Robert Harris : Cicéron (tome 1) - Imperium
Comme toute bonne latiniste qui se respecte, j’aime bien, de temps à autre, me plonger, via la veine romanesque, dans la Rome antique. Je connais déjà Robert Harris pour avoir lu son pompant Pompéi, et décide de tenter à nouveau le coup en m’attaquant au premier tome que cet écrivain a consacré au célèbre orateur romain, Cicéron. Imperium parait donc en 2006 aux éditions Plon.
Ce tome premier de l’œuvre que Robert Harris consacre à Cicéron couvre les années 70 av JC - 64 av JC, ce qui correspond à l’ascension du célèbre orateur romain qui, n’appartenant pas à la noblesse romaine va pourtant parvenir à devenir consul. Ainsi, la vie de ce grand homme politique est racontée à son fidèle esclave et secrétaire particulier, Tiron, qui a pris en note toutes les affaires de son maître et qui, au crépuscule de sa vie, décide de rédiger d’après ses notes, une biographie de celui-ci. Cicéron nait à Arpinum, en Italie et après des études de rhétorique qui le mènent en Grèce, auprès du rhéteur Molon, il envisage de devenir sénateur romain et de gravir les différents degrés du cursus honorum pour parvenir à la fonction suprême de consul, alors qu’il n’appartient pas à la noblesse. C’est pourquoi il épouse Terentia, de la famille des Terentii, une famille aristocratique romaine. Avec elle, il aura deux enfants : une fille – Tullia – et un fils – Marcus. Il commence sa carrière politique par des fonctions de questeur, fonctions qu'il exerce à Lilybée en Sicile occidentale. A son retour, il devient sénateur. Mais pour se faire un nom et une clientèle, Cicéron est aussi un brillant avocat. Le procès qui va le rendre célèbre, c’est celui qu’il intente contre Verrès, l’ancien propréteur de Sicile qui a pillé de nombreuses œuvres d’art appartenant à des temples ou des autochtones et a commis des exactions un peu partout. C’est Sthenius qui vient trouver l’avocat Cicéron pour lui demander de traduire Verrès en justice. Puisque Verrès s’oppose à la candidature de Cicéron à l’édilité, notre avocat décide d’abattre cet ennemi et se charge d’ouvrir un procès contre lui. L’affaire n’était pourtant pas gagnée d’avance. Verrès fait partie de la noblesse et s’enrichir en exerçant des fonctions dans les provinces romaines est très courant. Par ailleurs, Verrès est défendu par un autre grand avocat et orateur : Hortensius ; en outre, il a l’appui des aristocrates. A force d’enquêtes menées en Sicile-même et en traduisant un grands nombre de témoins, Cicéron finit par gagner et Verrès, de lui-même, s’exile à Marseille. Après avoir assumé la fonction d’édile avec beaucoup de succès – il a fait baisser le prix des céréales - Cicéron brigue la préture. Depuis ses débuts, il soutient Pompée qui ne lui rend pas forcément la politesse. Cependant, un grave problème de piraterie ravage les mers du côté de Rome et d’ailleurs. Cicéron parvient à faire élire Pompée - en soutenant la lex Manilia - comme commandant en chef des opérations d’Orient, contre Mithridate VI. Parce que l’homme à l’origine de cette loi est un tribun de la plèbe – Manilius – Cicéron affiche ainsi son désaccord avec les aristocrates. Désormais, Cicéron souhaite devenir consul. Il a de nombreux adversaires qui ont davantage de chance que lui d’être élus car il font partie des aristocrates romains - notamment Catilina et Hybrida. Par ailleurs, l’ancien consul Crassus, homme immensément riche, achète les voix de certaines familles d’électeurs, et compte bien placer ses hommes à la tête de Rome, afin de conserver pouvoir et richesse. Depuis l’élection de Pompée, Crassus déteste Cicéron. Mais celui-ci parvient à déjouer un complot politique fomenté par ce dernier et Catilina et à en informer les aristocrates juste avant l’élection. Crassus perd donc les voix des Optimates que Cicéron récupère, devenant ainsi consul de Rome avant Hybrida en – 64 av JC.
Imperium, c’est le premier tome que Robert Harris consacre à la vie politique et civile de ce grand orateur romain nommé Cicéron. D’emblée, le lecteur comprend qu’il s’agit-là d’une œuvre difficile, qui présuppose de sa part une certaine connaissance du monde antique et particulièrement de celui de la fin de la République. Par exemple, Robert Harris fait, à un moment, référence à la révolution agraire initiée par les frères Gracques : mais pour bien comprendre cette allusion importante, il faut savoir quelle action fut menée par ces tribuns très populaires. L’auteur présuppose également que son lecteur connaisse assez bien l’organisation politique au moment de la République, et d’autres faits historiques plus ou moins remarquables. Par ailleurs, il jongle avec les noms des sénateurs, des orateurs et d’autres personnages en vue de cette époque. Pour lui, ces personnages, leur histoire, leur positionnement dans le monde romain semble être évident. Il ne l’est pas forcément pour moi.
Par ailleurs, et bien évidemment, Imperium dresse un portrait de Cicéron : c’est un homme ambitieux, brillant, travailleur acharné. Il est habile à manier la rhétorique et gagne de nombreux procès qui font sa réputation. Mais il est aussi capable de se livrer à des magouilles politiques lorsqu’il peut en tirer avantage pour sa carrière.
Cependant, Cicéron l’homme intime est assez peu évoqué ; on apprend qu’il y a des tensions entre lui et sa femme car s’il est un « homo novus » (un homme nouveau) et est attaché au peuple et aux provinciaux tandis que son épouse Terentia est une aristocrate. Il aime sa fille, Tullia. De son fils, Marcus, on sait encore peu de choses car il est né sur le tard et est encore petit quand Cicéron devient consul
En outre, le roman dépeint également la société romaine corrompue à la fin de la République ; une République pourrie où les voix des électeurs s’achètent, où les élus profitent d’une mission dans une des innombrables provinces romaines pour s’enrichir en se livrant à ses exactions impunies, sur lesquelles tous ferment les yeux. Ainsi, en peignant la corruption de ce système républicain romain, Robert Harris propose un miroir grossissant aux maux de nos sociétés modernes, elles aussi corrompues à un point qu’on devine et qu’on entraperçoit parfois, sans vraiment avoir conscience de la profondeur du mal.
Alors certes, Robert Harris est quelqu’un d’érudit et son roman est très précis et complet sur les années de la vie de Cicéron qu’il évoque, mais quand je choisis de lire un roman, je n’ai pas envie de me retrouver avec, entre les mains, un livre d’histoire ni une biographie et encore moins un article de Wikipédia. La part de romanesque est insuffisante ici et l’ensemble souffre d’une sécheresse telle que j’ai parfois eu l’impression de lire le Précis d’Histoire Romaine de Marcel Bordet que je me suis tapé pendant mes études.
Pourtant, je vais poursuivre cette lecture biographique sur Cicéron car le second tome, évoquant la déchéance de ce grand homme de l’ère romaine antique, tome intitulé Conspirata est d’ores et déjà dans ma bibliothèque.
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