LECTURES VAGABONDES

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Liane Moriarty : Petits secrets, grands mensonges / Petites confidences, grand roman

 

      Si le titre du roman de cette semaine laisse présager une petite lecture sans prétention, ce dernier est en réalité bien plus grand qu’il n’y parait. Petits secrets, grands mensonges, c’est un roman de l’écrivaine australienne Liane Moriarty qui parait en France en 2014 aux éditions Albin Michel.

 

          Un meurtre a eu lieu à l’école de Pirriwee – Australie - lors d’une soirée quiz. Retour sur l’histoire des différents protagonistes, en l’occurrence les parents d’élèves. Tout commence avec l’arrivée de Jane et de son fils Ziggy à Pirriwee. Dès la journée d’intégration à l’école, le petit garçon est accusé d’agression par la petite Amabella. Dès lors, deux camps vont s’affronter : ceux – majoritaires – qui soutiennent la position de Renata, la mère d’Amabella (à savoir exclure Jane et son fils du cercle des parents d’élèves), et ceux qui trouvent la jeune mère célibataire et son jeune fils bien sympathiques. Très vite, Jane fait la connaissance de Madeline, mère de trois enfants : Abigail qu’elle a eue avec un premier mari – Nathan, remarié à Bonnie avec laquelle il a une fille : Skye – Chloé et Ted qu’elle a eus avec son actuel mari, Ed. Madeline, 40 ans, supporte mal le vieillissement et l’attachement que sa première fille voue à sa belle-mère et à son père (qui a foutu le camp lorsqu’elle était bébé). Et puis, il y a la splendide et riche Céleste, mère de deux jumeaux (Josh et Max), mariée à Perry (qui, à ses heures perdues, la bat). Entre confidences, racontars, et secrets gardés, les trois femmes, relativement soudées, affrontent la vindicte de certains parents d’élèves, vindicte qui s’élève contre le petit Ziggy ; il faut dire qu’il est tellement plus facile de s’en prendre aux enfants d’une femme seule, jeune et mère célibataire fraichement débarquée ! Peu à peu, des vérités cachées font surface et vont déclencher le drame. Abigail, la fille de Madeline, décide d’aller vivre chez son père ; la jeune fille s’est visiblement entichée de sa belle-mère, Bonnie – adepte du yoga et de la zen attitude – que Madeline déteste. Par ailleurs, le jeune fille se lance tête baissée dans une œuvre caritative : elle vend au plus offrant sa virginité ; l’argent récolté ira soutenir une association destinée à sauver des enfants de la prostitution forcée. Mais tout se termine bien pour Madeline : sa fille revient vivre auprès d’elle tandis que son amie, la riche Céleste, décide de se faire passer pour un bienfaiteur et offre à Abigail une coquette somme d’argent pour l’association contre la prostitution des enfants. Pour Jane aussi, les choses se terminent plutôt bien… Quoique dans un drôle d’imbroglio. D’abord, il y a la question du père de Ziggy qui la taraude. En effet, ce dernier n’est qu’un coup d’un soir… qui s’est mal terminé : Saxon Banks a violenté Jane lors de cette fameuse nuit. C’est parce qu’elle sait que cet homme habite Pirriwee qu’elle s’est installée à cet endroit, désirant qu’il sache qu’un fils est né de cette union violente. Cependant, lorsqu’elle rencontre le mari de Céleste, Perry, elle reconnait l’homme avec lequel elle a couché tantôt et dont Ziggy est le fils. Mais bientôt, elle se laisse aller à une nouvelle romance : Tom ne lui est pas indifférent et réciproquement. Quant à Céleste, battue par son mari Perry, elle décide de le quitter et effectue plusieurs démarches en ce sens lorsqu’elle apprend que le tortionnaire de la petite Amabella n’est pas le petit Ziggy mais son propre fils, Max. C’est lors de la soirée quiz que le drame survient. Démasqué, Perry chute depuis le balcon ; c’est Bonnie, très en colère, qui l’a poussé (elle-même fut victime de la violence de son père).  

 

          Avec Petits secrets, grands mensonges, Liane Moriarty signe un roman qui n’a vraiment l’air de rien mais qui est plus profond qu’il n’y parait.

          Quand j’ai attaqué le roman, je me suis dit : « Aïe, aïe, aïe, voilà encore un roman pour nous les filles : deux mères d’élèves qui se rencontrent à la sortie des classes, vont boire un café, parlent de tout et de rien, deviennent copines… Tout ça n’augure rien de bon ».

          Cependant, très vite, les choses gagnent en profondeur et des thèmes graves sont abordés, parmi lesquels, principalement, celui de la violence des hommes, violence faite aux femmes. En effet, le très bien sous tous rapports – très beau, très riche - Perry bat régulièrement sa femme ; plus tard, on apprend qu’il s’est montré violent avec Jane lorsqu’il a couché avec elle, l’espace d’une nuit. Ce comportement violent laisse des séquelles sur les enfants : le petit Max a vu sa mère se faire battre et il reproduit à l’école cette violence en s’en prenant à la petite Amabella.

          D’une manière générale, le roman interroge le problème de l’éducation des enfants à travers trois types de familles : une famille recomposée (celle de Madeline), une mère célibataire (Jane), un couple beau et riche, apparemment idéal (celui de Céleste). Et c’est dans ce dernier, le plus rassurant et qui parait le moins sujet aux problèmes que le pire des secrets existe. Ainsi, le roman pose-t-il la question suivante : en quoi les actes et les paroles des parents déterminent-ils le comportement et la psychologie des enfants ?

          Par ailleurs, le roman dresse aussi un tableau acide de la vie d’une école qui brasse différents milieux sociaux : modeste (Jane), moyenne (Madeline), bourgeoise (Céleste). L’origine sociale détermine les rapports entre toutes les familles : en effet, la famille de Céleste, parce qu’elle est riche et belle, semble intouchable tandis que celle de Jane est immédiatement montrée du doigt ; parce qu’elle est mère célibataire, c’est le fils de Jane qui est immédiatement accusé de violence par les parents d’élèves d’origine bourgeoise. S’ensuit une atmosphère délétère, faite de dires et de non-dits, de coups de poignards dans le dos, renvoyant deux clans dos à dos : celui des parents qui croient à l’innocence de Ziggy contre celui des parents qui accusent ce dernier de violences à l’encontre de la petite Amabella. Et tout cet imbroglio s’exprime à travers de mesquins règlements de comptes : on invite ou non les enfants à telle fête, à telle manifestation, à telle sortie.     

          De plus, le roman obéit à une construction assez complexe qui ménage le suspense. Dès le début, on sait qu’il y a eu un meurtre lors de la fameuse soirée quiz qui réunit tous les parents de l’école de Pirriwee. Mais qui a été tué ? Pourquoi ? Comment ? Jusqu’à la fin, on ne sait pas ce qui s’est réellement passé. De fait, le roman est bâti comme une enquête et mélange différentes dates : plusieurs mois, plusieurs semaines ou encore plusieurs jours voire quelques heures avant la soirée quiz. Ainsi, Liane Moriarty procède-t-elle à un maillage intelligent des faits qui permet de retracer toute l’histoire sous forme de puzzle. Et c’est donc bien au travers de faits tout à fait anecdotiques, dans l’ensemble, que chemine tout le drame.   

          Enfin, j’ai fini par adorer l’écriture de Liane Moriarty qui n’en finit jamais de m’étonner. En effet, derrière une écriture simple, sans fioritures, une écriture où dominent les dialogues, l’auteure fait preuve de beaucoup d’ironie et brosse ainsi, avec l’air de ne pas y toucher, une peinture acide des familles et des relations qui s’établissent entre elles. On découvre, dans Petits secrets, grands mensonges, des femmes blessées cependant traitées avec une apparente légèreté. C’est ainsi que Liane Moriarty refuse d’user tout style travaillé pour aborder des choses graves.

          Ainsi, avec Petits secrets, grands mensonges, j’ai découvert Liane Moriarty et je n’ai pas peur de dire que c’est une grande découverte… Je ne vais sans doute pas tenir longtemps avant de reprendre un autre roman de Liane Moriarty.   



28/05/2023
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