LECTURES VAGABONDES

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Michel Houellebecq : Plateforme/Houellebecq en pleine forme.

          Ne me mettez pas au défi d’expliquer le titre de ce roman de Michel Houellebecq ! Je n’en sais fichtre rien ! Mais je vous invite quand même à goûter la substantifique moëlle de Plateforme, roman écrit par Michel Houellebecq en 2001 et paru aux éditions Flammarion.

 

          Michel vient de perdre son père, assassiné par un looser. La bonne nouvelle, c’est qu’il hérite de tous ses biens, en l’occurrence, d’une maison qui vaut cher. C’est alors que ce simple fonctionnaire du ministère de la culture décide de s’offrir un break et de partir en voyage organisé. Destination : la Thaïlande et l’aventure. Et il s’en donne à cœur-joie, notre bonhomme ! Les prostituées thaïlandaises sont ce qui se fait de mieux en la matière.

Mais ce voyage au cours duquel il goûte aussi les joies du groupe, lui aura permis de rencontrer Valérie, avec laquelle il se lance dans une liaison très physique. Cependant, Valérie travaille pour le groupe Aurore qui propose des voyages organisés. Avec son collègue Jean-Yves – qui est en pleine impasse sentimentale avec sa femme, Audrey - elle travaille dur. C’est alors que Michel a une idée géniale pour que le groupe Aurore gagne le jackpot : reprendre les hôtels-clubs d’un autre temps pour les rendre de nouveau attractifs ; pour cela, il suffit d’en faire des lieux de plaisir et d’ouvrir la voie à un tourisme sexuel qui s’affiche. Les hôtels qui vont s’ouvrir selon ce concept se nommeront les Eldorado-Aphrodite clubs et devront se situer, bien évidemment, dans des pays qui s’y prêtent (pas vraiment, donc, dans les pays arabes). Tandis que sous les fenêtres du groupe Aurore, les banlieues s’enflamment, Jean-Yves, Michel et Valérie se laissent aller à imaginer de fantasmatiques expériences physiques. Et puis, retour en Thaïlande pour tester le concept. Malheureusement, là finit la belle histoire de Michel et de Valérie, mais aussi des Aphrodite clubs car un attentat meurtrier perpétré par un musulman refusant la dépravation sexuelle tue Valérie et fait éclater le scandale du tourisme sexuel dans les pays bien-pensants. Désormais seul, Michel décide d’aller finir sa vie à Pattaya, symbole du tourisme sexuel et de la dépravation. Mais le cœur n’y est plus.

 

          Dans ce roman déjà ancien de Michel Houellebecq, on trouve la noirceur qui fait la marque de fabrique de l’auteur. Le thème de Plateforme, c’est la société de consommation des voyages, vacances, et autres objets de loisir et de pseudo aventure. Le roman propose donc une critique du tourisme de masse, mais plus particulièrement du tourisme aventure tout organisé, qui se conçoit en groupes. Bien évidemment, si lorsqu’on va en Thaïlande et qu’on descend au Mariott avec comme objectif l’aventure, on va faire rire tout le monde. Or, c’est bien ce que propose les agences de voyages, c’est bien ce qu’achètent les consommateurs qui, lorsqu’ils sont devant le catalogue d’offres rêvent plus qu’ils ne se moquent. Ce tourisme-aventure, c’est du toc qu’on vend à prix d’or. Quant au voyage en groupe, Houellebecq éborgne au passage cette pratique : il suffit de lire les noms des personnages qu’il a choisis pour comprendre qu’il s’agit de gros beaufs sans intérêt, et, de plus, guère aventuriers : Josette, Josiane, René, etc… voilà notre palette d’aventuriers aguerris.

          Mais le thème central de Plateforme, c’est la sexualité qui est souvent présentée comme exutoire à la médiocrité de la vie ; Michel Houellebecq exalte le plaisir du corps comme le seul véritablement qui élève et transcende l’homme. Pourtant, à bien y réfléchir, la chose parait assez dérisoire ! Un orgasme ne dure que quelques secondes durant lesquelles toute notre énergie est happée, tout notre corps est vidé et plane dans une céleste béatitude, exquise sensation qui nous ferait presque croire aux merveilles de la désincarnation et du paradis. Mais comme je l’ai dit, la chose ne dure que quelques secondes. Par ailleurs, le roman regorge de scènes de sexe jusqu’à l’écœurement, de termes crus qui montrent le corps – et particulièrement les organes sexuels – dans toute sa laideur : Plateforme regorge de « bites », « couilles » et « chattes » pas toujours très ragoutants. Enfin, sur le sujet du sexe, on se demande vraiment si Michel Houellebecq n’en rajoute pas une couche malicieusement, ou s’il est dans l’exploration de son propre univers fantasmatique. En effet, dans Plateforme, tout le monde veut baiser avec tout le monde, toutes les femmes offrent indifféremment leur corps ; quant aux couples, ils pratiquent assez librement l’échangisme et la partouze. On se demande vraiment où Michel Houellebecq est allé chercher ce monde humain davantage digne de celui des bonobos. Le comble de toute l’affaire, c’est lorsque les héros du roman mettent sur pieds leur affaire de tourisme dont le but serait certes, l’aventure, mais aussi le sexe. Au top du top des destinations « culs », il y a la Thaïlande. Bien évidemment, Houellebecq égratigne ici la bien-pensance de nos sociétés occidentales qui se croient libérées mais sont surtout prudes et moralisatrices. Enfin, face au sexe et au plaisir, se dresse l’intégrisme religieux, violent, sanglant. Et de se poser la question : entre le sexe et le meurtre, voire l’assassinat, lequel est le plus obscène ? Lequel doit-on décrier au nom de la morale ?

          Pour en finir avec le sujet du sexe, la fin du roman égratigne fortement le sea, sex and sun qui semblait être le nirvana des voyageurs, puisqu’elle présente notre héros Michel posé à Pattaya qu’il présente comme un endroit décadent, infesté de gens désabusés qui échouent-là après avoir tout épuisé. C’est en tout cas ainsi que Michel Houellebecq présente la destination finale de son héros – destination qui aurait dû, normalement, lui plaire ! Mais non. On se disait aussi ! Si Houellebecq ne retournait finalement pas sa veste pour casser toutes les vérités, pour aller regarder du côté du revers de la médaille, il y aurait problème ! Notre homme semble même insinuer que l’amour avec une seule personne, c’est encore mieux que le sexe avec plein de personnes !

          Et puis, ce que j’ai apprécié également dans ce roman, ce sont tous les personnages-ersatz de Houllebecq qu’on peut croiser ici et là. Si son héros se prénomme Michel et s’il y a bien un clin d’œil avec lui-même, on rencontre aussi Robert - qui prône le sexe à toutes les sauces, qui théorise sur la chose, donne les meilleurs plans-culs… - ou encore un artiste appelé Bertrand Bredanne qui fait pourrir de la viande dans des petites culottes de femmes, et introduit dans l’exposition des mouches nées sur sa propre merde. Certes, on peut voir-là un sacré coup de poignard à tous les objets et concepts fumeux qu’on croise parfois au musée d’art moderne, mais ce Bertrand Bredanne a une dégaine houellebecquienne. Très drôle !  

          Toutefois, je ne comprends toujours pas pourquoi  ce roman a pour titre Plateforme.

 



01/07/2019
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