LECTURES VAGABONDES

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Jonathan Coe : La vie très privée de Mr Sim/Le roman très particulier de Mr Coe

 

          Quelle ne fut pas ma surprise ! Tomber par hasard, à la bibliothèque sur ce roman de Jonathan Coe – La vie très privée de Mr Sim paru en 2011 aux éditions Gallimard – alors que la veille j’avais eu l’occasion de regarder le film de Michel Leclerc - portant le même titre que celui du roman de Coe -  avec l’inénarrable Jean-Pierre Bacry.

 

          Alors qu’il s’apprête à quitter l’Australie où vit désormais son père, Max Sim entrevoit une chinoise et sa fille qui ont l’air en telle symbiose qu’il désire les rencontrer. Bizarre ? Il faut dire que notre homme est en mal de communication : sa femme et sa fille l’ont quitté et il n’a pas grand-chose à dire à son père. De retour en Angleterre, une seconde mésaventure attend Max ; la première a eu lieu en avion : son voisin de siège meurt d’une crise cardiaque alors que Max lui

racontait sa vie. Mais voici qu’à l’aéroport, Max rencontre une femme qui enregistre les messages des hauts parleurs de l’aéroport pour donner des alibis aux hommes qui commettent l’adultère. Max aurait sans doute voulu entamer une idylle avec la jeune femme, mais Poppy souhaiterait que Max sorte avec sa mère. Malgré ce malentendu, Poppy lui fait découvrir via son oncle Clive le périple d’un certain Donald Crowhurst qui, lors d’une course en solitaire a falsifié son journal de bord avant de sombrer dans la démence. Enfin, son ami Trevor lui propose une mission professionnelle : il s’agit d’aller aux fins-fonds de l’Ecosse en voiture et filmer astucieusement quelques scènes du voyage afin d’illustrer une publicité pour une nouvelle marque de brosses à dents écologiques. Un peu comme Donald Crohurst sur son bateau, notre homme se lance alors dans ce long périple à bord d’une Toyota Prius. En route, Max fera des rencontres ou ira revoir des lieux et des personnes qu’il connaît. Il lira la nouvelle écrite par sa femme à propos des difficiles relations de Max avec son père mais aussi sa fille, Lucy, et la jalousie qu’il éprouve envers son ami Chris en observant la complicité qu’il entretient avec ses enfants. Il découvrira l’homosexualité de son père lorsqu’Alison lui offre à lire son article sur le thème de la violation de l’intimité : pendant les vacances, elle est persuadée que le père de Max se masturbe en regardant une photo pliée sur laquelle elle apparaît avec Chris, son frère et meilleur ami de Max. Bientôt, celui-ci découvre que son père entretient une relation particulière avec un certain Roger qui vit aux antipodes et qui lui envoie des cartes postales dans un appartement déserté. Dès lors, Max n’a plus aucun doute : son père est homosexuel ; son mariage a sans doute été une erreur et sa naissance, un accident. Mais toutes ces tribulations hors-sujet font que Max n’a pas accompli la mission pour laquelle il est en Ecosse. Dans sa solitude, il parle à son GPS, boit beaucoup et sera retrouvé endormi dans sa voiture. Après quelques jours d’hôpital, Max décide de remettre son père et la fameux Roger en contact ; mais l’affaire capote. Peu importe si la chinoise est déjà mariée ! Peu importe s’il est si difficile de nouer des relations avec les autres ! Désormais, une connivence toute nouvelle s’établit entre Max et son père.

 

          La vie très privée de Mr Sim est celle d’un looser qui vivote et va d’échecs en échecs : en pleine dépression nerveuse, il abandonne son travail de chef du service après-vente aux rayon jouets dans un grand magasin. Largué par sa femme, il accepte un emploi de VRP un peu spécial (voir le résumé).

Car si Mr Sim se sent si insatisfait de sa vie, c’est qu’il est effroyablement seul : toutes ses rencontres sont des fiascos ou finissent par des malentendus : cet homme dans l’avion, dans l’oreille duquel Mr Sim déballe l’histoire de sa vie, ne l’écoute pas, puisqu’il est mort ; plus tard, il fera des avances à Poppy et se prendra un énième râteau. Pourtant, les nouvelles technologies nous mettent si facilement en relations les uns avec les autres ! Facebook, internet, et même le GPS ! Comble de la solitude, Mr Sim finit par tomber amoureux de la voix féminine du GPS. A cela s’ajoute le fait que le monde moderne occidental est de plus en plus complexe à comprendre pour un être humain lambda qui s’y perd.

         La vie très privée de Mr Sim, c’est aussi l’histoire d’un père et d’un fils qui se découvrent. Lorsque l’imposture de son père est démasquée, les liens entre les deux hommes peuvent enfin se tisser dans la vérité.

          Enfin, ce roman de Jonathan Coe s’apparente au genre « Road book » que j’apprécie particulièrement : le voyage est alors un moyen de couper avec le quotidien, de prendre du recul, de méditer, de changer. C’est donc pour Mr Sim, l’occasion d’effectuer un retour sur soi, un bilan de la vie négatif qui démarre avec cette découverte : il n’était pas un enfant désiré.

             Ce voyage initiatique, est à mettre en parallèle avec celui de Donald Crowhurst, le fameux navigateur imposteur. Au bout de son voyage, il y a la mort ! Avec humour, Jonathan Coe montre que dans ce monde ici-bas, le tragique devient dérision : la police retrouvera Mr Sim, qui a trop bu, inconscient dans son véhicule.

Si dans les road-book, la fin du voyage signifie aussi un nouveau départ, c’est encore avec humour que Jonathan Coe tord le cou à son personnage. Pas de nouveau départ pour Mr Sim car c’est un être de papier qui s’anime comme une marionnette tant que l’écrivain lui donne vie, le temps d’un roman. Mais désormais, le roman est fini ; Mr Sim ne prendra pas l’avion pour retrouver Clive, l’oncle de Poppy. Et désormais, il est temps pour moi et pour Jonathan Coe de tirer notre révérence « comme ça » (claquement de doigts).



05/08/2019
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