Timur Vermes : Il est de retour/ Goodbye Hibernatus Hitler
Depuis la chute du IIIème Reich, Hitler est devenu une légende, un mythe, l’incarnation du mal absolu. Il suffit de considérer l’émoi que constitue la réédition de Mein Kampf pour être convaincu que le Führer n’est pas tout à fait mort dans nos esprits. Le faire revenir aujourd’hui, c’est une idée qui à elle seule est la promesse de belles ventes à venir. Timur Vermes s’y est donc essayé en publiant Il est revenu paru aux éditions Belfond en 2014.
C’est par un beau matin de 2011 qu’Hitler se réveille dans un terrain vague de Berlin. Autour de lui, tout a changé. Mais notre homme, lui, n’a pas vraiment changé ; d’ailleurs, il se souvient parfaitement de tout ce qu’il a accompli il y a quelques décennies de cela. Il rencontre un kiosquier qui, bluffé par sa ressemblance avec le Führer, lui conseille de participer à un show télévisé comique présenté par un certain Wizgür. Très vite, notre homme, qui débite ses anciens discours plus ou moins adaptés à la nouvelle Allemagne, rencontre l’engouement du public. Il utilise bientôt les nouveaux médias pour divulguer ses idées : Facebook, you tube, internet. Cependant, personne ne se doute que l’homme est vraiment Hitler et on pense plutôt qu’il est un sosie génial du Führer. Bien entendu, l’homme suscite aussi des haines et il se fait bientôt agresser. De plus en plus, si certains continuent de s’amuser de ce pitre, d’autres commencent à le prendre au sérieux.
Il est revenu constitue une grosse déception, même si l’ensemble se lit bien et vite. Le roman est cependant très ambitieux : il s’agit, en effet, pour Timur Vermes de rappeler ce qu’a fait Hitler dans le passé, et de mettre en regard l’homme et son parcours avec notre époque. Ainsi, Il est revenu a aussi l’ambition de présenter une critique de l’Allemagne actuelle. Hélas, sur tous les points, on reste sur sa faim.
Voilà donc notre homme sur scène en tant qu’humoriste. Il fustige l’Allemagne actuelle et ses dirigeants qu’il trouve mous et sans vision. Désormais, ce sont les turcs qui remplacent les juifs. Droit dans ses bottes, il fait des discours absurdes et grotesques très largement inspirés de ceux qu’il proférait sous le IIIème Reich. Hélas l’ensemble n’est pas très convaincant : sa diatribe contre l’Allemagne démocratique et libérale n’est pas argumentée et elle est plutôt faible. Pour le reste, les anciens discours d’Hitler sont largement dépassés et au mieux, ils suscitent l’étonnement classique de toute personne ressent lorsqu’il est face à un imitateur hors pair. Rien de bien corrosif, donc, dans Il est revenu. On finit par s’ennuyer.
Par ailleurs, le personnage d’Hitler est sans saveur et n’a aucun charisme. A la rigueur, il est presque sympathique. Un comble pour cette incarnation du mal ! Un comble pour cet homme qui a réussi à hypnotiser des foules par sa seule présence, par sa seule voix, par la conviction mise dans ses féroces diatribes. Quant à l’intrigue, elle est bien maigre et Timur Vermes a truffé son roman de situations plus ou moins cocasses, sans grand intérêt. Par exemple, Hitler s’étonne de voir des femmes ramasser les crottes de leur chien dans de petits sachets plastiques mis à leur disposition dans les parcs et les considère comme des débiles mentales qu’à l’époque, il aurait gazées.
Pour le reste, le roman est aussi basé sur un humour bon enfant qui joue sur le décalage et l’anachronisme : ainsi, dans les conversations entre Hitler et les autres, il y a des malentendus car le même mot ne résonne pas de la même manière selon des époques… Cependant, pas un seul de ces décalages ne m’a fait sourire tant on est ici dans un comique lénifiant dont le but est d’amuser et rien d’autre.
Bref, on attendait une œuvre qui ferait froid dans le dos, mettant en scène un Hitler dangereux dont les discours résonneraient encore dans une Allemagne raciste et en crise. On est face à une œuvre sans relief et finalement sans intérêt. Le Hitler de Il est revenu ferait tout aussi bien de retourner se coucher dans son terrain vague berlinois. Heil Hibernatus !
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