Hans Fallada : Le buveur/A consommer sans modération.
C’est toujours avec plaisir qu’on se retrouve avec, entre les mains, un roman de Hans Fallada. Avec Le buveur –paru seulement en 2010 aux éditions Denoël - on apprend que cet écrivain allemand du XXème siècle était alcoolique. Certes, le roman n’est pas autobiographique mais il tente d’évoquer cette dépendance avec lucidité.
Erwin Sommer a une quarantaine d’années et mène une vie paisible à la tête d’une affaire de vente de produits agricoles. Son mariage avec Magda est également heureux. Cependant, des difficultés professionnelles – Erwin perd un contrat important, son chiffre d’affaires est en baisse – vont venir remettre en question cette tranquille routine. L’homme se sent, en effet, en position de faiblesse vis-à-vis de sa femme qu’il considère comme trop « compétente » face à lui. Alors, il se met à boire d’un seul coup. Du schnaps, principalement. Il traine dans une auberge et s’entiche d’une certaine Elinor, la serveuse, qu’il nomme « la reine de l’alcool. Evidemment, Magda s’inquiète et souhaite qu’Erwin voie un médecin. C’est pour échapper au docteur Mansfeld que notre héros se retrouve dans le quartier mal famé de la petite Russie, chez un bien malhonnête logeur nommé Polakowski. Pour payer son loyer et son alcool, Erwin va cambrioler sa propre maison. Il dérobe de l’argent et de l’argenterie. Peu discret, Erwin est surpris par sa femme avec laquelle il se dispute. Très vite dépouillé par Polakowski, notre buveur se rend à la banque et retire une forte somme qui sera, elle aussi, dérobée en grande partie par le logeur. Avec mille marks en poche, Erwin traine et se retrouve à l’auberge où il retrouve Elinor. Il lui donne le reste de son argent avant de sombrer dans l’inconscience… et de se réveiller en prison. En effet, Magda a porté plainte contre lui puisque lors de la dispute, Erwin l’a menacée de mort. Après quelques jours de détention, notre héros se retrouve dans une maison de santé où les conditions de vie sont effroyables. Vols, délation, violences, faim sont le lot quotidien de cette vie d’enfermement. Cependant, un jour, le médecin laisse entrevoir une libération puisque Magda semble vouloir témoigner en sa faveur. Malheureusement, l’entrevue avec son épouse se passe mal ; Magda veut divorcer, elle est tombée amoureuse d’un concurrent en affaires nommé Heinze, elle conduit avec brio l’affaire de vente de produits agricoles. Ecœuré, Erwin, lors d’une visite médicale, vole un flacon d’alcool à 90 degrés. Dès lors, sa détention à vie dans la maison de santé est prononcée. Déterminé à en finir avec cette vie minable, Erwin boit les crachoirs des tuberculeux en rêvant d’une dernière cuite.
Le buveur est une œuvre qui m’a parue un peu inégale sur certains points, même si globalement, j’ai pris plaisir à la lire. Tout d’abord, je n’ai pas bien compris le basculement soudain d’Erwin dans l’alcoolisme. En effet, si des problèmes professionnels et un certain mal-être qui s’installe peuvent l’expliquer, il est étrange que seulement quelques verres de vin bus lors d’un diner puissent déclencher dès le lendemain l’envie de se cuiter encore et encore. Je conçois davantage l’alcoolisme comme une gangrène qui s’insinue progressivement et ronge insidieusement l’individu. Erwin, cet homme rangé et sage, d’un seul coup, devient complétement fou, dépendant de la sensation d’ivresse, au point de faire n’importe quoi, d’adopter des comportements violents, irrespectueux, égoïste : ce changement radical de caractère m’a paru assez irréaliste et inconcevable.
Par ailleurs, la seconde partie du roman ne traite plus du tout de l’alcoolisme puisqu’Erwin, après être passé par la case « prison » est transféré dans une sorte de maison de santé qui ne paraît pas vraiment différente d’un centre de détention. Là, il est totalement privé d’alcool et le roman se perd alors dans l’évocation des mœurs de l’endroit, dans les portraits – négatifs – des pensionnaires. Je ne dis pas de cette partie n’a pas d’intérêt, qu’elle est totalement hors-sujet, puisque la maison de santé est une conséquence de l’alcoolisme. Là, on a faim, là, on vole, là quelques abrutis font la loi, sèment la terreur, là tout est corrompu. L’homosexualité existe, certains se prostituent pour quelques avantages. Le désespoir, l’absence de perspective, la sensation d’étouffement dans un univers glauque et désespérant sont très bien rendus par l’auteur. Cependant, là encore, je n’ai pas bien compris comment il est possible qu’on interne un homme à vie pour une si petite faute : quelques semaines d’errance dans l’alcool. D’autant plus qu’Erwin était un homme très respectable avant de basculer. Et puis, il n’a tué personne ! Il n’a fait de mal qu’à lui-même !
Certes, il y a la question de Magda, l’épouse d’Erwin. Pendant tout le livre, on se demande quelles sont ses intentions véritables. Erwin finit par la haïr parce qu’il se sent inférieur à elle. Il pense qu’elle lui veut du mal, qu’elle veut s’accaparer l’argent du couple, gérer toute seule l’entreprise. Alors, forcément le doute s’insinue dans l’esprit du lecteur. A la fin de l’œuvre, elle souhaite que son mari soit remis en liberté, mais elle a déjà refait sa vie. Sans doute n’a-t-elle pas fait grand-chose pour venir en aide à son époux, sans doute les sentiments qu’elle éprouve pour lui sont sérieusement émoussés, mais en même temps, Erwin est devenu tellement odieux, lâche, qu’on comprend assez cette désaffection de l’épouse Magda… car oui, l’auteur ne cherche pas vraiment à trouver des circonstances atténuantes à son héros. Naïf, mal armé pour affronter la malhonnêteté de l’univers des bas-fonds de la ville, couard, mou, voilà en quelques mots le portrait assez détestable de ce héros qui se laisse prendre si facilement dans l’engrenage de l’alcool et de la dérive. Pourtant, on est ému à la fin par cette froide et indifférente résolution du héros d’en finir avec la vie… et l’aveu d’une dernière volonté : être encore une fois ivre.
Malgré tous ces défauts, le buveur est une œuvre assez forte. On sait qu’Hans Fallada était dépendant à l’alcool et c’est avec beaucoup de lucidité qu’il analyse la faiblesse de l’alcoolique face à sa drogue - qui devient la seule chose qui compte - ainsi que les ravages qu’elle engendre. Pourtant, l’alcool, c’est une passion, une maîtresse exigeante qui domine son amant, lui apportant tour à tour l’ivresse et la pire des souffrances. Qui se perd dans ses bras finira sa vie dans la plus effroyables des solitudes.
C’est toujours avec plaisir qu’on se retrouve avec, entre les mains, un roman de Hans Fallada. Avec Le buveur –paru seulement en 2010 aux éditions Denoël - on apprend que cet écrivain allemand du XXème siècle était alcoolique. Certes, le roman n’est pas autobiographique mais il tente d’évoquer cette dépendance avec lucidité.
Erwin Sommer a une quarantaine d’années et mène une vie paisible à la tête d’une affaire de vente de produits agricoles. Son mariage avec Magda est également heureux. Cependant, des difficultés professionnelles – Erwin perd un contrat important, son chiffre d’affaires est en baisse – vont venir remettre en question cette tranquille routine. L’homme se sent, en effet, en position de faiblesse vis-à-vis de sa femme qu’il considère comme trop « compétente » face à lui. Alors, il se met à boire d’un seul coup. Du schnaps, principalement. Il traine dans une auberge et s’entiche d’une certaine Elinor, la serveuse, qu’il nomme « la reine de l’alcool. Evidemment, Magda s’inquiète et souhaite qu’Erwin voie un médecin. C’est pour échapper au docteur Mansfeld que notre héros se retrouve dans le quartier mal famé de la petite Russie, chez un bien malhonnête logeur nommé Polakowski. Pour payer son loyer et son alcool, Erwin va cambrioler sa propre maison. Il dérobe de l’argent et de l’argenterie. Peu discret, Erwin est surpris par sa femme avec laquelle il se dispute. Très vite dépouillé par Polakowski, notre buveur se rend à la banque et retire une forte somme qui sera, elle aussi, dérobée en grande partie par le logeur. Avec mille marks en poche, Erwin traine et se retrouve à l’auberge où il retrouve Elinor. Il lui donne le reste de son argent avant de sombrer dans l’inconscience… et de se réveiller en prison. En effet, Magda a porté plainte contre lui puisque lors de la dispute, Erwin l’a menacée de mort. Après quelques jours de détention, notre héros se retrouve dans une maison de santé où les conditions de vie sont effroyables. Vols, délation, violences, faim sont le lot quotidien de cette vie d’enfermement. Cependant, un jour, le médecin laisse entrevoir une libération puisque Magda semble vouloir témoigner en sa faveur. Malheureusement, l’entrevue avec son épouse se passe mal ; Magda veut divorcer, elle est tombée amoureuse d’un concurrent en affaires nommé Heinze, elle conduit avec brio l’affaire de vente de produits agricoles. Ecœuré, Erwin, lors d’une visite médicale, vole un flacon d’alcool à 90 degrés. Dès lors, sa détention à vie dans la maison de santé est prononcée. Déterminé à en finir avec cette vie minable, Erwin boit les crachoirs des tuberculeux en rêvant d’une dernière cuite.
Le buveur est une œuvre qui m’a parue un peu inégale sur certains points, même si globalement, j’ai pris plaisir à la lire. Tout d’abord, je n’ai pas bien compris le basculement soudain d’Erwin dans l’alcoolisme. En effet, si des problèmes professionnels et un certain mal-être qui s’installe peuvent l’expliquer, il est étrange que seulement quelques verres de vin bus lors d’un diner puissent déclencher dès le lendemain l’envie de se cuiter encore et encore. Je conçois davantage l’alcoolisme comme une gangrène qui s’insinue progressivement et ronge insidieusement l’individu. Erwin, cet homme rangé et sage, d’un seul coup, devient complétement fou, dépendant de la sensation d’ivresse, au point de faire n’importe quoi, d’adopter des comportements violents, irrespectueux, égoïste : ce changement radical de caractère m’a paru assez irréaliste et inconcevable.
Par ailleurs, la seconde partie du roman ne traite plus du tout de l’alcoolisme puisqu’Erwin, après être passé par la case « prison » est transféré dans une sorte de maison de santé qui ne paraît pas vraiment différente d’un centre de détention. Là, il est totalement privé d’alcool et le roman se perd alors dans l’évocation des mœurs de l’endroit, dans les portraits – négatifs – des pensionnaires. Je ne dis pas de cette partie n’a pas d’intérêt, qu’elle est totalement hors-sujet, puisque la maison de santé est une conséquence de l’alcoolisme. Là, on a faim, là, on vole, là quelques abrutis font la loi, sèment la terreur, là tout est corrompu. L’homosexualité existe, certains se prostituent pour quelques avantages. Le désespoir, l’absence de perspective, la sensation d’étouffement dans un univers glauque et désespérant sont très bien rendus par l’auteur. Cependant, là encore, je n’ai pas bien compris comment il est possible qu’on interne un homme à vie pour une si petite faute : quelques semaines d’errance dans l’alcool. D’autant plus qu’Erwin était un homme très respectable avant de basculer. Et puis, il n’a tué personne ! Il n’a fait de mal qu’à lui-même !
Certes, il y a la question de Magda, l’épouse d’Erwin. Pendant tout le livre, on se demande quelles sont ses intentions véritables. Erwin finit par la haïr parce qu’il se sent inférieur à elle. Il pense qu’elle lui veut du mal, qu’elle veut s’accaparer l’argent du couple, gérer toute seule l’entreprise. Alors, forcément le doute s’insinue dans l’esprit du lecteur. A la fin de l’œuvre, elle souhaite que son mari soit remis en liberté, mais elle a déjà refait sa vie. Sans doute n’a-t-elle pas fait grand-chose pour venir en aide à son époux, sans doute les sentiments qu’elle éprouve pour lui sont sérieusement émoussés, mais en même temps, Erwin est devenu tellement odieux, lâche, qu’on comprend assez cette désaffection de l’épouse Magda… car oui, l’auteur ne cherche pas vraiment à trouver des circonstances atténuantes à son héros. Naïf, mal armé pour affronter la malhonnêteté de l’univers des bas-fonds de la ville, couard, mou, voilà en quelques mots le portrait assez détestable de ce héros qui se laisse prendre si facilement dans l’engrenage de l’alcool et de la dérive. Pourtant, on est ému à la fin par cette froide et indifférente résolution du héros d’en finir avec la vie… et l’aveu d’une dernière volonté : être encore une fois ivre.
Malgré tous ces défauts, le buveur est une œuvre assez forte. On sait qu’Hans Fallada était dépendant à l’alcool et c’est avec beaucoup de lucidité qu’il analyse la faiblesse de l’alcoolique face à sa drogue - qui devient la seule chose qui compte - ainsi que les ravages qu’elle engendre. Pourtant, l’alcool, c’est une passion, une maîtresse exigeante qui domine son amant, lui apportant tour à tour l’ivresse et la pire des souffrances. Qui se perd dans ses bras finira sa vie dans la plus effroyables des solitudes.
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