LECTURES VAGABONDES

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Norman Spinrad : Oussama / Un petit tour du côté des terroristes islamistes

      

             Voici un bon roman qui m’a néanmoins donné bien du fil à retordre à la lecture tant il m’a paru ennuyeux. En effet, il faut aimer les armes, la guerre et la religion pour adhérer à Oussama, roman écrit par Norma Spinrad et paru en 2010 aux éditions Fayard.

 

          Oussama peut se classer dans le genre du roman d’anticipation puisque nous nous trouvons dans un monde bipartite où deux grandes puissances s’opposent : les USA - patrie de l’argent, du business, du matérialisme – considérés par le Califat – alliance de pays arabes et musulmans dirigés par le Calife – comme le Grand Satan. Oussama grandit dans le Califat et devient agent secret. Il est envoyé en France pour observer comment les musulmans sont intégrés dans la nation et à terme trouver le moyen de faire entrer la France dans le grand Califat. Sur place, il rencontre Ali qui l’introduit dans le monde occidental. Oussama connaitra sa première cuite, sa première femme – Michelle – et touchera à la drogue. Il rencontre également un certain Kacim-Pierre qui traine en banlieue avec une bande de beurs et qui commet divers larcins. Au contact d’Oussama, les actes de ces jeunes banlieusards vont prendre une dimension religieuse. Il s’agit de faire peur aux français de souche afin de peser dans les décisions politiques du pays. C’est ainsi qu’Oussama reçoit des bombes à graffitis que la petite bande d’apprentis terroristes fait exploser aux quatre coins de Paris : les murs de la ville sont tagués à l’effigie d’un djihadiste portant un Passe-Montagne vert. Au passage, Oussama devient Oussama le feu, chef d’une bande de terroristes islamisés. Mais Kacim-Pierre veut passer à la vitesse supérieure et bientôt, ce sont de véritables bombes qui explosent aux quatre coins de la capitale ensanglantée. Il est temps pour Oussama de prendre la poudre d’escampette car désormais, le Califat, qui a livré les bombes à Oussama, a des raisons de vouloir la mort de ce dernier. Notre héros décide de se rendre à la Mecque faire son pèlerinage. Nous sommes au moment du hadj. Là, il rencontre un musulman engagé : Hamza. Celui-ci convainc Oussama de venir avec lui mener le djihad au Nigéria : ce pays, musulman, est en guerre avec le Biafra, chrétien et soutenu par le Grand Satan, les USA. Sur place, Oussama prend le commandement sur le terrain des troupes djihadistes associées à l’armée nigériane. Et c’est le bain de sang : les américains n’envoient pas d’hommes faire la guerre, mais des drones et des robots extrêmement efficaces et meurtriers. Alors Oussama décide de s’attaquer à la vraie raison pour laquelle les américains font la guerre au Nigéria : le pétrole. Il brave le système de surveillance et de protection très sophistiqués que les USA ont installé aux alentours des pipelines et des raffineries et réussit à saboter une zone de pompage. Aussitôt, les USA se retirent de la guerre, laissant le Biafra aux mains des nigérians. Oussama devient un héros. Mais très vite, les USA se retournent contre le Califat, le privant de ses exportations de nourriture, et agissant pour que l’union de pays musulmans se morcellent. Et c’est le Koweit qui, le premier, quitte le Califat pour se mettre sous le joug protecteur des USA. Aussitôt, les millions de musulmans venus de Dar Al Islam – de tous pays musulmans – se lancent dans une grande marche, dont on ne sait si elle sera pacifique ou non ; direction le Califat. Arrivés aux frontières du Califat, le face à face sera de très courte durée puisque les USA lancent une bombe atomique dans le désert, bombe qui a pour effet immédiat de disperser tous les djihadistes. Oussama retourne alors à la Mecque accompagné d’un Soufi ; là, sa foi est mise à rude épreuve car le Califat est en plein chaos : de nombreux Etats ont fait sécession, un coup d’état sévèrement réprimé a lieu et, alors que le hadj se déroule sous l’œil protecteur, mais néanmoins inquisiteur, des USA, des terroristes islamiques – dont Oussama fait partie – sont arrêtés avec une bombe atomique dans leur valise. Les USA, pour rétablir la paix dans le Califat, minent la Mecque qu’ils menacent de faire exploser à la moindre agression des terroristes contre eux. Alors, Oussama, pour libérer la Mecque et parce qu’il est convaincu que l’essence de l’Islam n’est pas dans un tas de pierres mais dans le cœur des musulmans, décide de se faire sauter dans la mosquée Al-Haram. 

 

         Si je reconnais bien volontiers les qualités d’Oussama, je dois quand même souligner son côté aride : on plonge en plein dans la violence, la guerre, le terrorisme et les stratégies islamistes liées à cette religion, l’argent ou encore l’influence que peut avoir un pays sur d’autres. Sinon, la principale qualité de ce roman est d’être assez subversif.

        Oussama est construit selon une progression en escalade - notamment dans la violence – puisqu’on part d’un simple agent secret du califat qui d’espion devient djihadiste et terroriste tandis que son destin le mène sur des chemins et des enjeux de plus en plus vastes. En effet, notre héros commence par user de la bombe à graffitis - qui peut paraitre être une plaisanterie et plonger le lecteur dans une farce un tantinet grinçante – pour terminer par se retrouver devant le bouton qui permet d’actionner la bombe atomique.

         Du côté opposé, nous trouvons un pays que défie le petit Oussama : les USA, autrement qualifié par le Califat de Grand Satan. Oussama commence par affronter les Etats-Unis alors qu’ils sont perdus dans une guerre en Afrique. A la fin du roman, il s’oppose à une puissance qui est devenue le gendarme du monde lorsqu’elle décide de donner un coup de pied dans cette fourmilière qu’est le Califat. C’est alors l’affrontement du pot de fer contre le pot de terre et c’est Oussama tout seul qui va défier le Grand Satan. L’affaire fait froid dans le dos puisqu’elle met en avant le mal que peut faire un seul individu devenu fou d’Allah.

          Avec Oussama, sorte de roman d’anticipation, Norman Spinrad montre ce qui pourrait advenir si on continue à laisser galoper la mondialisation. Tandis que les USA perdent leur visage humain, qu’ils ne vivent plus que sur des valeurs matérialistes pétries de progrès technologiques, progrès qui les ont propulsés au rang de gendarmes du monde, le Califat, de son côté, représente la spiritualité. Ainsi, on assiste au heurt de deux mondes : d’un côté, nous avons un monde sans visage, fait de technologies et de l’autre, nous avons un monde ancré sur le passé, l’obscurantisme, la soumission à Allah. Cet affrontement résonne fortement de nos jours où retentissent aux quatre coins du monde des attentats fomentés par des terroristes islamistes. Et on peut aussi se souvenir de tout ce qui a précédé et qui a pu inspirer Oussama : le chef d’Al Quaida, Oussama Ben Laden, mais aussi la guerre au Koweit, « guerre propre », guerre au cours de laquelle des Etats-Unis ont montré leur puissance technologique au niveau des armes qu’ils ont utilisées pour remporter rapidement la victoire.

        Oussama permet aussi de mettre le doigt sur le cynisme des affrontements qui existent entre le monde arabe et le monde occidental. Des deux côtés, le pétrole est le nerf de la guerre, qu’il s’agisse de le vendre ou de l’acheter.

          Mais sans doute le plus intéressant du roman, c’est l’ironie qui affleure dans chaque expédition d’Oussama. On se rend vite compte que les musulmans ne s’entendent pas sur des aspects fondamentaux de leur religion ; dans les campements où s’amassent les pèlerins, on s’engueule et ce, même au moment du Hadj ! Quant à notre héros, Oussama, il passe son temps à avoir des crises de foi et d’illumination pour finalement se prendre pour le Mahdi. Il fait la guerre au nom de la volonté d’Allah et pour que le monde entier suive sa volonté, mais quelles sont les volontés d’Allah, au juste ? Là-dessus, Oussama donne sa langue au chat. Enfin, Norman Spinrad montre aussi combien la guerre est une manipulation : prenons l’exemple d’Hamza qui enrôle Oussama dans la guerre du Nigéria ; il est en réalité un arriviste qui espère gagner des galons en faisant briller son armée de djihadistes. Mais si les djihadistes font la guerre pour imposer au monde de vivre selon la volonté d’Allah, les nigérians, eux, font la guerre pour conserver leurs frontières. Quant aux USA, ils guerroient pour le pétrole. Bref, cette guerre, on la fait pour tout un tas de raisons différentes. Les alliances entre pays sont basées sur le seul opportunisme.

          Sans doute manque-t-il un petit quelque chose à ce roman. Un peu d’âme, je dirais. En effet, on n’a aucune empathie avec Oussama qui n’est pas un mauvais gars, dans le fond. Il est juste quelqu’un qui cherche la voie de la Vérité et qui se trouve confronté à des vérités différentes qui se défendent toutes et s’affrontent. La sienne n’est donc qu’une vérité parmi d’autres. Alors, on finit par être agacé par ce garçon qui se prend pour un Mahdi, puis qui attend la révélation d’Allah tout en voyant des lumières blanches à différents endroits, et qui finalement prend des décisions de plus en plus radicales. Mais c’est le propre de ce roman subversif qui, en se plaçant du côté du terroriste, parvient quand même à s’en détacher pour montrer au lecteur son côté grotesque, mais aussi dangereux et fou. Une folie qui grandit en lui et dans le monde qui l’entoure. Dans ce monde, rien n’est enviable ni à envier. Aussi, rien ni personne ne suscite d’empathie. Seulement de l’horreur et de la répulsion. Heureusement ! 



02/01/2022
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