Jean-Paul Dubois : une vie française / la vie et rien d’autre.
Voici la lecture-révélation de ces vacances ! Il est vrai que cet été, mon vagabondage livresque fut plutôt décevant : je me suis en effet fourvoyée dans des œuvres soit ennuyeuses, soit insignifiantes, l’un incluant souvent l’autre. Eh bien ! Si l’été français fut pourri, il s’achève cependant en beauté avec ce roman : une vie française, écrit en 2004 par Jean-Paul Dubois et paru aux éditions de l’Olivier/Le Seuil. L’œuvre a également reçu deux prix : le prestigieux Prix Fémina 2004, et celui du roman FNAC 2004.
Le roman se présente comme l’autobiographie d’un personnage fictif : Paul Blick. Ce dernier prend la plume pour raconter sa vie de manière quelque peu originale : le découpage se fait en effet au gré de la succession des différents présidents de la Vème République française. Début des hostilités : le 4 Octobre 1958 avec Charles de Gaulle : Paul Blick a 8 ans et il vient de perdre son frère : Vincent. En 2004, c’est Jacques Chirac qui sévit et notre héros se bat pour sauver sa fille, gravement dépressive et internée depuis plusieurs mois en hôpital psychiatrique. Entre deux, toute une vie s’égrène avec ses joies, ses peines, ses épreuves, etc…
Une vie française, c’est l’histoire très banale d’un homme lié à deux entités : celle de la famille, et celle de l’Histoire de son pays : la France. Certes, il ne faut pas attendre de ce roman une chronique politique bien fouillée : l’Histoire s’inscrit dans ce livre à la manière dont elle existe dans nos mémoires, car nous souvenons-nous vraiment de ces cinquante ans qui séparent les présidences de De Gaulle et de Chirac ? Peut-être quelques jalons forts : la mort de Bérégovoy, celle de Pompidou ; quelques affaires douteuses : les diamants de Bokassa, par exemple. Pas grand-chose, en réalité : dans une vie française, la vie politique est une sorte de toile de fond sur laquelle se peignent nos vies. De temps à autre, un événement marquera davantage nos mémoires sans trop qu’on sache pourquoi. Il est certain que les faits dont on se souvient vraiment sont ceux auxquels on a participé : Mai 68, dans une vie française, occupe une place importante de la partie De Gaulle. Ainsi, la vie politique s’inscrit-elle dans le roman comme le fond sonore d’un transistor qui raconterait une vie parallèle finalement assez peu intéressante, dont on retiendrait quand même quelques tubes et quelques jingles.
Reste donc l’histoire familiale des Blick : l’œuvre se déploie sous forme de saga dont Paul est le fil directeur. Rien de bien exceptionnel dans les événements racontés : des naissances, des mariages, des enterrements, des bonheurs, des malheurs, des angoisses… : les vies ici racontées sont certes singulières, mais n’ont rien d’extraordinaire : la famille Blick est une famille plutôt bourgeoise que rien ne distingue des autres familles plutôt bourgeoises.
Alors, qu’est-ce qui fait donc l’intérêt d’une vie française ? Pourquoi vouloir à tout prix la ranger parmi les lectures quasi incontournables de ce blog ?
D’abord, il y a le plaisir qu’on prend à se plonger dans toutes ces anecdotes qui concernent tout le monde si on veut bien les transférer à soi. Le style de Dubois est vivant, alerte, plein de sensibilité. Il croque avec tendresse et précision tous les personnages qui entourent son narrateur : Paul Blick. Il les déploie dans le temps et explore leurs changements, leur vieillissement. C’est ainsi que Paul Blick rencontre la belle Anna, se bat pour l’épouser, lui fait deux enfants… puis, avec le temps, la trompe, l’amour se transforme en tendresse, puis, Paul découvre que sa femme le trompe. Anna, jeune fille de bonne famille, insouciante, devient une redoutable femme d’affaires, plus ou moins véreuse. Bref, dans une vie française, rien n’est jamais figé : tout se transforme subtilement sous l’effet du temps. C’est donc la vie que raconte Jean-Paul Dubois : tous les personnages, y compris lui, sont pris dans les mailles du temps qui compose et décompose leur vie.
Par ailleurs, c’est aussi en fonction du temps et de l’âge que le regard du narrateur, Paul Blick, fluctue : jeune homme idéaliste, il finit par s’embourgeoiser tout en gardant sur le monde un regard gauchiste et son écriture porte la marque de cette évolution teintée d’amertume. Dans le détail, il porte également des regards nuancés sur des différents événements de sa vie : émerveillé par la naissance de ses enfants, désespéré par la mort de son frère, par l’anorexie de sa fille, compatissant et tendre devant sa mère qui se flétrit, se ratatine doucement. Bref, une écriture en relief qui met à jour l’âme profonde d’un homme.
Je recopie ici l’avis de Christine Ferniot, du magazine Lire, figurant en 4ème de couverture, un avis que je partage totalement :
« Jean-Paul Dubois offre un roman d’une ampleur réjouissante. Cinquante ans de la vie d’un homme au cœur d’une société française qui commence avec Charles de Gaulle et s’achève avec Jacques Chirac. Tout le roman est un mélange réussi entre l’anecdote et l’histoire, entre Mai 68 et les dîners de famille, entre la mort de Franco et le premier baiser avec la langue. Jean-Paul Dubois parvient à raconter un demi-siècle de politique française par le chemin des écoliers, drôle et désenchanté. En passant du rire aux larmes, de la mort à la vie, il nous offre une saga sans artifices, un livre-bilan palpitant. »
Une vie française, c’est sans doute le meilleur roman de mes vacances grecques…. Paradoxalement ou non : de toutes manières, nos vies françaises à nous n’ont pas encore tout à fait dit leur dernier mot !A découvrir aussi
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