LECTURES VAGABONDES

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Winston Groom : Gump & Cie / Une compagnie dispensable

     

      C’est au hasard des rayonnages de la médiathèque que je suis tombée sur cette suite de Forrest Gump intitulée Forrest & Cie, toujours écrite par Winston Groom en 1995 - cependant, le livre ne parait en France qu’en 2017, aux éditions du Cherche-Midi. Cette suite de Forrest Gump est-elle incontournable ? Ou plus modestement : vaut-elle le coup d’œil ?  

 

          Nous sommes désormais dans les années 80 et après avoir fait fortune dans l’élevage de crevettes, voilà Forrest Gump à nouveau au fond du trou. Par ailleurs, désormais, il a la lourde charge de la paternité car Jenny Curran, son amour dans Forrest Gump, est décédée, laissant derrière elle Petit Forrest, l’enfant qu’elle a conçu avec lui. C’est ainsi que Forrest Gump va à nouveau faire le tour du monde, à nouveau monter et descendre dans l’échelle sociale. Citons les aventures les plus mémorables de cet opus : vendeur d’encyclopédies, prête-nom dans une agence financière, conseiller du président Reagan auprès de l’Ayatollah Khomeiny, soldat pendant la guerre du golfe, technicien météo au pôle nord, joueur de football, acteur dans un parc d’attraction à thème religieux (il joue alors le rôle de Goliath contre David), éleveur de porcs… Au fil de ces aventures, il retrouve et perd des amis chers à son cœur, présents dans le précédent opus. Citons, par exemple, le commandant Dan et l’orang-outang Sue (qui décèdent tous deux dans la guerre du golfe). D’autres personnages font leur apparition dans Gump & Cie : notamment, la truie Wanda, ou encore le colonel Krantz. Cependant, Forrest a un fils surdoué - Petit Forrest – qui transforme en or tout ce qu’il touche. Si les relations père-fils sont parfois tendues, elles finissent par se resserrer et devenir même fusionnelles à la fin du roman. Et puis Forrest redécouvre aussi l’amour entre les bras d’une jeune serveuse allemande rencontrée lors de la chute du mur de Berlin : Gretchen. Quoiqu’il en soit, tout est bien qui finit bien ; comme dans Forrest Gump, Forrest & Cie s’achève de manière consensuelle : tous les personnages (et beaucoup d’autres croisés au cours du premier roman) se retrouvent à l’endroit où, naguère, l’élevage de crevettes avait vu le jour, et comme dans Candide de Voltaire, toute la petite compagnie travaille ensemble, dans la joie et la bonne humeur, à l’élevage et à la production d’huitres. Grâce au talent de chacun (et à l’expertise de Petit Forrest), la richesse est au rendez-vous. Désormais, Forrest Gump peut s’asseoir et se reposer : il aura eu une belle vie.

 

          Je repose donc ma question à monsieur Winston Groom : cette suite aux aventures de Forrest Gump était-elle indispensable ?

          En effet, on a la fichue impression, tout au long du roman, de relire la même histoire ou presque.    

         Tout d’abord, Forrest & Cie adopte la même construction que celle de Forrest Gump. Le roman déroule en effet, une suite d’aventures plus ou moins improbables, aventures grâce auxquelles notre candide héros bourlingue autour du monde et connait succès comme échecs.

Par ailleurs, on repère, entre les deux opus, une récurrence de certains personnages parmi lesquels on retrouve le commandant Dan, un éclopé de la guerre du Vietnam qui ne jure pourtant que par la guerre et l’armée, Sue, le singe, d’autres encore…

          Par ailleurs, le roman joue aussi sur des répétitions et des reprises du précédent opus. Ainsi, tout commence par le football, sport dans lequel Forrest excelle, et se termine dans une grosse affaire d’élevage (de crevettes dans le premier opus, d’huitres ici) où tous les personnages se retrouvent ensemble pour travailler et faire fructifier dans la joie et la bonne humeur l’affaire montée de toutes pièces par notre héros très Candide – on se souvient qu’à la fin du conte philosophique de Voltaire intitulé Candide ou l’Optimisme, Voltaire avait fait se retrouver tous les personnages du roman dans une métairie qu’ensemble, ils faisaient fructifier. Entre deux, Forrest aura connu la guerre, la diplomatie en Irak, le monde de la finance, la chute du mur de Berlin… J’en passe ! Tout comme dans le précédent livre… tout comme dans Candide ou l’Optimisme de Voltaire. Et si Forrest, dans le précédent opus, avait connu Raquel Welch et Hollywood, dans Forrest & Cie, il rencontre Tom Hanks, héros du film Forrest Gump, lors de la cérémonie des Oscars qui consacre le film de Zemeckis que nous connaissons tous.

           Cependant, s’il faut souligner un changement, c’est la composition un tantinet plus mélancolique du personnage de Forrest Gump. En effet, notre héros a perdu le grand amour de sa vie : Jenny Curran est morte, et même si notre homme fait la connaissance de la gentille et jolie Gretchen, celle-ci ne remplacera jamais celle-là. D’ailleurs, Forrest continue de voir Jenny dans ses rêves et à travers des apparitions d’elle qui s’imposent à lui. D’autres personnages issus de l’entourage proche de Forrrest meurent : le singe Sue – et ce n’est pas la truie Wanda qui peut le remplacer -  le commandant Dan…           Mais Forrest ne sait remplacer ceux qui l’ont quitté ; dans son cœur, il y a toujours une place pour eux.

          Par ailleurs, Forrest a aussi gagné en maturité : il est désormais père et se débat avec des problèmes d’éducation car son fils, Petit Forrest, n’est pas un enfant facile : il a tout d’un surdoué (dur-dur pour notre Forrest Gump simple d’esprit) et passe son temps à critiquer son père. Cependant, à la fin du roman, on a droit à une scène de complicité autour d’une partie de pêche.

          Au niveau des aventures proprement dites, l’auteur marque sa volonté d’ancrer le roman dans les évènements phares des années 80 - début 90. Cependant, chaque aventure finit toujours par tourner au burlesque et n’a jamais de portée idéologique. Ainsi, le roman se conçoit-il comme une succession d’évènements qui surviennent en suivant l’effet papillon : c’est toujours un grain de sable qui finit par générer une grande catastrophe. Par exemple, c’est un tir audacieux de Forrest, lors d’un match de foot, qui finit par casser le mur de Berlin.

          Ainsi, selon moi, cette suite a un intérêt limité, sinon celui de divertir par des gags (d’ailleurs pas toujours drôles). Je dois bien avouer que cette absence de fond finit par m’ennuyer. Bref, certes, le roman se laisse lire sans peine, amuse parfois… mais cette suite de Forrest Gump est-elle incontournable ? A vous de voir, mais Robert Zemeckis, quant à lui, n’a pas jugé bon de donner suite au film Forrest Gump.  



07/05/2023
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