un jour, doit être vendu. De toutes manières, Paulette meurt, Philibert se marie, et Franck et Camille décident de vivre ensemble, et de faire un enfant.
Heureusement que ce roman : Ensemble, c'est tout, est composé massivement de dialogues, de répliques très courtes - voire monosyllabiques - échangés par les personnages : les 600 pages se tournent finalement assez vite et le lecteur a le plaisir de voir diminuer rapidement la corvée que représente la lecture de ce livre. On ne sait si Anna Gavalda veut, par l'accumulation de dialogues insignifiants, traduire la vacuité de la quasi-totalité des discussions humaines, auquel cas l'œuvre aurait un intérêt socio-philosophique… on en doute. Sans doute Anna Gavalda a-t-elle plutôt voulu construire des personnages à la fois réalistes, sensibles et pudiques au point de retranscrire jusqu'à leurs raclages de gorge destinés à masquer une quelconque gène, confusion, etc… Allez ! Une page au hasard :
« -Tu manges avec nous ? lui demanda Franck.
– Je suis obligée ?
– Non.
– Alors je préfère sortir et marcher un peu…
- ça va ?
– Oui. C'est chaud quand même… Vous bossez vachement…
- Tu veux rire ? On fait rien, là ! Y a même pas de clients !
– eh ben…
- Tu reviens dans une heure ?
– OK. »
Voilà. Ainsi, de suite… Jusqu'à plus soif. Jusqu'à indigestion, gastro-entérite et autres désagréments liés à l'absorption de substances vraiment pas très comestibles. Indigence des dialogues, degré zéro de l'écriture… Beurk ! Oui, vraiment, Eric Naulleau n'est pas loin d'avoir raison.
Cependant, ce roman n'a pas fini d'étonner le lecteur qui n'était pas loin de penser qu'avec de tels ingrédients de base, Anna Gavalda était déjà en train de battre le record en matière de daube littéraire… Mais visiblement, ce n'est pas suffisant… Anna Gavalda est ambitieuse et veut bien marquer le coup, histoire de donner du fil à retordre à tous les plumitifs qui voudraient la défier sur ce terrain-là ! Voilà pourquoi l'écrivaillon Gavalda multiplie également les scènes insignifiantes et inutiles, scènes dont on a bien l'impression qu'elles sont là pour rallonger une sauce déjà bien insipide faite d'accumulations de détails d'un quotidien sans intérêt. Par exemple, un jour, Camille fait la cuisine avec Franck. Elle épluche les patates et discute avec lui de leur cuisson, de leur assaisonnement… et puis aussi d'autres choses guère plus importantes, guère plus passionnantes.
Reste à ajouter, pour peaufiner le tout, des personnages stéréotypés et une intrigue mince comme une feuille de papier à cigarette. Le coup des éclopés de la vie qui vont trouver le bonheur ensemble : Paulette, la mémé Alzheimer, Philibert, l'aristocrate décalé et bègue, Camille, l'anorexique mais très talentueuse dessinatrice, Franck, abandonné par sa mère, orphelin… Cependant, Camille rencontre aussi un clochard drogué, Vincent, qu'elle héberge dans son ancienne chambre de bonne : je n'ai pas parlé de lui dans le résumé que j'ai proposé plus haut, car sa présence dans le roman ne rime à rien, elle est inutile, elle sert juste à rajouter un éclopé de la vie à l'ensemble : voilà tout.
Par ailleurs, Anna Gavalda se concentre surtout sur les personnages de Franck et de Camille, qui, au départ ne s'entendent pas, mais qui vont progressivement se rapprocher, se confier leurs misères – bien évidemment une enfance malheureuse – s'aimer sans vouloir l'admettre – bien évidemment, les éclopés de la vie ont peur du bonheur qui s'offre d'un seul coup à eux, etc… On se demande ce que viennent faire Philibert et Paulette dans le tableau. Anna Gavalda se débarrasse du premier en l'envoyant rapidement en voyage dans sa famille, elle intègre la seconde très tardivement à l'ensemble et la fait clamser en deux temps trois mouvements : construction d'ensemble quelque peu bancale, donc. Bref, rien ne sauve ce pitoyable roman de l'indigence totale.
Allez, Eric Naulleau n'a pas tout à fait raison ; il y a pire qu'un roman d'Anna Gavalda… deux romans d'Anna Galvalda !
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