LECTURES VAGABONDES

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Tom Robbins : Même les cow-girls ont du vague à l’âme/Lecture qui donne un sacré vague à l’âme !  

 

      Avec de telles références en quatrième de couverture, j’étais sûre de passer un moment amusant avec un roman bien subversif comme je les aime. En réalité, j’ai passé des heures cauchemardesques à lire Même les cow-girls ont du vague à l’âme, un des romans pilier de la culture hippie écrit par Tom Robbins en 1976 et paru en France en 1978 aux éditions Gallmeister.

 

          Sissy Hankshaw est dotée d’une particularité surprenante : elle possède des pouces géants. C’est ainsi qu’elle décide de faire de sa vie un éternel voyage. Avec ses pouces énormes, elle fait de l’auto-stop non-stop (lol !). Devenue jeune fille, elle va de plus en plus loin. Et puis, il faut dire qu’elle est rudement jolie et qu’elle fait aussi des prestations de mannequinat. Un jour, elle se rend à New York pour visiter son ami la Comtesse (c’est un homme), le numéro 1 des cosmétiques pour lequel elle travaille. Ce dernier lui fait rencontrer un peintre nommé Julian Gitche dont elle tombe amoureuse et qu’elle épouse bientôt. Cependant, la Comtesse l’envoie dans le Dakota, dans un ranch – le ranch de la Rose de Caoutchouc – dont il est le propriétaire ; là, elle doit tourner un clip avec des grues. Elle y rencontre Bonanza Jellybean avec laquelle elle va avoir une liaison. Cependant, une révolte éclate au ranch : les femmes veulent que cet endroit soit exclusivement réservé aux femmes. Sissy rentre donc au bercail et retrouve son mari qui la trouve un tantinet déprimée. C’est le docteur Robbins qui est chargé de la guérir. Le docteur Robbins s’intéresse particulièrement à l’histoire de la rencontre entre Sissy et le Chinetoque, un japonais qui vit sur une colline près du lac Siwash et du ranch de la Rose de Caoutchouc. Ce dernier est le gardien de l’horloge qui se trouve dans une grotte au cœur d’un dédale de galeries souterraines, galeries construites par un peuple indien qu’on appelle le peuple de l’horloge. Sissy entame une liaison avec le Chinetoque qui lui expose sa vision des choses et du monde ainsi que celle du peuple de l’horloge. Le docteur Robbins aimerait rencontrer le Chinetoque. En attendant, Sissy va mal : elle frappe la Comtesse qui a osé injurier les cow-girls et s’enfuit dans sa ville natale, Richmond, où elle contacte le docteur Dreyfus, chirurgien qu’elle charge d’opérer ses pouces géants : Sissy veut, en effet, devenir normale. Alors qu’elle possède désormais un pouce normal et un pouce énorme, elle retourne au ranch de la Rose de Caoutchouc où l’affaire des grues est en passe de devenir une affaire d’Etat. En effet, les grues ont disparu ; or, elles sont une espèce menacée. Il s’avère que ce sont les cow-girls qui les ont recueillies afin de les protéger. Mais les grues sont censées migrer. Il faut les libérer et bientôt, l’Etat décide d’attaquer le ranch pour en finir avec l’histoire des grues qui ennuient tout le monde car à l’endroit où elles vivent sont prévus des essais aéronautiques. Dans l’affrontement, Bonanza Jellybean perd la vie. Cependant, les grues décident de migrer et tout rentre dans l’ordre. Sissy, enceinte du Chinetoque, vit désormais avec une autre cow-girl, Delores, dans la grotte du Chinetoque qui est parti retrouver le peuple de l’horloge ; le ranch, quant à lui, s’appelle désormais el Rancho Jellybean.

 

              Comme vous l’aurez compris à la lecture de ce synopsis, Même les cow-girls ont du vague à l’âme surfe sur l’absurde et défie tous les codes du roman ; en effet, on est face à une intrigue déjantée qui n’a, à priori, pas grand sens si on s’en tient à ce qui est raconté. De plus, on a affaire aussi à des personnages farfelus et une écriture faite de métaphores obscures qu’on dirait tirées tout droit du mouvement surréaliste. Exemple :

 

« Le ciel était aussi en loques qu’un pyjama de bohémien. Par des trous faits au couteau dans la flanelle du ciel chargé, le soleil de juillet se déversait, faisant cligner les yeux de Sissy lorsqu’elle sortit des longs couloirs sombres du O’Dwyre VA Hospital. L’air était si humide qu’elle crut sentir des orchidées lui pousser sous les aisselles ».

 

          De ce genre de prose, on a vite soupé ! Cinq minutes, ça va ! mais lire pendant 453 pages de telles élucubrations, c’est véritablement horrible ! Et je passe sur tous ces passages où l’auteur fait des commentaires, se livre à des digressions, comme celle où il fait dialoguer le pouce et le cerveau.  

          Cependant, Même les cow-girls ont du vague à l’âme est aussi un roman qui attaque toutes les valeurs sur lesquelles repose la civilisation américaine : il défend le matriarcat contre le paternalisme en mettent en scène des cow-girls dans un ranch – quoi de plus macho que le monde des cow-boys ! – il défend le féminisme contre le machisme, l’écologie contre l’industrie et la société de consommation, la culture indienne, faite de voyages et proche de la nature, contre la sédentarisation et la civilisation.  Par ailleurs, il met aussi en avant l’amour libre et la sexualité – particulièrement les sexualités non conventionnelles (homosexualité) mais aussi l’hétérosexualité. Car il est aussi question, pour Tom Robbins de mettre en avant l’anormalité : Sissy est une héroïne aux pouces démesurés. Cependant, l’auteur n’impose pas un système de valeur opposé à celui de la culture bourgeoise : toutes les cow-girls ne sont pas d’accord entre elles ; et si on devait tirer une leçon de ce roman, ce serait que l’ordre et le désordre sont nécessaires au bon équilibre du monde qui doit reposer sur l’harmonie des contraires.

          Enfin, de ce roman émane une admiration face à l’œuvre de dieu : la nature. Il revisite les origines du monde, les réinvente à partir des mythologies existantes et propose une nouvelle genèse de l’univers en prenant des morceaux de réel et en jouant avec eux comme il le ferait avec les pièces d’un puzzle.

          Certes, Même les cow-girls ont du vague à l’âme est un roman emblématique de la contre-culture ou de la culture hippie. Il est sans doute intéressant de se pencher un peu sur ce courant subversif – j’adore, d’ailleurs, le fond de ce roman mais pas sa forme. Cependant, désormais, si je fais encore un détour vers ce genre d’œuvre, ce sera uniquement pour parfaire ma culture littéraire de petite bourgeoise et non pas parce que j’adhère à ce genre de littérature hyper indigeste. Et oui, on ne se refait pas ! seuls les bobos me semblent à même de louer ce géniaAALLL ! roman !



27/03/2022
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