Joyce Carol Oates : Man crazy/Pas de quoi nous rendre fous !
Je suis une inconditionnelle de Joyce Carol Oates dont j’ai lu de nombreux romans. Pourtant, j’ai été plutôt déçue par Man crazy, paru en 1999 aux éditions Stock.
Man crazy raconte la difficile vie d’Ingrid Boone. Son père est aviateur, brisé par la guerre du Vietnam ; l’homme trempe dans des affaires louches et n’est pas très souvent là. Chloé, son épouse, éprouve à l’égard de ce mari souvent absent une véritable idolâtrie. Cependant, alors qu’elle vit désormais seule et que la rumeur court selon laquelle Lucas, son époux, serait mort dans un accident d’avion, la jeune femme multiplie les amants. Sa fille, Ingrid se dévergonde : elle se drogue, elle se scarifie, elle connaît, elle aussi, de nombreux amants. Véritable descente aux enfers pour cette adolescente sans repères. Elle tombe sous le joug d’Enoch Skaggs, gourou de la secte des enfants de Satan. Là, elle connaît les pires maltraitances : viols, privations, enfermement. Elle réussit à s’enfuir, et alors que la secte est démembrée par la police et les tortionnaires arrêtés, elle retrouve sa mère et se reconstruit… dans l’amour.
Le roman Man crazy de Joyce Carol Oates est plutôt court eu égard à ce que l’auteure à l’habitude de publier. Certes, on retrouve son style dans l’écriture nerveuse et toute entière dans la captation de l’instant présent. Cependant, pour le coup, l’ensemble laisse l’impression d’une certaine superficialité dans la peinture des personnages, et d’une histoire qui peine à prendre une véritable consistance. En effet, le roman se découpe en autant de chapitres qui s‘égrènent de manière chronologique et qui évoquent des flashs sur une période phare de la vie d’Ingrid. Ainsi commence-t-on par l’évocation d’un vol par avion avec Lucas, le père, vol qui emmène les deux héroïnes vers l’endroit où se déroule leur vie : Port Oriskany, du côté de New York. Ainsi finit-on dans la même région avec l’anniversaire d’Ingrid, un anniversaire joyeux et plein d’amour retrouvé. Entre les deux, on a droit à tous les événements les plus trashs possibles. Scarification, prise de drogue, amours éphémères (le temps d’un coup tiré à l’arrière d’une voiture), mais surtout, les sévices subis dans la secte des enfants de Satan avec pratique de sacrifice humain, pour ce qui est du point d’orgue dans l’horreur.
Cependant, à force de vouloir en rajouter dans l’évocation d’expériences qui déglinguent l’esprit, l’héroïne, Ingrid Boone, perd en crédibilité. Comment, en effet, imaginer une telle vie faite de tant d’expériences extrêmes ? Il n’y a que dans les films d’horreurs du genre « torture porn » qu’on rencontre une telle accumulation d’événements qui dépassent l’insoutenable… au point qu’on n’y croit plus. Au point qu’on finit par en rire. Au point que toutes ces œuvres sont reléguées, par les critiques, au rang de « nanards » tout juste consommables par les amateurs du genre.
Alors, je dois quand même dire que Man crazy n’est quand même pas un « nanard » car on retrouve, comme je l’ai dit, l’empreinte d’une écriture qui maîtrise l’évocation de la violence : jamais on n’a l’impression d’être dans le trash le plus putassier, et pourtant, on y est ! D’autant plus qu’on retrouve, comme c’est souvent le cas chez Oates, le thème de la femme écartelée par la marque de l’homme : parce que l’amour blesse, parce que les hommes ont parfois des préoccupations qui dépassent ce sentiment tandis que la femme est entièrement aliénée à ce dernier, parce que le machisme domine dans la société et qu’il est violent pour les femmes et colle intrinsèquement à la nature masculine. Mais là encore, je dois dire que les personnages n’ont jamais le temps de prendre suffisamment d’ampleur pour que cette opposition (entre les femmes dominées et écartelées et les hommes dominants et violents) soit traitée en finesse. Ici, les choses sont présentées de manière caricaturale et on peine à y adhérer.
Je n’ai pas grand-chose à ajouter sur ce roman, moi qui ai l’habitude d’écrire plus d’une page de critique sur les livres que je lis ! Ce roman se caractérise par le trash pour le trash et les qualités habituellement caractéristiques de l’auteure sont singulièrement atténuées par … pourquoi pas le dire ? Le manque d’inspiration réelle ?
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