Paula Hawkins : La fille du train/Train à prendre… ou pas.
Une fois n’est pas coutume, je me suis laissée convaincre par l’avis d’un de ces dandys-bobos télévisuels qui se piquent de littérature sans jamais avoir lu un seul des livres qu’ils critiquent. Assurément, selon lui, La fille du train, roman écrit par Paula Hawkins et paru aux éditions Sonatine en 2015, sera le thriller de l’été ! Alors, qu’en est-il ?
Rachel prend le train tous les jours pour des raisons peu avouables : sa propension alcoolique lui a coûté son emploi et pour faire croire qu’elle travaille toujours aux yeux de son amie et colocataire, Cathy, elle garde un emploi du temps constant. Cependant, Rachel vit sa vie par procuration : lorsque le train s’arrête, à un feu, elle regarde une maison où vit le couple parfait et inventé de Jason et Jess. Sauf qu’un jour, Rachel voit Jess embrasser un autre homme que son mari sur le balcon… et puis, quelques jours plus tard, Jess disparaît mystérieusement et la police se lance à sa recherche. Rachel propose immédiatement son aide et son témoignage, mais la jeune femme est peu fiable : alcoolique, elle encourt aussi les plaintes d’Anna, la femme de Tom, son ex-mari. En effet, Rachel ne supporte pas sa séparation d’avec Tom et harcèle le couple de coups de téléphone et de visites inopportunes. Cependant, Rachel en apprend un peu plus sur le couple imaginaire Jess-Jason ; Jess s’appelle en réalité Megan, et Jason se prénomme Scott. Le couple connaît des difficultés : en effet, Megan trompe Scott avec son psychologue : Kamal Abdic. Et puis, son passé est aussi très trouble : sa petite fille est morte dans des conditions douteuses et sa mère est responsable de cette disparition. L’enquête amène Rachel à se rapprocher de Scott qui ne peut se résoudre à la disparition de sa femme. Une relation de confidence qui ira un peu plus loin se noue entre les deux protagonistes. Et puis, un jour, le cadavre de Megan est retrouvé. On suspecte Kamal Abdic, le psychologue, puis Scott, le mari trompé. Peu à peu, Rachel découvre que Scott est capable de violence et le suspecte. Mais finalement, l’existence d’une liaison ancienne entre Megan et Tom est mise à jour. De cette liaison, Megan attendait un enfant ; la jeune femme était un danger pour le ménage heureux que Tom forme avec Anna et leur fille, Evie. La mort de Megan est un accident, mais désormais, alors que Rachel et Anna sont au courant de ce qui s‘est passé le Samedi 13 Juillet 2013, elles n’ont pas le choix et les deux ennemies d’hier s’allient pour éliminer le coupable.
Alors, La fille du train est-il le thriller de l’été 2015 ? Rien n’est moins sûr. D’abord, l’intrigue tient dans un mouchoir de poche et n’est guère originale : une femme disparaît près d’une voie ferrée, puis son cadavre est retrouvé. Qui est le meurtrier ? Paula Hawkins s’efforce de faire de presque tous les personnages des suspects potentiels : le mari, Scott, est violent à ses heures, il est cocu, ce qui lui donne un mobile. Rachel est alcoolique et lorsqu’elle est sous l’emprise de l’alcool, elle peut être incontrôlable. D’ailleurs, elle ne se souvient plus de ce qu’elle a fait, ce samedi soir, sauf qu’elle rodait à l’endroit où a eu lieu la disparition. Et bien sûr, il y a Tom, le très bon père de famille et mari modèle qui, lorsque sa femme était enceinte et un peu après l’accouchement, a eu une liaison avec Megan. Kamal Abdic, le psychologue, voulait rompre avec Megan qui ne l’entendait pas de cette oreille ! Comme on le voit, plusieurs solutions sont possibles. La construction du récit ménage savamment ces différents fils, les noue, les dénoue, les renoue. En effet, le roman alterne trois voix différentes : celle de Megan, celle de Rachel, celle d’Anna, à des périodes sensiblement différentes. Le récit de Megan est forcément un peu antérieur à celui des deux autres et c’est au fil de celui-ci qu’on découvre à quel point la jeune femme a eu une existence chaotique et puis, à la fin, son récit dévoile le nom du coupable, puisqu’elle raconte elle-même ses derniers instants.
Par ailleurs, les héroïnes de ce roman sont on ne peut plus stéréotypées ; de ce genre de stéréotype qu’on trouve dans les romans policiers à la mode : des personnages de loosers. D’abord, Rachel, alcoolique, au chômage, n’arrive pas à se défaire d’un échec amoureux : Tom l’a trompée, puis quittée et sa rivale, Anna, a su mettre au monde un enfant ! Chose que Rachel n’a su faire, et raison pour laquelle la jeune femme a sombré dans la déchéance. Ensuite, Megan : la jeune femme, sous des aspects positifs, au départ, a connu un passé tumultueux : outre le fait qu’elle ne se satisfait pas de son seul mari et qu’elle le trompe à qui-mieux-mieux, la jeune femme fut, auparavant droguée, et c’est sous l’emprise de la drogue qu’elle a tué, sans le vouloir, sa petite fille. Bref, on le comprendra, les héroïnes principales de ce thriller sont assez désaxées, et plutôt dans le genre « trash très comme il faut » si on considère le genre policier actuel.
Ainsi, je ne pense pas que La fille du train soit le thriller de l’année, ni même celui de l’été 2015 : on peut trouver mieux sur une saison. Cependant, on se laisse prendre par sa construction tournée vers le suspense, et par une écriture suffisamment nerveuse pour faire oublier la lenteur et l’aspect répétitif de la progression de l’ensemble. Mais, lorsqu’on referme ce livre, on se dit quand même qu’il n’y a pas grand-chose à retenir de ce livre qu’on a l’impression d’avoir déjà lu. Désolée, Monsieur le critique Canal +, si vous avez vraiment trouvé ce roman génial, alors, c’est que vous ne lisez pas beaucoup !
A découvrir aussi
- Brigitte Giraud : Nico /Un Nico qui n’est pas toujours là !
- Louis Ferdinand Céline : voyage au bout de la nuit/Un voyage très, très (trop !) long !
- Thomas Harris : Hannibal Lecter, les origines du mal/La mauvaise origine d’Hannibal Lecter
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 38 autres membres