LECTURES VAGABONDES

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Martha Hall Kelly : Le lilas ne refleurit qu’après un hiver rigoureux / Mauvaise floraison

       

         Avec la commémoration des 75 ans de la libération des camps nazis, on se plonge dans toute cette littérature-témoignage sur Auschwitz, Dachau, Treblinka, tant d’autres… Martha Hall Kelly, quant à elle, nous emmène à Ravensbrück dans son roman paru en France en 2016 et intitulé Le lilas ne refleurit qu’après un hiver rigoureux.

 

          Le lilas ne refleurit qu’après un hiver rigoureux nous emmène sur les pas de trois femmes qui vivent aux antipodes les unes des autres et qui pourtant vont se croiser à l’occasion de la tragique Histoire qui secoue le monde à partir de 1939. Tout d’abord, nous allons aux Etats-Unis faire connaissance avec Caroline Ferriday qui travaille comme bénévole à l’ambassade de France à New York. Son rôle est de trouver des fonds pour venir en aide aux enfants défavorisés de France. Elle rencontre un acteur alors en vogue : Pierre Rodierre. Très vite, l’amour s’installe entre eux… mais c’est sans compter sur la guerre qui va bouleverser leur vie. Pierre décider de rentrer en France où sa femme, juive – Reena – risque des persécutions. Ailleurs dans le monde, nous faisons connaissance de Kasia qui vit à Lublin en Pologne. Elle vit heureuse entre sa mère, Halina, sa sœur, Zuzanna, et le garçon quelle aime : Pietrick. Lorsque la guerre éclate, elle s’engage dans la résistance et se fait malheureusement très vite arrêter. Avec sa mère, sa sœur, et plusieurs amies, elle sera déportée à Ravensbrück. Là, elle est prise comme cobaye pour des expérimentations sur les sulfamides. Herta Oberheuser est aux commandes de ce programme. Kasia y perd sa jambe, esquintée par l’inoculation de bactéries destinées aux expériences. Mais sa mère, Halina, autrement appelée Matka, y perd la vie. En effet, si elle se distingue auprès d’Herta, cette dernière semble éprouver des sentiments troubles pour la prisonnière qu’elle prend sous son aile. Mais ces relations sont mal vues et pour des raisons restées mystérieuses, Halina sera exécutée. Lorsque la libération des camps sonne enfin, Sashia et sa sœur parviennent à s’enfuir en attrapant un bus de la croix rouge suédoise. Herta est arrêtée, jugée et condamnée à une peine de prison de 20 ans. De son côté, Caroline Ferriday retrouve Pierre Rodierre qui a été déporté au camp de Natswall. L’homme semble libre, mais alors que Caroline et lui s’apprêtent à vivre leur idylle, son épouse, Reena, refait surface avec une petite fille. Désormais, Caroline se donne corps et âme dans son action en faveur des « Lapins » : les femmes qui ont servi de cobayes au camp de Ravensbrück. Elle rencontre Sashia et sa sœur : Sashia s’est mariée avec Pietrick et a une fille prénommée comme sa mère, Halina. Cependant, elle a du mal à accepter la mort d'Halina, sa mère, et entretient des relations parfois conflictuelles avec sa fille qui, comme sa grand-mère, développe une appétence pour le dessin et la peinture. Quant à Zuzanna, elle restera aux Etats-Unis où elle épousera Serge, un cuisinier qu’elle a rencontré là-bas et dont elle est tombée amoureuse. De son côté, Kasia sera chargée de reconnaître Herta, la femme qui a mené des expériences médicales au camp de Ravensbrück et qui est sortie de prison avant l’heure. Après une entrevue où elle apprend ce qui est arrivé à sa mère Halina – qui est morte pour avoir volé du matériel médical afin d’aider les détenues du camp – elle reconnait Herta pour laquelle l’exercice de la médecine sera désormais interdit.

 

          Avec Le lilas ne refleurit qu'après un hiver rigoureux, Martha Hall Kelly signe un roman « pour nous les filles » version seconde guerre mondiale. Si le livre se lit facilement, il n'en est pas moins plutôt mauvais. Distribution des mauvais points, donc.

          D'abord, il y a Caroline, l'héroïne que notre auteure voulait mettre particulièrement en valeur (entre américaines, on se comprend!). Américaine, donc, et Amérique oblige, pendant la guerre 39-45, ça veut dire qu'elle était peinarde aux USA, dans les cocktails hype de l'entre-soi qui compose la faune qui hante les ambassades. Certes, elle est bénévole et a pour mission d'aider des enfants malheureux en France, mais il n'empêche qu'elle passe son temps à péter dans la soie et à boire du champagne. A la fin du roman, on se demande ce qu’elle a fait vraiment pour les rapatriées de Ravensbrück sauf à leur offrir un voyage à Disneyland.

          Autre mauvais point, et de taille, celui-là, la vision du camp de Ravensbrück. Du grand n'importe quoi. Il faut avoir lu Primo Levi pour savoir qu’à l'intérieur de celui qui est déporté dans un camp de l'horreur nazie, il n’y a plus de sentiments ; on est bien incapable d'en avoir encore ! On est tellement épuisé, on a tellement faim ! On est tellement vide de toute pensée ! Quand on a encore de l'énergie pour sa propre survie quotidienne, c'est bien. Dans Le lilas ne refleurit qu'après un hiver rigoureux naissent des histoires d'amitié et de partage, notamment, partage de nourriture ! On risque sa vie pour l'autre... Il faudrait faire lire ce roman à un ancien déporté, on verrait bien s'il acquiesce ou si ses cheveux se dressent sur sa tête. Malheureusement pour nous, ces déportés sont en train de disparaître et on n'a pas envie de gâcher leur fin de vie à ceux qui restent. 

          En réalité, Martha Hall Kelly se fait du beurre avec ce thème accrocheur et trash qu'est la déportation dans un camp de l'horreur nazie ; mais moralement, a-t-elle le droit s’emparer d’un tel sujet si elle-même n'a pas connu la déportation et, si de plus, elle a étudié superficiellement la chose ? Respecte-t-elle ceux qui ont souffert, qui sont morts ou revenus traumatisés à vie par cette expérience ? Ou les a-t-elle exploités pour produire un best-seller qui se vendra partout dans le monde ? Je ne sais pas, mais ce que je sais, c'est que je n’aurais jamais osé faire ce qu’elle a fait. Peut-être pourrait-on publier, pour compléter le tout, la photo de Martha Hall Kelly, tout sourire à l'entrée d'Auschwitz ! Il paraît que ce genre de photo est très en vogue sur les comptes Instagram. 

          Pourtant, comme je l'ai dit au début, ce bouquin, on le lit facilement ; on ne s’ennuie pas… C’est le paradoxe. On sait que c’est de la merde, mais on aime quand même. Un peu comme dans les romans de Guillaume Musso, Martha Hall Kelly relance le suspense à la fin de certains chapitres. Mais là s'arrête la comparaison car jamais Musso ne s'est fait chroniqueur de la vie à Ravensbrück. 



05/08/2024
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