LECTURES VAGABONDES

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Shalom Auslander : La lamentation du prépuce / Quand Shalom braille, le lecteur baille.


                Mais qu’allez-vous donc penser ? Ce n’est pas parce que le titre du livre de Shalom Auslander paru en 2008 aux éditions Belfond, La lamentation du prépuce comporte la mention de cette délicieuse peau douce qui recouvre une partie du joujou extra de ces messieurs que j’ai décidé de lire ce livre. Surtout que le nom de l’auteur et la couverture du roman ne laissent aucun doute : les personnages qui vont animer la lamentation du prépuce sont indubitablement dépourvus de celui-ci à cause de cette vilaine mutilation appelée circoncision, néanmoins obligatoire et traditionnelle dans la religion juive.

                Shalom Auslander naît et grandit dans la petite ville orthodoxe juive de Monsey, Etat de New-York. Sa famille est farouchement attachée à la religion et à ses traditions extrêmement contraignantes, austères et pleines d’interdits. Il étudie à la Yéchiva tous les principes et les règles édictés par la Torah. Pourtant, en grandissant, il prend en haine la religion et s’ingénie à enfreindre les lois du cachère, du Shabbat. Un jour, il est pris en flagrant-délit de vol dans une boutique de vêtements et ses parents insistent pour qu’il aille passer quelques temps en Israël, ce qu’il fait. Pendant quelques années, il retrouve le respect de la religion juive. Mais de retour à New-York, ses vieux démons le reprennent : il mange des hot-dog, se masturbe, fume du hash. Il finit par rencontrer celle qui deviendra sa femme – Orli - et qui lui donnera un fils – Pax – que Shalom fera circoncire par le médecin, sans cérémonie, ce qui provoquera une rupture avec sa famille : en tout cas, Shalom et Orli sont bien décidés à éduquer leur fils à leur manière, et non à la manière de la religion juive.  

La lamentation du prépuce raconte le parcours d’un écrivain nommé Shalom Auslander – par conséquent, c’est un roman largement autobiographique -  qui lutte pour se débarrasser du carcan de la religion juive. Cependant, ce dernier est fortement marqué par cette éducation très religieuse qu’il a reçue et ne parvient pas à s’empêcher de voir le monde à travers la peur de Dieu et les conséquences que pourraient avoir ses nombreux actes d’impiété. C’est ainsi qu’il critique les relations des juifs avec Dieu :

« Je me demande parfois si ce rabbin – et moi aussi, d’ailleurs – n’est pas affligé d’une sorte de syndrome de Stockholm métaphysique. Maintenus en captivité par cet Homme depuis des milliers d’années, nous continuons à Le louer, à Le défendre, à Lui trouver des excuses, voire à tuer pour Lui, telle une armée de Lynette « Squeaky » Fromme promettant soumission à leur Charles Manson céleste ».

Voilà pourquoi Shalom vit dans la peur de l’infraction et de ses conséquences : sa femme, enceinte, ne va-t-elle pas se faire renverser par une voiture s’il mange ce bout de bacon si appétissant ? Dieu ne va-t-il pas le punir lourdement pour avoir cédé à la tentation d’une séance de masturbation dans un peep-show ? Pourtant, Shalom ne cesse d’enfreindre et d’enfreindre encore toutes les lois de sa religion car il est aussi animé par un sentiment de profonde révolte : il est comme une bête enragée qui se débat entre les barreaux de sa cage.

« L’histoire de mes relations avec Dieu a été un cycle sans fin non pas du fameux enchaînement de « la foi suivie par le doute » mais d’équanimité suivie de révolte, de réconciliation suivie d’indifférence, de « pitié, pitié, pitié ! » suivi de « rien à foutre, va Te faire foutre, fous-moi la paix. »

Cependant, je dois dire que le roman est composé d’une suite d’anecdotes plus ou moins intéressantes, profondément nombrilistes, même si ces dernières sont toujours teintées d’un humour bien juif que j’adore, distancié, très noir, profondément amusant. J’avoue que j’ai fini par me lasser de cette succession de « va Te faire foutre, Dieu, je mange du cochon, na ! » et de « Mon Dieu, j’ai mangé du cochon, que vas-tu trouver pour me punir ? ». On a vraiment l’impression de tourner en rond dans toutes ces lamentations et tous ces coups de gueule qui reviennent toujours à la même chose.

Par ailleurs, la question de la circoncision est évoquée de manière superficielle et rapide : en toute fin du roman, Shalom fait circoncire son fils de manière non religieuse ce qui provoque une brouille familiale et un nouveau départ pour les Auslander : si le couple peine à s’affranchir de la religion, le rejeton, Pax, sera éduqué dans la paix (comme son nom latin l’indique) et non dans la guerre avec Dieu. Une fin en demi-teinte, donc : à quoi rime cette circoncision si elle n’est pas motivée par une profonde religiosité ou par une nécessité médicale ? Pourquoi l’avoir quand même effectuée ? Certes, dans la religion catholique, on baptise les enfants sans leur demander leur avis et ensuite, nombreux sont ceux qui se fichent de Jésus, de Marie et du Saint-Esprit mais le baptême me paraît quand même plus anodin que la circoncision que je considère comme un acte de mutilation (oh ! Blasphème antisémite et anticatholique ! Je risque la damnation, tant pis !). Aller jusqu’au bout de la révolte, c’est laisser à l’enfant le choix de se faire circoncire, lorsqu’il sera plus grand. Bof, peut-être n’ai-je rien compris à la révolte d’Auslander qui peine vraiment à couper le cordon avec les traditions juives.

Bref, là où j’attendais du vitriol, je n’ai eu que du vinaigre : Shalom Auslander est loin d’atteindre un Philip Roth dans l’expression de sa relation violente et traumatisante avec la religion juive. Pourtant, on sent bien que ce dernier est sa source d’inspiration.

Cependant, j’ai été assez effarée et impressionnée par l’évocation du carcan des traditions religieuses juives, particulièrement étouffantes au moment du Shabbat. La vie est totalement suspendue, ce jour-là : interdiction même d’allumer la lumière, il ne faut pas travailler ni faire travailler personne ! Ouf, je suis bien contente de ne pas être domiciliée rue des Rosiers !

La lamentation du prépuce est donc un roman qui vaut sans doute le coup d’œil, mais qui fait pâle figure face, par exemple, au complexe de Portnoy de Philip Roth qui va plus loin dans sa réflexion sur le traumatisme infligé par des lois de soumission religieuse austères et contre-nature, mais aussi sur l’intégrisme juif et son intolérance. Auslander reste, en effet, focalisé sur sa petite intimité avec Dieu, nombrilisme qui finit par devenir saoulant. J’ai donc fini par faire la sourde oreille face aux lamentations du zizi mutilé pas beau – et peut-être frigide - d’Auslander. Ceci dit, j’ai entendu dire que les monologues du vagin, c’était aussi un truc dans le style masturbation nombriliste féministe, chiant au possible. Méfions-nous donc des livres qui veulent laisser la parole aux intimes génitoires : elles n’ont bien souvent rien de bien intéressant à dire, les pauvres !



13/04/2013
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