LECTURES VAGABONDES

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Silvia Avallone : D’acier / E’ roba buona, questo romanzo !


                Fichtre ! En cette première semaine d’Août  2013, c’est qu’il en faut, des nerfs d’acier pour faire du camping dans la Drôme ! Deux jours d’orage, alerte Orange et une tente inondée ; plus un seul habit sec et dodo dans la voiture. Le soleil doit revenir cet après-midi et en l’attendant, je me réfugie dans la chaleur estivale de la Toscane… par la lecture. En effet, c’est là que Silvia Avallone nous emmène dans son très beau roman : D’acier, paru en 2011 aux éditions Liana Lévi.

                Piombino, ville industrielle en face de l’île d’Elbe, été 2001. Anna et Francesca vivent dans les barres d’immeubles de la via Stalingrado ; ces deux adolescentes, deux amies inséparables, affolent tous les garçons. Cependant, leur vie n’est pas toute rose. Le père de Francesca, Enrico, est un homme violent aussi bien avec sa femme, Rosa, qu’avec sa fille. Côté Anna, c’est Arturo, le père, qui pose problème : l’homme est en effet, une sorte d’escroc minable qui met parfois sa famille dans le pétrin. Via Stalingrado, tout le monde travaille de près ou de loin à la Lucchini, une gigantesque aciérie et c’est sur ce fond industriel que vont se jouer les drames du roman : la brouille d’Anna et de Francesca, l’accident d’Enrico (le père de Francesca), la dérive de cette dernière dans un minable bar à strip-tease, la mort d’Alessio, le frère d’Anna.

                Le roman d’acier nous invite à partager une année cruciale de la vie de deux adolescentes, Francesca et Anna, qui sont en pleine mutation, se cherchent et cherchent leur voie aussi bien sur le plan sentimental que sur le plan de leur avenir professionnel. Certes, les deux jeunes filles sont inséparables et s’amusent à affoler les garçons avec leur impudeur, leur audace et leur beauté du diable. Pourtant, si les deux jeunes filles s’assemblent, elles ne se ressemblent pas forcément.

Anna, la brune (mais au caractère néanmoins lumineux), est ambitieuse. Sa mère, Sandra, est un modèle de courage et de détermination : militante, elle rêve d’une belle vie pour sa fille qui s’apprête à entrer dans une école qui ouvre sur des études et un brillant avenir. Cependant, Anna tombe amoureuse de Mattia, un ami de son frère Alessio. Jalouse, Francesca repousse son amie.

Francesca, la blonde (mais au caractère néanmoins sombre), est moins bien lotie que son amie Anna. Son père la bat, elle déteste l’école et rêve de devenir une star. Elle rejette les hommes et leur désir, bien qu’elle aime le susciter. Secrètement, elle aime son amie, Anna, d’un amour quelque peu ambigu. Elle supporte mal l’aventure que cette dernière entame avec Mattia, et la brouille qui s’ensuit la fait plonger dans un univers de strass et de paillettes bien glauque : une boîte à strip-tease dans laquelle elle s’exhibe dans un numéro de lap danse bien chaud.

Nos deux héroïnes évoluent dans l’industrielle ville de Piombino (Toscane). Face à elle se dresse l’île d’Elbe qui focalise tous leurs rêves de gloire, de strass et de paillettes. Là, l’été, affluent de riches touristes dans des hôtels de luxe et les deux jeunes filles voudraient tant embrasser un avenir  qui leur permettrait de papillonner dans de tels endroits ! Cependant, la réalité à laquelle personne ne semble pouvoir échapper, à Piombino, c’est celle de l’aciérie Lucchini qui, tel un monstre vorace, se repait de tous ceux qui vivent autour d’elle. Enrico, Alessio, Mattia et bien d’autres y travaillent. Certains y laissent leur vie : Mattia qui conduit un énorme engin, ne voit pas son ami Alessio qui téléphone à son grand amour, Elena, et l’écrase. D’autres y laissent leur rêves : Enrico, le père de Francesca, travaille depuis toujours à la Lucchini ; il y a enfoui tous ses rêves tandis que l’aciérie a fait de lui un abruti qui ne s’exprime plus que par la violence.

Bien sûr, ce roman n’est pas dénué de défauts. En effet, Silvia Avallone s’essaie au roman social et n’évite pas le travers qui menace tout écrivain qui se penche sur le destin des familles ouvrières : la tentation du misérabilisme. Entre Rosa, la femme battue mais néanmoins silencieuse, Enrico, l’homme violent qui, victime d’un accident, devient une loque humaine qu’il faut torcher de A à Z, et la jeune Donata, infirme, dont la maladie évolue et dont on sait  d’avance qu’elle aura bientôt sa peau, on n’a que l’embarras du choix pour pleurer !

Par ailleurs, les personnages sont aussi quelque peu manichéens et stéréotypés : l’auteure a voulu bien marquer les ressemblances et les différences de ses deux héroïnes qui apparaissent alors au lecteur de manière trop contrastée : c’est le noir et le blanc qui se complètent et ne peuvent exister l’un sans l’autre ! Ainsi, pour marquer la complicité des deux héroïnes, Silvia Avallone imagine des scènes extrêmes, pas très plausibles, comme celle où les deux jeunes filles se livrent ensemble à un strip-tease aux fenêtres de leur appartement pour affrioler les habitants de la barre d’immeuble. Pour marquer la douleur de la cassure, lorsque les deux amies se brouillent, elle imagine pour Francesca une sorte de descente aux enfers dans un boui-boui où la jeune fille danse nue, comme elle le faisait jadis avec son amie. Elle la livre également en pâture sexuelle à de nombreux hommes alors qu’elle évoque son dégout pour ceux-ci et son attirance à peine voilée pour son amie Anna. Et puis d’un seul coup, alors qu’Anna vient de perdre son frère Alessio, alors que Francesca est désormais une fille perdue, c’est la réconciliation ! Et, comme il faut bien un happy end à tous ces malheurs, les deux jeunes filles prennent leur sac de plage et vont, par le ferry, passer l’après-midi sur l’île d’Elbe ! Et oui, le rêve est à leur portée pourvu qu’elles restent ensemble ! Manière un peu lourdingue et trop démonstrative de suggérer la chose. On l’aura compris, d’acier, désigne autant le fond industriel sur lequel se déroule le roman que la relation inébranlable des deux adolescentes. D’ailleurs, après l’accident survenu à Alessio dont Mattia est la cause, on ne sait si Anna continue à aimer ce dernier. Elle reprend sa relation avec Francesca et l’ambigüité de leurs sentiments est alors suggérée. Bref, alors que tout bascule autour d’elles, seule la relation d’amitié amoureuse des deux jeunes filles reste debout, solide comme l’acier.   

Ainsi, D’acier reste une lecture envoûtante où l’atmosphère étouffante d’une ville industrielle italienne écrasée par le travail, abrutie de soleil est bien sentie, où les deux héroïnes, malgré la lourdeur avec laquelle elles sont parfois présentées, n’en sont par moins fascinantes dans le style Bardot et « Dieu créa la femme ». Et même si Piombino n’est pas la ville rêvée pour passer les vacances d’été, j’ai bien envie de troquer contre elle les charmes… aujourd’hui pluvieux de la Drôme provençale ! Mais cela n’est heureusement que momentané ! In ogni caso, ti voglio bene, la mia bella Italia ! 



26/08/2013
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