LECTURES VAGABONDES

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Virginie Despentes : Les jolies choses / C’est pas jojo.


Est-ce que le sexe violent, la drogue et les gros mots sont de jolies choses? Peut-être bien pour Virginie Despentes - toujours très loin de la bien-pensance, toujours volontairement trash - qui a écrit en 1998 le roman : les jolies choses, paru aux éditions Bernard Grasset.

Pauline et Claudine sont sœurs jumelles, mais leur caractère et leur tempérament les opposent. Pauline est sauvage, fidèle en amour, intransigeante. Claudine veut devenir une star : elle fait dans le « bling-bling » : bimbo prête à tout pour parvenir. Avec son ami, Nicolas, elle a mis au point un disque. Seul problème : elle n'a aucun talent de chanteuse. C'est sa sœur, Pauline qui va assurer le concert prévu à Paris. Sa voix magique emballe plusieurs producteurs qui souhaitent signer avec elle et Nicolas. Mais Pauline n'est pas Claudine : la jeune fille se dérobe. Retour à l'appartement : Claudine vient de se suicider. Consternation… de courte durée. Les deux sœurs ne s'appréciaient pas, à première vue. Cependant, Pauline rêve de devenir riche et de préparer une belle vie à son petit ami, Sébastien, lorsqu'il sortira de prison. Elle devient Claudine : longue métamorphose pendant laquelle la jeune fille refait sa garde-robe, apprend à marcher sur des hauts talons, à assumer dans la rue le regard des autres. Et puis c'est la catastrophe. Sébastien a une remise de peine et se rend…. chez Claudine qu'il baise ardemment sans se rendre compte qu'il s'agit en réalité de sa sœur, Pauline, sa véritable petite amie fidèle : manière bien cruelle de découvrir la trahison passée de deux personnes proches. Et puis, Nicolas est un branleur. Il n'a pas donné suite aux coups de fil des producteurs qui se sont très vite lassés : il avoue ses incuries à Pauline. Cependant, il est invité à une garden-party. Pauline décide de prendre les choses en main et de devenir définitivement Claudine… le talent en plus. Elle rencontre un producteur au cours de la garden-party, devient sa maîtresse, puis celle de Nicolas. Le disque est en route. Peu à peu, elle découvre la vraie vie de Claudine : des amants à tire-larigot, des soirées en clubs échangistes, et même, un film porno ! Il faut qu'elle assume, rester dans la droite ligne de sa sœur. Entre le désir de tout plaquer, le dégoût d'elle-même lorsqu'elle joue quand même le jeu, elle perd son amour, Sébastien, auquel elle avait pourtant pardonné la trahison. En pleine gloire, c'est auprès de Nicolas que la jeune fille trouvera enfin l'équilibre qui lui est indispensable : Nicolas, le seul à n'avoir jamais couché avec Claudine et à ne l'avoir jamais jugée.

Les jolies choses, ce sont peut-être les femmes quand elles se font belles pour plaire aux hommes. C'est dire tout le mépris que semble éprouver Virginie Despentes pour les femmes qui aiment séduire les hommes, faire l'amour avec eux, être féminines… Enfin, quand je dis ceci, je m'avance un peu, car si on considère que la plupart des femmes ont quand même une sexualité « normale », c'est-à-dire normée, et qu'elles ont donc la préoccupation de plaire à un éventuel partenaire, on ne peut pas dire que Virginie Despentes s'essaye à la compréhension de la majorité des femmes. Les femmes normales ne l'intéressent pas ; elles ne sont pas assez trashs !

Le roman propose, en effet, le portrait croisé de deux femmes, portraits que j'ai trouvés totalement caricaturaux, manichéens, extrêmes et par là-même, assez irréalistes. Pauline est sauvage, désagréable avec son entourage… elle aime ce qui est « grunge ». Claudine, au contraire, aime la provocation et le sexe hardcore. C'est dans le monde de Claudine que nous sommes invités à évoluer car progressivement, sa sœur va s'accaparer d'une partie de son mode de vie et de sa personnalité.

Le monde de Claudine ? Celui de la réussite facile, celui dans lequel on couche beaucoup, celui de la coke, des partouzes et des films pornos. Ce n'est qu'à la fin, après la réussite, après l'argent gagné, que Pauline saura s'extraire de ce milieu pour partir au soleil, en vacances, avec celui qu'elle aime plutôt bien… Nicolas. Voilà ce que sont aussi les jolies choses : l'argent, la réussite, le soleil, l'absence de contraintes et un peu d'amour : à chacun de juger de la place de la laideur, de celle de la beauté, dans ce livre… On peut aussi bien trouver belles les failles des personnages, failles qui sont évoquées dans les quelques flash-backs qui traitent de leur enfance et de leurs rapports à leurs parents ; cependant, ces failles, ces fêlures ne sont guère mises suffisamment en avant pour être palpables. Le livre offre une succession de pages où alternent des scènes de glandouille devant la télé ou les consoles de jeu, celles de parties de jambes en l'air sur les fauteuils, les tables, le sol : la psychologie n'a guère la part belle dans les jolies choses.

Par ailleurs, le roman offre une peinture assez outrancière du milieu du show-biz. Dès qu'une fille un peu jolie veut faire sa place, elle doit se faire sauter par tout le staff, sniffer de la coke, fréquenter des endroits décadents… On est carrément dans le stéréotype. Comme si gagner de l'argent avec un produit qu'on vend n'était pas la première préoccupation de ce monde ! Non, baiser des poulettes et des bimbos, se livrer au sexe trash, voilà les seules activités du milieu du show-biz. On se demande bien quand ces gens-là travaillent ! Ils en ont pourtant plein les fouilles, à ce que je sache. 

Virginie Despentes se livre également à une peinture très caricaturale et superficielle de la bimbo vue à travers un regard machiste. Je cite Sébastien, le petit ami de Pauline qui a jadis également couché avec sa sœur, la provocante Claudine :

« Moi, y a un an, quand je suis tombé, je sortais avec une putain de fille, carrément une madame. Jamais tu m'as trompé, j'en suis sûr, jamais tu te manquais de respect, jamais tu te rabaissais. J'étais fier de toi, dès que je voyais une pouffe dans la rue je pensais à toi, regarde comme tu t'habilles, regarde-toi comme tu marches… Et tu te fais trouer par qui, là-bas ? Tu kiffes, quand ils te baisent ? Tu kiffes mieux que quand c'est moi ? Ça va, ils te prennent comme t'aimes ? Moi, je te respecte trop, toi tu te respectes plus. Ça peut plus rien donner, cette affaire. »

 Que dire également des portraits masculins ? Ils sont tous laids : Nicolas est insipide, c'est un traine-cul qui glandouille devant des consoles de jeu, mais n'est pas macho et ne porte pas de jugement sur Claudine avec laquelle il ne couche pas, mais qu'il aime bien. Sébastien est un salaud qui méprise les femmes comme Claudine, mais jouit énormément avec elles, ces salopes. Le patron de Pauline est un vieux libidineux à bite laide et fripée, qui ne sait pas faire jouir une femme mais qui se prend pour King Kong. Encore une fois, il ne faut pas attendre d'une féministe hystérique un quelconque portrait d'homme ou de femme réaliste et affiné : montrer des êtres attirés par le mystère de la différence, attirés par ce qui les complète et les finit… mais en même temps, assez effrayés par cette dimension terriblement impressionnante de l'autre. Le jeu de la séduction est là pour s'apprivoiser l'un l'autre, s'approcher l'un de l'autre… Certains codes de séduction permettent de se retrouver sur la route de la rencontre. Non, ici, on y va franco, on n'a pas peur, on couche avec n'importe qui comme on mange une tartine au petit-déj… Je ne sais pas si beaucoup d'hommes et de femmes ont cette approche de la sexualité…Ce n'est en tout cas pas la mienne, pas celle de mes amies, non plus… pas celle des femmes normales, en fait.

Virginie Despentes fabrique ses personnages pour qu'ils viennent corroborer sa King Kong théorie féministe à moustaches, qu'elle met ici en œuvre sans aucun humour. Je n'ai pas retrouvé l'outrance un peu trash de Baise-moi, pastiche amusant de Thelma et Louise. Dans les jolies choses, on s'ennuie plutôt à lire ces scènes de sexe pornographiques convenues qui n'ont plus rien de trash à l'heure d'internet.

Enfin, l'écriture très banlieusarde de Virginie Despentes, je ne l'ai pas appréciée : poucrave… chelou, etc… La médiocrité de ce langage ne peut passer que s'il est travaillé, que si l'ensemble du roman a du chien, ce qui n'est pas le cas des jolies choses.



16/06/2012
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