LECTURES VAGABONDES

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Sandrine Collette : Des nœuds d’acier / Des nœuds au ventre.

   

    Aujourd’hui, nous allons élargir nos références en matière de roman noir avec, une fois n’est pas coutume, une écrivaine (elles sont minoritaires dans ce genre) déjà très connue. Elle s’appelle Sandrine Collette ; un de ses premiers romans s’intitule Des nœuds d’acier, paru aux éditions Denoël dans la collection Sueurs froides en 2013. Il a obtenu le grand prix de la littérature policière en 2013 et le trophée du meilleur roman francophone en 2014.

 

          Théophile Béranger vient juste de sortir de prison. Ayant appris que son frère, Max, a eu une liaison avec Lil, sa femme, il l’a si violemment frappé à la tête que ce dernier en est resté paralysé ; tel un légume, il végète dans un institut adapté. Théo décide alors de s’installer dans une pension tenue par madame Mignon. Amateur de randonnée, il tombe, un jour, lors d’une excursion, sur une maison en pleine forêt et demande son chemin aux propriétaires : deux frères assez âgés - Basile et Joshua Pacault. Assommé, il se retrouve prisonnier d’une cave : Basile et Joshua ont décidé de faire de Théo leur esclave. Ce dernier n’est pas la seule victime des deux frères : Luc croupit dans la cave depuis de longues années. Alors commence une vie terrible pour Théo. Mal logé – dans la cave humide et froide – mal nourri, il effectue quotidiennement des travaux exténuants. Il découvre également que madame Mignon n’est autre que la sœur de Basile et de Joshua. Parfois, lorsqu’elle vient rendre visite à ses frères, Théo doit l’honorer… ce qui le dégoûte particulièrement. Un jour, il parvient à s’enfuir, mais au bout de deux jours à errer dans la forêt, il est repris par un certain Luc, qui le ramène chez ses geôliers : l’homme est en effet, un ami de Basile et de Joshua. Théo est dans un bien piètre état : blessé au bras, la gangrène s’installe. Les deux frères soignent la plaie en l’ébouillantant. Contraint de ramener son compagnon à la cave, Luc se blesse à la jambe. Considéré comme foutu par les geôliers, il est abattu et enterré dans la cave, aux côtés du squelette d’un précédent esclave précédemment exécuté. Cependant, Basile et Joshua boivent de plus en plus et se disputent violemment. Un jour, Joshua exécute son frère et, dans la bagarre, est mortellement blessé. Théo assiste, impuissant, à son agonie à deux pas de lui, dans la cave : un chien a surgi et l’a achevé en lui déchirant la gorge. Théo sera retrouvé par la police et, profondément traumatisé, il tente de remonter la pente, aidé en cela par son épouse, Lil.

 

          Avec Des nœuds d’acier, Sandrine Collette nous offre un bon petit roman horrifique, bien concocté, avec tous les ingrédients attendus. Son inspiration ? Il fait, de temps à autre, songer à la famille de dégénérés qu’on trouve dans Massacre à la tronçonneuse. En gros, on a des victimes retenues prisonnières dans une cave sordide, froide et humide. Leur vie est entre les mains de bons gros psychopathes bien crades qui boivent, éructent, et parfois, se déchainent violemment. Pour couronner le tout, tous deux ont des tares mentales : l’un semble plus doux que l’autre, mais c’est quand même Joshua – le plus doux - qui assassinera Basile – le plus violent.  

           Par ailleurs, le roman propose, en la personne de Théophile Béranger, un héros ambigu. En effet, notre héros est loin d’être un enfant de chœur : il a tabassé son frère jusqu’à lui rompre l’échine, paralysé pour toujours ; pourtant, il n’en éprouve aucun remord. Bien plus, lorsqu’il sort de prison, il lui rend visite et se réjouit de son état : Max est désormais et pour toujours, un légume qui terminera sa vie dans un EPHAD.

          Cependant, antipathique et cynique, notre héros ne le restera pas longtemps aux yeux du lecteur puisqu’un renversement s’opère brutalement. Théophile va retomber dans la captivité… mais cette fois, en tant que victime innocente. Comment ne pas concevoir peu à peu, de l’empathie pour cet homme si injustement ravi à la liberté au moment même où il venait de la retrouver ?

          Peu à peu, le lien entre Théophile et les deux frères tortionnaires se dessine : si Théophile et Max ont convoité la même femme au point de se battre et de se blesser, Basile et Joshua, eux aussi, se disputent, se battent et l’un finit par tuer l’autre. Certes, les premiers sont des êtres normaux mus par la jalousie, les seconds sont des rustres, abrutis… à la limite d’avoir des relations incestueuses avec leur sœur, madame Mignon (qui se fait baiser par Théo sous les yeux de ses frères). Mais le résultat n’est-il pas comparable ?

          En fait, tout fonctionne comme si les personnages étaient prisonniers de liens étroitement noués ; ce sont des nœuds d’acier qui rivent les deux couples de frères l’un à l’autre. Seule la mort – réelle (celle de Basile) ou cérébrale (celle de Max) - peut défaire ces nœuds.

          Certainement, Sandrine Collette aurait davantage pu creuser l’aspect toxique des relations entre les frères… Le titre le laissait d’ailleurs présager. Cependant, l’auteure s’est davantage penchée sur le quotidien pénible des personnages esclaves malgré eux : Luc et Théo. Résultat, un roman qui laisse un tantinet sur sa faim ; on se dit que le sujet est superficiellement traité ; on se dit qu’il n’y a pas grand-chose à dire sur ce roman. Même si on ne s’ennuie pas une seconde lorsqu’on l’a entre les mains tant on aime toutes ces histoires de tarés dégénérés qui pètent les plombs.      

         Reste à dire que Sandrine Collette s’est inspirée d’une histoire vraie lorsqu’elle écrit Des nœuds d’acier. De quoi se retrouver avec l’estomac bien noué !  



30/04/2023
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