Philippe Claudel : Inhumaines/Petit coup de croc à la société.
A très court roman très court article ? Il est vrai que Philippe Claudel nous avait habitué à pondre des œuvres un peu plus conséquentes et denses au niveau du contenu. Inhumaines ne comporte en effet que 130 pages et se divise en petits chapitres, le tout imprimé en gros caractères. Ce roman, Inhumaines, (qui s’apparenterait davantage à une nouvelle) de Philippe Claudel a paru en 2017 aux éditions Stock.
Sur la quatrième de couverture, on peut lire ce qui constitue la trame générale du livre :
« Nous sommes devenus des monstres. On pourrait s’en affliger. Mieux vaut en rire ».
En effet, le roman présente de courts chapitres ; chacun raconte une tranche de vie d’un personnage qui reste anonyme. L’homme est marié, il a des enfants et semble assez à l’aise, financièrement parlant. Il pourrait
être presque n’importe qui ; il pourrait être toi, lecteur confortablement assis dans ton fauteuil à lire du Philippe Claudel.
Avec l’enquête, Philippe Claudel nous avait déjà plongés dans un univers étrange et déshumanisé. Inhumaines joue la carte de la provocation et de l’humour noir pour mieux nous faire réagir à la disparition du sens de l’humanité dans nos sociétés modernes. Ici, on assassine des hommes qu’on a préalablement achetés comme cadeau à une épouse qui s’ennuie ; on assassine sa vieille mère qui ne sert plus à rien ; on joue à causer des accidents de la route pour avoir droit à un spectacle amusant. Certes, Philippe Claudel joue la carte du trash, mais honnêtement, qu’éprouve-t-on encore lorsqu’on voit la misère dans la rue ou dans nos récepteurs de télévision ? Pas grand-chose, il faut bien l’avouer.
Inutile de dire que l’amour, l’amitié, l’empathie, la compassion ou encore la pitié sont absents du cœur des personnages du roman. Dans Inhumaines, les liens entre les êtres sont réduits à leur plus simple expression. Que l’épouse du personnage principal meure, peu importe ! Il suffit de la changer. Et lorsqu’un collègue est sur le point de mourir, on lui apporte paresseusement un ficus qu’on récupère ensuite pour l’enterrement. Economies obligent !
Autre activité à laquelle on se livre souvent : le sexe (puisque d’amour il n’est pas question). L’épouse du personnage principal aime se faire sauter par le plombier ou l’électricien. D’ailleurs, au sein du couple, l’un et l’autre s’ennuient tellement que la pratique de l’échangisme ou de la partouze est nécessaire et habituelle.
On soulignera également le style particulier que Philippe Claudel a adopté pour écrire Inhumaines. Les phrases sont courtes et lapidaires. Le dialogue entre les personnages est fondu dans le récit sans ponctuation définie, ce qui accentue le sentiment d’absence de sentiment et d’expressivité. Dans Inhumaines, on ne s’exclame pas, on ne s’interroge pas, on ne détermine pas qui parle. Seuls des points et des virgules ponctuent le récit et les discours pour dire la déshumanisation qui gangrène la société moderne.
Inhumaines est donc un roman qui se lit sans peine et sans douleur puisqu’il joue avec un certain nombre de ficelles propres à accrocher le lecteur : du trash et de l’impudeur servis par une écriture blanche qui peut faire penser au style utilisé par Albert Camus dans le début de l’étranger. Malgré tout, je déplore le fait que Philippe Claudel se soit laissé tenter ici par la facilité à tous les niveaux. Notre écrivain travaille désormais davantage dans le domaine cinématographique… Dommage pour ses lecteurs !
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