Mark Childress : La tête dans le carton à chapeaux / ou comment perdre totalement la boule !
Il y a bien longtemps qu'un livre ne m'avait prise ainsi par la main et entrainée avec lui dans de longues heures ininterrompues de lecture !
Une ode à la liberté et aux émancipations de tous types : Lucille en a assez de mariner dans une vie de couple terne, servile et sans rêve. Un jour, elle glisse du poison dans le café de son époux, Chester, et lui tranche la tête à l'aide d'un couteau électrique... et hop ! en avant pour une folle aventure ! Lucille rêve de devenir star à Hollywood et part donc, à la conquête de son rêve avec... la tête de son époux ficelée dans un carton à chapeaux. Au passage, elle confie ses deux enfants à son frère qui tient une entreprise de pompes funèbres : c'est là qu'on découvre le second héros du livre : Peejoe, le neveu de Lucille.
Le livre est donc construit en chapitres alternant la folle épopée d'une femme à travers l'Amérique et les tribulations d'un jeune garçon qui, au fin fond de l'Alabama des années 60, assiste aux émeutes et conflits entre blancs et noirs sur fond de discours de Martin Luther King... mais les résultats de toutes ces violences sont aussi le fond de commerce de son père !
Ainsi, doit-on lire les histoires parallèles des deux héros comme une quête éperdue de liberté et d'émancipation : celle d'une femme, et celle d'un peuple : les noirs américains.
Par ailleurs, l'écriture est savoureuse, drôle, vivante : les scènes cocasses et déjantées se succèdent sans un seul temps mort ! Lucille ne peut se résoudre à balancer la tête de son mari qui pourtant se putréfie dans son carton à chapeaux... ce qui lui portera malheur ! Quant à Peejoe, il est fasciné par la thanatopraxie. Pourtant, ce livre n'a rien de morbide ni de gore ! Il est exaltant, émouvant, drôle !
Il nous convie à un merveilleux voyage au coeur de l'Amérique, de ses fantasmes, et de ses réalités. Lorsque la dernière page arrive, le cœur se serre un peu... c'est fini...
On associe souvent Mark Childress à Irving... Il est vrai que l'on retrouve, dans ce livre, le côté déjanté des histoires d'Irving : toutefois, la comparaison s'arrête là. L'écriture est très différente, et l'univers également. Il est possible de rencontrer, chez Irving quelques longueurs : jamais ici. Par ailleurs, si la carrière d'Irving est loin d'être terminée, celle de Childress semble s'arrêter à l'aube de l'an 2000, ce qui est fort dommage !
La tête dans le carton à chapeaux est donc une perle rare ! A lire absolument !
A découvrir aussi
- Emile Zola : La bête humaine / Du Zola toutes griffes dehors
- Jonathan Coe : Testament à l’anglaise/Témoignage vibrant d’une française
- Guy de Maupassant : Une vie/ Vive Une vie !
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 38 autres membres