Michel Folco : La jeunesse mélancolique et très désabusée d’Adolf Hitler/Hitler très joyeusement raconté
Qui, dans toute l’histoire de l’humanité, pose plus question qu’Hitler ? Comment peut-on être humain et Hitler à la fois ? C’est sans doute cette question qui compose la trame de cette biographie romancée écrite par Michel Folco en 2012, intitulée La jeunesse mélancolique et très désabusée d’Adolf Hitler parue aux éditions Points.
Nous sommes en Cisleithanie, dans la province du Waldviertel. C’est dans cet espace rustique, dans toute la splendeur du terme, que Klara et Aloïs – futurs parents d’Hitler – se rencontrent. L’idée reçue d’une union consanguine est démentie par Michel Folco car Aloïs est un bâtard qui n’a aucun lien de sang avec Klara. Mais par la force d’une reconnaissance filiale, Aloïs est considéré comme l’oncle de Klara. D’ailleurs, le nom d’Hitler est erroné : faute d’orthographe sur le manuscrit de recensement. Hiedler aurait dû être le nom de notre héros qui nait le 20 Avril 1889 à Braunau am Inn, en Autriche. Adolf est couvé par sa mère qui a perdu ses trois premiers enfants. De son côté, Aloïs est déjà père et Adolf grandit avec un demi-frère – Aloïs junior - et une demi-sœur, Angela. Mon savoir personnel sur Hitler complète cette information. Angela est la mère de Geli, la nièce avec laquelle Hitler entretiendra une relation très ambigüe qui aboutira au suicide de cette dernière, au début des années 30. Mais nous sommes loin de cette époque, dans ce roman qui s’achève en 1914 avec l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche. Le père d’Adolf est très autoritaire et bat régulièrement l’enfant, écolier plutôt médiocre. Par ailleurs, l’homme parait plutôt imbu de lui-même : il est très fier de son poste de fonctionnaire dans les douanes qui implique plusieurs déménagements et permet des conditions de vie confortables, encore améliorées par l’héritage du grand-père Népomuk. Aloïs est aussi passionné par les abeilles et collectionne des maîtresses. C’est sans douleur qu’Adolf vit le décès de ce dernier. On pourrait même dire : au contraire ! Désormais sous la tutelle de sa seule mère très aimante, il peut presque tout faire. Il décide de laisser tomber l’école pour tenter sa chance aux beaux-arts à Vienne, car Adolf veut devenir peintre. Il voue aussi une certaine passion pour l’architecture. Très affecté par le décès de sa mère, il vivote de plus en plus mal et frôle la clochardisation, à un moment de sa vie. Il noue des amitiés parfois contradictoires avec sa destinée future – un juif ou un social-démocrate – et c’est en peignant des reproductions ou des paysages qu’il vend à des marchands d’art qu’il achève sa jeunesse, à l’aube de la grande guerre.
Cette biographie romancée de l’enfance et de l’adolescence d’Hitler m’a beaucoup plu, car elle est à la fois drôle et inquiétante. Mais surtout drôle en ce sens qu’elle démystifie totalement Hitler - ce grand génie du mal.
En effet, le roman s’attarde longuement sur la famille et l’environnement de ce dernier qui n’apparaît qu’au bout du premier tiers de l’œuvre. Cet environnement est marqué par la grossièreté et la rusticité qui caractérise ce trou perdu d’Autriche où prend racine la famille du petit Adolf Hitler. Le roman s’ouvre d’ailleurs sur une scène violente, traitée par l’auteur avec une certaine désinvolture comique : le grand-père Népomuk tue son pauvre chien devenu trop vieux alors qu’il est en pleine discussion avec une connaissance. Dans cette région, les unions consanguines font parfois des ravages mentaux sur les enfants : le mariage entre Aloïs et Klara Hitler souffre d’ailleurs de cette réputation, mais il n’est est rien : amusant toutefois de voir à quel point Hitler aura pu être pointilleux et extrémiste sur la question de la pureté de la race alors que ses origines sont tellement confuses… et manquent singulièrement d’éducation !
Le roman s’attarde aussi à brosser consciencieusement le portrait des parents d’Hitler : une Klara assez insipide, soumise, traitée comme une moins que rien par un mari grossier et volage… violent à ses heures. Aloïs, de son côté, est obsédé par les abeilles : cette volonté de maitriser un univers d’insectes qui lui serait totalement soumis se retrouve dans le destin d’Hitler, mais ce, de manière tragique, puisque les insectes, dans ce cas, sont des êtres humains.
C’est dans cet univers marqué par la médiocrité que naît Hitler. Sans être anormal, l’enfant est cependant assez atypique : il aime les histoires de peaux-rouges, mais dans les jeux d’enfants, il veut être le chef et n’hésite pas à trahir les règles fixées, pour parvenir à la victoire. Plus tard, il n’en fait qu’à sa tête : refusant le destin de fonctionnaire que désirent pour lui ses parents, il veut devenir peintre ; il refuse de se soumettre aux règles de l’école. Il se prend d’un amour fanatique pour la musique de Wagner qui exalte la germanité. C’est ainsi que dans le portrait d’Adolf Hitler enfant se dessine déjà le portrait de l’adulte autoritaire, autocentré et fanatique qu’on connait. Au niveau des rapports humains, rôti-bouilli même chose. Il accapare l’oreille des autres pour y déverser ses discours passionnés mais la réciproque n’est pas vraie. Il n’est guère fidèle et, lorsque la vie le sépare d’un ami, il n’entretient pas la relation et même, ne donne plus signe de vie. De toute évidence, c’est un portrait assez antipathique que Michel Folco dresse d’Hitler.
Aborder la personnalité d’Hitler est assez compliquée car il faut éviter la caricature du monstre qui n’aurait que peu d’intérêt. Ici, Michel Folco nous dépeint un être assez déplaisant et antipathique mais aussi particulièrement singulier et étrange. Si on retrouve dans l’enfant le caractère du dictateur, c’est aussi un marginal qui traîne les rues, rejeté par le monde académique des arts et c’est peut-être aussi la médiocrité des autres – et de ce monde égoïste et étriqué qui est dépeint dans le roman - qui aura permis l’ascension politique d’un tel personnage.
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