Tyne O’Connell : Trente ans ou presque/A la poubelle ou presque
On a tous tendance à considérer que passer une décennie dans la vie, c’est prendre un nouveau tournant. Visiblement, pour Tyne O’Connell, la trentaine constitue un sacré chamboulement puisqu’elle en a fait le sujet d’un roman : Trente ans ou presque, paru en 2002 aux éditions Florent Massot.
Saskia Williams va bientôt avoir trente ans et considère cette avancée dans l’âge avec panique. En effet, lorsqu’elle fait le bilan de sa vie, elle est assez désespérée : son petit ami, Emmanuel vient de la laisser tomber pour un curieux motif : il a découvert les fameuses listes que notre héroïne a la fâcheuse manie de dresser – liste de ce qu’il faut faire ou pas/ dire ou pas/ aimer ou pas/apprécier chez un homme ou pas, et ainsi de suite. Désormais célibataire, Saskia se demande ce qu’elle va bien pouvoir faire de sa vie ; elle travaille dans une galerie d’art moderne en compagnie de son patron, Stuart Dumass et ne rencontre que trop peu de monde. Le reste de sa vie, elle le passe avec ses amies, notamment Alice et Sophie, dans des bars à cocktail, des restaurants… Un jour, un curieux client se présente à la galerie : il s’agit du richissime Piers Dexter bien décidé à acheter toute la collection des Expériences en blancs qui - comme leur nom l’indique - sont des tableaux blancs. Saskia est charmée par l’homme, mais Alice, qui travaille dans une galerie concurrente avec l’ancien associé de Stuart – Jon Taschco – révèle à notre héroïne que ce dernier est sans doute amoureux d’elle. Cette révélation a pour conséquence d’orienter furieusement Saskia vers Jon, d’autant plus que celle-ci vient d’apprendre que son patron, Stuart, serait compromis dans un sale trafic de spéculation sur des tableaux. Elle se confie alors à Jon… bonne occasion pour elle de se rapprocher de son ex-employé. Même si Jon paraît soucieux lorsque Saskia lui parle des malversations de Stuart, il entame une liaison avec notre héroïne. Cependant, le pot aux roses finit par sortir : c’est Jon, et non Stuart, qui est l’escroc. Saskia peut alors se laisser aller à tomber amoureuse du bel amateur d’art, Piers Dexter, qui n’a acheté les tableaux que pour rencontrer notre belle Saskia.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Tyne O’Connell n’a pas fait preuve de beaucoup d’originalité lorsqu’elle a pris la plume pour la rédaction de cet insipide roman : Trente ans ou presque. En effet, on est ici presque dans la caricature du roman pour « nous les filles »… au point qu’on se demande si ce n’est pas fait exprès. Tout d’abord, focus sur une héroïne tant de fois rencontrée dans ce type de roman : une fille un peu fofolle, maladroite, angoissée par l’état de sa vie sentimentale (elle n’a pas de mec), plutôt fashion addict, entourée d’amies avec lesquelles elle sort dans les lieux branchés ; cerise sur le gâteau : son meilleur ami est homosexuel et coiffeur (c’est aussi évidemment, son confident).
On est quand même consterné par le manque d’inspiration dans la conception de l’intrigue : Saskia a été larguée, elle espère vite retrouver l’amour, elle se trompe, puis finit par tomber sur celui qui lui était destiné… car c’est ainsi qu’apparait Piers Dexter… un homme qui entre un beau jour dans sa boutique, un homme qui lui plait et dont on se dit immédiatement que c’est lui, le prince charmant tant attendu. Mais le lecteur est décidément très intelligent - pas comme notre héroïne - car c’est vers un minable escroc que Saskia va se diriger pendant plus d’un tiers du roman avant de donner raison au pressentiment – on ne sait comment ce pressentiment est né ! – du lecteur. Entre temps, on a vraiment l’impression d’avoir perdu son temps. Car outre une intrigue totalement prévisible et téléphonée, réduite à sa plus simple expression, il faut bien combler toutes les autres pages que l’histoire d’un simple petit détour de Saskia entre les bras d’un tel escroc ne suffit pas à combler. En guise de roman, on a donc droit à un défilé de scènes qui se veulent drôles et enlevées. Par exemple, Saskia, dans un bar, boit un peu trop et finit par danser sur une table. Par exemple, Saskia va se faire coiffer chez son ami Albert et lui raconte sa vie palpitante. Bref !
Alors quand même, pour sauver un peu ce pauvre roman, on pourra souligner l’humour certes attendu, convenu et très bon enfant, de Tyne O’Connell, mais qu’on lit sans déplaisir et qui fait qu’on arrive à aller jusqu’au bout de cette bluette.
« Mais je ne voyais pas les détails, ce soir-là : ils auraient pu être en train de faire une partouse que ne je m’en serais pas rendu compte. Albert était vautré dans son fauteuil avec une tasse de thé à la main et je me suis jetée sur lui comme un épagneul. »
Voici donc en cadeau quelques lignes de ce roman : ça vous amuse ? Alors n’hésitez pas à vous emparer de cet opus… Moi, j’avoue que cet humour n’est pas trop ma came. Pas assez féroce, pas assez dérangeant (c’est le moins qu’on puisse dire !).
On se demande vraiment pourquoi Tyne O’Connell fait cette tronche de cake sur la quatrième de couverture : elle étire son visage dans une grimace convenue qui semble vouloir dire qu’elle ressemble à son héroïne un peu nunuche et gauche, voire même qu’elle raconte sa propre vie dans Trente ans ou presque (alors qu’elle a plus de trente ans, c’est sûr !). Une raison de plus de passer outre ce roman qui n’a aucune intérêt… sauf pour celles qui aiment les histoires de godiches surfaites et tant de fois rencontrées dans toute cette littérature pseudo-féministe destinée aux femmes qui rêvent d’un prince charmant riche et insipide ; quant à l'héroïne, elle paraît tellement idiote que le Saint-Graal parait être à la portée de la plus humble connasse.
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