LECTURES VAGABONDES

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Victor Hugo : Les misérables (tome 5) - Jean Valjean

   

        Me voici arrivée au dernier tome des Misérables de Victor Hugo. Quel phénomène que ce roman ! Le 5ème tome conclut en beauté cette fabuleuse saga. Jean Valjean, ultime tome des Misérables parait en 1862.

 

          Nous retournons dans la rue Saint-Denis pour assister à la fin des événements révolutionnaires. On se souvient que Jean Valjean s’était rendu dans cette rue pour secourir Marius, même s’il savait que le jeune homme risquait bien de lui ravir sa petite Cosette. Alors que tous les compagnons de Marius tombent les uns après les autres, Valjean sauve la vie de Javert, dans un premier temps – il fait semblant de l’abattre d’un coup de pistolet, mais en réalité, il n’a fait que tirer en l’air en intimant à Javert de fiche le camp de cet endroit où il n’est pas le bienvenu. Dans un second temps, il sauve la vie de Marius. Le jeune homme est inconscient et blessé à la tête. Valjean le prend sur ses solides épaules et disparait, emportant avec lui cette lourde charge à travers les égouts de Paris, qu’il traverse en bravant tous les dangers. Cependant, alors qu’il veut sortir, il butte sur une grille fermée. C’est Thénardier qui monnaye le passage car ce scélérat détient les clefs des égouts de Paris. Manque de chance, à sa sortie des égouts, Jean Valjean tombe sur Javert qui l’arrête. Cependant, celui-ci accepte la demande de son désormais prisonnier : amener Marius chez son grand-père, monsieur Gillenormand, afin qu’il soit soigné. Ensuite, il demande à pouvoir rentrer chez lui prendre quelques affaires. Mais stupéfait, Valjean s’aperçoit que Javert l’a ramené chez lui et s’en est allé sans l’arrêter. Plus tard, il apprendra le suicide de cet ennemi. De son côté, Marius se remet de ses émotions et son grand-père change d’attitude à son égard. Il accepte avec joie l’idée du mariage de son petit-fils avec Cosette. Les deux tourtereaux vont enfin pouvoir être heureux d’autant plus que Valjean donne à la jeune fille tout l’argent qu’il a gagné sous l’identité de monsieur Madeleine, lorsqu’il était, en se souvient, maire de Boulogne-sur-Mer. Après leur mariage, Marius et Cosette décident de vivre chez monsieur Gillenormand et on octroie aussi, dans ce logement, une chambre à Valjean. Mais ce dernier renonce à ce bonheur. Il refuse de voir la vie de Cosette flétrie par la proximité d’un bagnard en rupture de ban. D’ailleurs, il se confie à Marius qui commence à concevoir de l’horreur pour cet homme qui lui paraissait cependant si bon. Peu à peu, Valjean est écarté de la maison du bonheur où il vient cependant tous les soirs pour saluer sa petite Cosette. Alors commence pour le vieux bonhomme une vie de misère et de solitude. Cependant, revoici Thénardier qui, cette fois, souhaite monnayer un secret. Il se rend chez Marius en accusant Valjean d’être un criminel, un bagnard échappé du bagne. Comme le jeune homme est déjà au courant de ce fait, Thénardier va plus loin et déclare que Valjean a assassiné un homme dont il portait la dépouille sur ses épaules dans les égouts, lors de la dernière journée révolutionnaire. Alors Marius comprend qui est véritablement Valjean et éperdu, il se rend en hâte, avec Cosette, rue de l’Homme Armé, là où habite encore Valjean. Ils arrivent à temps pour se réconcilier avec le vieillard qui expire en paix.

 

          Avec Jean Valjean, Victor Hugo conclut propose une fin en forme d’apothéose à sa saga : Les Misérables. En effet, dans ce tome, notre héros atteint toute sa grandeur et son personnage se teinte de sublime. Il faut dire que c’est désormais qu’il fait le sacrifice ultime du seul amour de sa vie : Cosette et qu’il risque sa vie pour sauver celle de Marius, son rival dans le cœur de la jeune fille. Après le mariage de Cosette, Valjean va encore plus loin dans le sacrifice : pour que la vie de Cosette ne soit pas tachée par sa présence à lui, bagnard en rupture de ban, il s’efface de la vie de la jeune fille, progressivement.

          Par ailleurs, si le début de ce tome est sombre – puisqu’il s’agit d’évoquer la fin tragique des journées révolutionnaires de 1830 – la fin est plutôt lumineuse : y éclatent le bonheur de Marius et de Cosette dans une famille réunie et réconciliée. Le grand-père de Marius, monsieur Gillenormand a pardonné à son petit-fils ses activités politiques républicaines et s’avère être un homme joyeux et positif. Il s’oppose en cela, au personnage de Valjean, sombre, torturé et secret.

          Je remarque également que la fin des Misérables est sensiblement différente de celle qu’ont choisie les metteurs en scène dans les adaptations filmées. Je pense ici à celle réalisée par Robert Hossein. En effet, ce dernier fait mourir Valjean dans la solitude et le dénuement, soulignant ainsi la figure de paria social de ce personnage, tandis que le roman stipule que le vieil homme revoit régulièrement sa petite Cosette et meurt le cœur heureux, dans ses bras. Ce final est un peu tiré par les cheveux, direz-vous ? Oui, peut-être, mais c’est le choix de Victor Hugo qui croit en Dieu et en la justice divine. Valjean, le réprouvé social, est un homme si bon et si juste au regard de Dieu, il a tellement expié sa faute, qu’il a bien le droit à une mort heureuse ! Il a droit aussi à une réhabilitation dans le cœur de ses enfants – notamment celui de Marius qui a une dette envers lui. Ainsi, ce dernier découvre la vérité et la grandeur de Valjean éclate sous ses yeux sans que l’ancien bagnard n’ait eu besoin de lui révéler quoique ce soit. Par ailleurs, il apparait opportun, dans une telle logique, de ne pas laisser des personnages bons et innocents comme le sont Cosette et Marius dans un coupable aveuglement au sujet de leur père. Cependant, ce doigt de Dieu qui oriente l’existence des hommes a aussi ses ironies et ses mystères.

          Ironie, tout d’abord, car c’est de Thénardier que viendra la vérité qui éclairera Marius sur la grandeur d’âme de Valjean. Alors qu’il venait pour accabler Valjean, ce gueux abject révèle au jeune homme que son beau-père est ce sauveur qu’il recherchait !  

          Mystère, ensuite, car le même Thénardier partira pour les Amériques où il fera fortune en étant négrier. Quel abject personnage ! Mais les voies de Dieu étant impénétrables, ce mauvais homme s’en tirera malgré tout à bon compte.

On ne peut parler de justice divine dans Les Misérables sans parler de Javert. Ce personnage illustre le triomphe de la justice de Dieu sur la justice des hommes. En effet, Javert, qui a toujours fait passer son devoir d’inspecteur de police avant tout le reste, s’incline, frappé par la grandeur des actes de Valjean. Ainsi, l’inspecteur Javert a failli à son devoir en laissant partir un bagnard en rupture de ban, alors que son rôle était de l’arrêter. Et lui qui a passé sa vie à traquer le bagnard évadé pour accomplir la justice des hommes, se suicide devant cette révélation car il a compris qu’il a toujours servi une justice faillible et imparfaite : celle des hommes.   

          Et c’est également dans ce dernier tome que se déroule l’épisode mythique de la traversée des égouts de Paris par Jean Valjean et Marius. Avant d’aborder ce passage, Victor Hugo prend le temps, comme à son habitude, de raconter toute l’histoire du lieu, d’y ajouter des considérations philosophiques, morales, sociales ou encore religieuses car oui, ce dernier tome n’échappe pas à la règles des digressions hugoliennes. Ces dernières donnent du corps aux actions des personnages ou encore aux lieux dans lesquels celles-ci se déroulent. Ainsi, les égouts de Paris prennent-ils peu à peu la dimension d’une sorte d’enfer sur terre, de bas-fonds de la ville comme les misérables sont le bas-fonds de la société. De cet endroit maudit, Valjean se tire, glorieux : il évite des policiers en faction dans cet endroit inhospitalier, il risque l’ensevelissement dans un lit de fange ; cependant, à sa sortie des égouts et après tant de bravoure, il tombe sur ses deux ennemis jurés : Thénardier et Javert. Ô rage, ô désespoir !

          Alors, voilà ; il nous faut à présent quitter Les misérables, œuvre somptueuse qui laisse un souvenir impérissable. Ce monument se termine par ces quelques vers très émouvants, inscrits sur la tombe de Valjean, vers que je laisse ici, au terme de cet article  :

 

(…) Il  mourut quand il n’eut plus son ange ;

La chose simplement d’elle-même arriva,

Comme la nuit se fait lorsque le jour s’en va.



14/11/2021
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