Maud Lethielleux : Tout près, le bout du monde/Très loin de m’avoir fait voyager.
Est-ce qu’avec ce roman qu’elle fait paraître en 2010 aux éditions Flammarion, Maud Lethielleux nous emmène au bout du monde ? Peut-être pas tout à fait. En tout cas, le roman que je vous présente cette semaine s’intitule : Tout près, le bout du monde.
Le roman est bâti sur trois voix qui se succèdent toujours dans le même ordre. Ces trois voix appartiennent à trois jeunes – un enfant et deux adolescents – qui vivent ensemble dans une ferme tenue par Marlène, une sorte de baba-cool qui accueille des jeunes en difficulté et en rupture sociale. Cette ferme porte le nom de Le bout du monde et nos trois héros la retapent avec Marlène et ses amis qui viennent parfois donner un coup de main. Et tous les soirs, obligation pour les jeunes d’écrire une page de journal intime racontant la journée qui vient de s’achever. D’abord, il y a le petit Malo. C’est un enfant de presque 12 ans au passé mystérieux : il ne cesse d’avoir envie de voir une certaine Cynthia ; on se demande si celle-ci ne serait pas la mère du petit. Et puis, il s’avère que Cynthia est un travesti ! On finit par comprendre que Cynthia est le père de Malo qui l’adore et rêve de retourner vivre avec lui. Sinon, Malo va au collège et se lie d’amitié avec Léonore. Il semble avoir des goûts de fille… jusqu’au jour où il découvre le plaisir d’être un garçon ! Quant à Cynthia, elle a fait l’opération qui l’a rendue femme pour de vrai et retrouve son fils. La seconde résidente de la ferme s’appelle Julia. Elle est surnommée Djoule et écrit son journal intime sous forme de lettres qu’elle destine à Ley, son amoureux. Elle signe celles-ci du diminutif de Jul. On comprend vite que Julia est brisée par cet amour qui s’est rompu. Peu à peu, on comprend que le fameux Ley était un sale type qui se droguait et qui frappait Jul. La jeune fille vit dans l’espoir de rencontrer à nouveau Ley. C’est pourquoi elle se rend souvent au centre-ville. Mais le jeune homme a disparu. Peu à peu, la jeune fille retrouve goût à la vie et décide de passer son bac et de faire du théâtre. Elle commence à éprouver de l’attirance envers le dernier locataire de la ferme du bout du monde : Solam. Ce dernier est un jeune garçon plein de ressources : il sait cuisiner, il bricole bien. Sa mère est en prison pour avoir tué son compagnon qui la battait. Il semble détester vivre à la ferme, détester Marlène, mais en fait, c’est un gros dur au cœur tendre. JM est l’éducateur qui s’occupe de lui et Solam ne songe qu’aux moments où ce dernier va venir le chercher pour le faire sortir de la ferme. Pourtant, peu à peu, il tombe amoureux de Jul, qu’il surnomme l’anorexique. Lorsque la jeune fille part vivre chez son ami Rémi qui désire, lui aussi, devenir acteur de théâtre, il est jaloux. Mais lorsqu’il comprend qu’elle reprend l’appartement pour pouvoir étudier tranquillement, il retrouve Rémi à Paris – car Solam, lui aussi, désire devenir acteur - et envoie une lettre d’amour à Julia. L’avenir semble sourire à nos trois rescapés de la ferme. Quant à Marlène, on apprend, au fil des pages qu’elle a perdu son fils… après l’envol de Malo, de Julia et de Solam, elle attend de nouveaux locataires.
« L'action » de Tout près le bout du monde s'étale du 7 novembre au 21 février. Nos trois héros prennent successivement la plume pour raconter leur journée et l'auteur, pour bien les différencier nous donne à lire 3 voix très différentes qui s'expriment dans des tons très différents. Le petit Malo garde sa voix enfantine et un peu naïve ; les mots de Lucia sont rapportés en italique ; enfin, Solam s'exprime de manière assez grossière et ses propos s'inscrivent, eux aussi, en italique.
Si au début du paragraphe précédent j'ai mis entre guillemets le mot « action », c'est que de l'action, il n'y en a guère ! Les trois personnages ressassent souvent les mêmes choses tous les jours. Malo et ses problèmes de constipation, Jul et sa déprime, Solam et sa colère contre Marlène en particulier et contre le monde en général, son désir de quitter la ferme. Pourtant, peu à peu, nous découvrons une part de l'intimité de chacun, souvent une grande souffrance, un manque d'amour qui se situe dans le passé. Malo souffre de ne pas être avec son père-mère Cynthia, Jul crie son amour pour son bien-aimé disparu, Ley, et Solam, sous ses airs de dur, pleure sa mère qui est en prison. La découverte des douloureux secrets de chacun se fait selon le principe du puzzle, pièce par pièce. Maud Lethielleux joue aussi avec les points de vue de chacun, particulièrement celui de Solam qui observe attentivement son entourage et cherche à en savoir plus sur chacun. Grâce à lui, nous apprenons que Jul est anorexique, même si elle s'en défend dans ses lettres. Grâce à lui, nous découvrons la blessure de celle qui est le pilier de la ferme, mais que nous n'entendons jamais : Marlène.
Cependant, Tout près, le bout du monde ressemble en bien des points à un des pires romans jamais lus dans toute ma vie : Ensemble, c'est tout, d'Anna Gavalda. Comme dans ce bouquin, les personnages sont des éclopés de la vie. Comme dans ce bouquin, il est question des petits riens de la vie quotidienne.... mais ces petits riens sont tellement présentés de manière plate qu'ils sont insignifiants et que les raconter n'a aucun intérêt. Quel intérêt, en effet, de s'attarder niaisement sur les différents bonnets de laine que Jul tricote pour ses amis de la ferme ? Ou sur le chêne du jardin auquel on accroche des guirlandes pour Noël ? S'il est vrai que Maud Lethielleux a l'ambition de montrer l'importance des petites choses de la vie, ces petites choses qui parviennent à nous procurer du bonheur alors qu'on est globalement dans une situation difficile et malheureuse, elle le fait de manière mièvre, sans relief et de manière répétitive ; ainsi, le lecteur se demande si l'auteure n'aurait pas pu faire plus court.
Pour finir et pour conclure, Tout près, le bout du monde s'avère donc être un roman moyen, que je ne garderai pas près de mon cœur, même s'il n'est pas désagréable à lire.
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