Michel Jeury : Les beaux jours du Dr Nicolas/Lecture maussade.
A l’heure où les beaux jours refleurissent, où l’on est avide de petites balades champêtres sous le délicieux soleil printanier, il aurait pu être de bon ton de se plonger dans un livre qui fleure bon le terroir « vieille France » : Les beaux jours du Dr Nicolas, écrit par Michel Jeury et paru en 2010 aux éditions Robert Laffont.
Nous sommes en 1886 ; le docteur Nicolas, après plusieurs années passées en dans les colonies Indochinoises, débarque dans le Limousin profond pour y prendre la succession du docteur Joumard, récemment décédé. Il s’installe chez la veuve de ce dernier. C’est avec un immense bonheur qu’il parcourt les campagnes sur sa jument nommée La Dive. Il y rencontre la population locale (entre paysans et notables) et les maladies courantes de l’époque qu’il soigne avec de savants mélanges de plantes dont il a le secret. Un jour, le chevalier de Tournac est retrouvé mort : il s’agit d’un meurtre. Les soupçons se portent sur Oscar, un homme violent, commis chez la boulangère du coin ; d’ailleurs, depuis l’événement, Oscar est introuvable. Et puis, il y a le valet du chevalier, Eusèbe, qui s’est pendu quelques heures après la mort de son maître. Cependant, un jour, le docteur Nicolas est victime d’une tentative de meurtre. Il a reconnu, cette nuit-là, son ami Antoine Malavaud qui est aussi l’amant de la femme du chevalier, la sulfureuse Manon. Bientôt, les soupçons se portent sur le couple. Mais Antoine décède des suites de cette fameuse nuit du guet-apens pendant laquelle il s’est gravement blessé. L’affaire est donc étouffée. De son côté, le docteur Nicolas hésite entre l’amour avec celle qu’il a épousée, Lise, la fille de la veuve Joumard, et celui de la belle Manon avec laquelle il a une liaison et qui veut partir pour Saigon avec lui. Finalement, c’est La Dive, la belle jument, qui retient notre docteur dans cette belle et douce campagne limousine.
Voici donc un roman qui sort des sentiers battus… mais qui malheureusement s’embourbe lamentablement dans ses chemins de traverse. Les beaux jours du docteur Nicolas se présente, en effet, comme un roman policier sur fond d’observation sociale. Un meurtre, des mystères, une vie rurale confinée et un médecin qui débarque dans le coin comme un véritable observateur extérieur qui peu à peu fait son trou et s’intègre à l’ensemble. Cependant, on peine à s’intéresser aux intrigues tellement poussives de ce roman ! Le meurtre intervient à plus de la moitié du livre, et tourne en rond dans des discussions qui incriminent Oscar et Eusèbe. Ensuite, sans véritable enquête, on découvre que l’assassin est Antoine Malavaud, amant de Manon, la femme de la victime qui passait dans la région pour un véritable Barbe-bleue. Quant aux relations amoureuses du docteur, elles ne sont guère passionnantes : il est l’amant épisodique de Manon, vers la fin de l’œuvre, mais l’histoire reste en retrait. Il est amoureux de Lise, une femme un peu perturbée qui a connu des maltraitances dans son enfance – ce qui explique ses difficultés sur tous les plans – et qui lui raconte ses cauchemars (passages fatigants à lire et sans aucun intérêt).
Alors, où se situe donc l’intérêt de ce roman ? Principalement dans le fait qu’il tisse une véritable ode à la ruralité, à la vie simple et en harmonie avec la nature. En effet, la majeure partie du roman raconte les tournées du docteur Nicolas. En compagnie de la jument Dive avec laquelle notre héros vit en totale complicité, le brave docteur arpente le Limousin et rencontre les gens de différents milieux sociaux : le garde-champêtre, la veuve Malavaud, le juge Veyrac, et tant d’autres. Tous ont des histoires à raconter, un mode de vie, des maladies à soigner. C’est ainsi que Michel Jeury brosse un tableau de la vie rurale dans le Limousin à la fin du XIXème siècle.
De son côté, le docteur Nicolas est adepte d’une manière de soigner à base de plantes, médicamentation découverte dans les colonies. Michel Jeury est sans doute passionné par la médecine par les plantes car sur le sujet, il est très calé et offre quelques recettes de remèdes secrets à base d’herbes. Autre veine par laquelle il exprime son amour pour la nature.
Enfin, mention spéciale pour l’écriture tellement particulière de ce roman : très fleurie, un rien rabelaisienne, truffée d’idiotismes patoisants, on aura été assez sensible à ce style plein de vitalité et de couleurs, véritable ode à la truculence des langues régionales.
Ceci dit, si Les beaux jours du docteur Nicolas s’avère être un roman iconoclaste et truffé de qualités, on se lasse de cette lecture… sans doute un peu trop longue et à l’intrigue molle. Mais on peut se ménager des pauses : les beaux jours sont là, profitons-en !
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