LECTURES VAGABONDES

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Molière : Le misanthrope ou l’atrabilaire amoureux.


A un moment où j’ai bien besoin de me divertir, quelle idée me suis-je mis en tête de relire cette comédie de Molière qui est tout sauf comique ? Le misanthrope est sans doute la moins drôle des pièces de Molière, mais peut-être aussi celle qui reflète le plus la complexité de l’âme humaine.

Alceste est un misanthrope fini. Ce qu’il hait le plus ? Les grimaces où la société nous oblige. Il met un point d’honneur à être franc et sincère en toute circonstance. Or, notre atrabilaire est épris d’une coquette : Célimène. Cette dernière est courtisée par tout un tas de petits marquis qui assomment Alceste : ce dernier souhaiterait tellement avoir pour lui tout seul le cœur de la belle !

Bien plus qu’une pièce de théâtre où l’intrigue divertit, le misanthrope s’avère être une galerie de portraits dans lesquels nous nous retrouvons tous. Il y a les personnages que je trouve détestables et ils sont nombreux : en premier lieu, Alceste : certes, il a raison de fustiger ainsi l’hypocrisie sociale obligatoire pour entretenir de bonnes relations avec les gens… Ce commerce est parfois insupportable à exécuter et il y a bien des jours où je me terre en moi-même et ne dis que bonjour aux gens qui m’entourent… Je m’épargne ainsi les discussions conventionnelles sur des sujets qui ne m’intéressent pas. Oui, il est des jours où je suis Alceste, seul sur son île déserte. Je laisse aller le monde autour de moi sans m’en préoccuper, sans m’y intégrer. Mais qui n’a pas besoin de ce retranchement, à certains moments ? Ce n’est sans doute pas ça qui me paraît insupportable chez ce personnage. Sans doute sa faiblesse vis-à-vis de Célimène l’est-elle davantage. En effet, face à la coquette, il se comporte tantôt comme une vraie carpette, tantôt comme un vrai tyran. Ne lui somme-t-il pas, à la fin, de renoncer au monde pour lui ? Finalement, on est face à un personnage qui bien plus que misanthrope et surtout égocentrique et incapable d’aimer vraiment une femme. Car avant toute chose, c’est lui-même qu’il aime… Aimer, est-ce faire du chantage à l’autre ? Est-ce vouloir qu’il se plie à nos caprices ? Est-ce vouloir son malheur ? C’est bien pourtant ainsi qu’Alceste se comporte avec Célimène. Le comble de la laideur, c’est lorsque pour se venger de Célimène, il propose son cœur à Eliante, sincèrement éprise de lui… On atteint là des sommets dans le mépris des gens et de leurs sentiments.

Autre personnage détestable : Célimène,  toujours pimpante et prête à séduire le monde entier. Célimène est une droguée de la séduction et des compliments. Cependant, elle ne cesse de médire de tout le monde… C’est ce qui la rend détestable. Vouloir séduire et être aimé, c’est compréhensible et on aime tous recevoir des compliments : par là, on est tout un peu des Célimène en puissance. Par contre, la médisance est un défaut insupportable. Et me revoilà Alceste sur son île déserte. Je ne médis jamais, sauf quand je hais profondément. Cependant, je laisse les ragots voltiger autour de mes oreilles… Il faut croire que par là, le lien social se crée aussi. Cependant, vous avouerez que c’est une manière assez malsaine de tisser  une connivence avec autrui. Célimène, tout comme Alceste ne sait pas aimer… Elle n’aime qu’elle-même.

Entre les deux, il y a les personnages du juste milieu : Philinte et Eliante. C’est sur eux qu’il faut prendre modèle : ils ont pour le monde une bienveillance exemplaire, mais ne se plient guère aux ridicules qu’il impose, où alors, c’est en toute connaissance de cause. On retrouve ici la philosophie de Molière, l’homme du centre, de la mediocritas dans son acceptation noble car il est vrai qu’il n’est rien de plus dangereux que les extrêmes.

Reste toute la galerie des petits marquis ; Oronte, Acaste, Clitandre : ils font le jeu social et en sont dupes… ce sont les personnages les plus comiques de la pièce et j’invite de nombreuses personnes à lire le misanthrope et à réfléchir aux ridicules des personnages des marquis.

Bref, avec le Misanthrope, il va sans dire que Molière tend un miroir à la société telle qu’elle va, telle qu’elle est toujours allée, telle qu’elle ira toujours. Bien plus qu’une réflexion sur le jeu social, la pièce offre une réflexion sur l’amour : le faux et le véritable. Avec tout ça, on s’étonne qu’il y ait tant de divorces et de séparations ! Il faut dire que l’amour de soi l’emporte quasiment toujours dans l’amour qui est un sentiment qui peut-être n’existe pas. En tout cas, c’est sans doute la chose la plus difficile à éprouver et à vivre… je ne parle même pas de le partager !

Alors voilà, je ne sais pas si Molière avait l’ambition de changer le monde en écrivant le Misanthrope… Il fait sérieusement réfléchir, en tout cas. Votre servante va essayer de ressembler davantage à Philinte, désormais (je dis ça pour ceux qui me lisent, me connaissent et me reprochent parfois mon côté secret et sauvage)… Enfin, à 42 ans, je ne sais pas si on se refait ! Rien que d’y penser, je me sens paresseuse…



26/05/2010
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