LECTURES VAGABONDES

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Olivier Bleys : Mon nom était écrit sur l’eau / Bien écrit

           

           Mon nom était écrit sur l’eau. Voici un titre mystérieux pour un roman quelque peu atypique quant à son sujet : le monde des croque-morts. Ce roman est écrit par Olivier Bleys et a paru aux éditions Denoël en 2020.

            Le jour où l’homme a posé son pied sur la lune, Robbe Spautz s’est fait électrifier en tentant de fixer l’antenne de la télévision que sa femme, Vala, et sa fille, Janelle, sont en train de regarder. De cet accident, l’homme gardera des séquelles. C’est dans ces circonstances que notre héros va voir le jour ; il s’appelle Gabriel Spautz. Certes, il n’est pas né dans n’importe quelle famille : de père en fils, la famille Spautz s’occupe des morts dans la commune d’Eisenkirch située dans le grand-duché du Luxembourg. Certes, Gabriel devrait prendre la succession de son père mais il n’a aucun goût pour les défunts et le métier de thanatopracteur le dégoûte. Cependant, sa sœur, Janelle l’initie. Quelques événements mémorables jalonnent la vie tranquille d’Eisenkirch. D’abord, il y a cet homme étrange qui s’en prend au père Spautz : il s’appelle Amédée Gillain et est coiffeur. Il semble en savoir long sur le passé de Robbe. Ensuite, il y a cet employé administratif qui vient demander des comptes sur l’entreprise de pompes funèbres familiales et ses origines ; or, Robbe ne parvient pas à retrouver les papiers demandés. De son côté, Janelle quitte la famille pour vivre avec un éditeur nomme Odon Leiber tandis que Gabriel entreprend des études au centre de formation funéraire. Mais très vite, il est davantage intéressé par les prostituées que par les défunts. Un jour, tout bascule. C’est lors de l’enterrement d’un archevêque que le coiffeur Amédée Gillain révèle la vérité sur l’origine de l’entreprise de pompes funèbres tenue par Robbe Spautz dont la véritable identité est Robbe Coppens. C’est en prison, durant la seconde guerre mondiale, qu’il a rencontré l’homme qui, à sa sortie, s’est emparé d’une maison dont les habitants avaient été assassinés par les allemands, les a enterrés, à usurpé leur identité et a eu l’idée de fonder une entreprise de pompes funèbres. Avant de mourir, Robbe confirme ce qu’a raconté Amédée. Alors, la famille Spautz cesse ses activités funéraires et les enfants Gabriel et Janelle peuvent enfin vouer leur existence à la vie et non plus à la mort.   

            Avec Mon nom était écrit sur l’eau, Olivier Bleys signe un roman plein d’humour noir, un roman somme toute réjouissant. En effet, on plonge au cœur d’un milieu tabou et qu’on préfère occulter dans la vie quotidienne : celui de la mort et de sa marchandisation. Olivier Bleys met une certaine complaisance à montrer l’horreur de ce métier rebutant – le métier de croque-mort - qui consiste, entre autres, à embaumer les corps des défunts. Il utilise, pour présenter cette activité taboue, force détails techniques sur l’évacuation des humeurs, les différentes actions qui consistent à rendre un mort présentable pendant quelques jours avant son enterrement. Cette activité concerne le quotidien des croque-morts qui ne voient par conséquent plus ce que la mort a de tragique. Pour eux, la mort est une chose banale et banalisée.

            Par ailleurs, le roman présente aussi une chronique familiale croustillante avec des personnages hauts en couleur ; par exemple, Gabriel est un tantinet obsédé sexuel. Il aime déshabiller les cadavres des jeunes filles. Quant à sa sœur, elle s’accoquine avec des hommes étranges. Parmi eux, Odon Leiber, un éditeur un tantinet nihiliste qui ne croit pas en l’avenir des livres. On pourra rencontrer aussi, dès le début du roman, le père de Gabriel, Robbe, qui est foudroyé alors qu’il réparait l’antenne de sa télévision sur le toit, le jour où l’homme a marché sur la lune. Par la suite, il restera atteint par des séquelles liées à son accident. Il continuera de surveiller de loin l’entreprise familiale.

            Cependant, Mon nom était écrit sur l’eau comporte aussi des défauts. Il s’agit d’un roman à suspense un peu raté. En effet, un personnage mystérieux, Amédée Gillain, fait son apparition à la moitié du récit et on comprend alors qu’il y a une zone d’ombre dans l’histoire familiale des Spautz, et particulièrement liée au passé du père, Robbe. Cependant, cette veine du roman n’est pas exploitée et ce n’est qu’à la fin du roman qu’elle est de nouveau considérée, au moment du dénouement.

            Enfin, ce roman est aussi et avant tout une ode à la vie portée notamment par le personnage de Gabriel qui ne se sent pas à l’aise dans son rôle de croque-mort et qui envisage de faire ce métier par fidélité aux traditions familiales. Et puis, l’œuvre enchaîne des épisodes truculents qui commencent avec l’accident de Robbe sur le toit et se terminent par le décès de l’archevêque en pleine messe de Noël. Pendant tout le roman, la vie et la mort se combinent et c’est ainsi que l’existence va, dans ces plates contrées luxembourgeoises.

            Reste le titre, mystérieux. Il est évoqué à l’occasion d’un enterrement et concerne une inscription déposée sur la pierre tombale. Jolie façon de dire que tout passe, tout s’écoule, la vie comme la mort, telle l’eau d’une rivière. 



02/01/2024
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