Jorge Chiriboga : Rasta-man et ses fantasmes octogonaux : un Rasta-Man bien poussif !
Voici un livre qui aurait bien pu remporter la palme de la déception. Sélectionné pour le 4ème salon du livre insulaire à Ouessant en 2002, Rasta-Man et ses fantasmes octogonaux de Jorge Chiriboga est censé nous plonger au cœur de l'histoire et de la musique jamaïcaines. En guise de plongeon, on a plutôt l'impression d'avoir quelque peu barboté sur les rives d'un sujet pourtant dense et extrêmement romanesque. Et effectivement, les premières pages du roman laissent présager une sorte de saga historique plutôt agréable à lire…. C'est Dimanche, jour de punition pour les esclaves d'une plantation jamaïcaine : Paul est plongé vif dans une cuve d'huile bouillante pour avoir osé toucher à la fille du maître, pourtant consentante. Son frère, Peter, réussit à fuir le domaine et rejoint les marrons et leur chef Accompong dans les montagnes du cœur de l'île. Dès lors, le roman tourne court… en une page, Jorge Chiriboga évacue Peter l'Endiablé qui deviendra un chef de guerre cruel, ivre de vengeance, un véritable tueur de Babylones : l'histoire est close. Tellement close qu'on se demande bien à quoi sert cette entrée en matière sinon qu'à préciser que le sang des rebelles marrons coule dans les veines des Rastas. Grand saut de plusieurs siècles et... on découvre enfin celle qui sera l'héroïne du roman, Lucy : on est alors au début du XXème siècle. L'esclavage est aboli depuis longtemps, mais la Jamaïque vit toujours au rythme de la discrimination raciale. Bercée dès son plus jeune âge par les légendes ancestrales venues d'Afrique qui lui ont été contées par sa grand-mère, Lucy prend très vite conscience du poids que la couleur de sa peau aura sur sa vie. Pauvre elle est, pauvre elle restera… elle aura des amants, puis un mari et des enfants… Pas grand-chose à dire de plus à propos de cette héroïne à l'envergure proche de celle d'un fétu de paille. Bien plus, on a l'impression que Jorge Chiriboga se sert de Lucy comme d'un prétexte pour évoquer – mais là encore, de manière très superficielle – le mouvement rastafarien qu'elle découvre par l'intermédiaire de son second amant… Mais on passe très vite à côté du sujet puisque Lucy finit par épouser Bill, qui n'est ni rasta, ni rebelle… seulement un noir qui tente de joindre les deux bouts du mieux qu'il peut. Et puis, une fois mariée, son héroïne ne semble plus inspirer Jorge Chiriboga qui la fait vieillir très vite et qui consacrera le dernier tiers de son roman à la belle Stéfanie, sa nièce, et à ses amours avec Johnny… des amours rythmées par la toute nouvelle musique de Bob Marley… et voilà que ressurgit pour quelques pages, le mouvement rastafarien qui entre temps s'est singulièrement développé.
Bref, un roman où les histoires amoureuses mièvres et sans intérêt des héroïnes prennent le pas sur la peinture sociale, et où la volonté d'exposer quand même coûte que coûte les problèmes sociaux de la Jamaïque prend le pas sur la densité des personnages. Et mises à part les quelques pages qui concernent le mouvement rastafarien et les quelques autres qui concernent le négus Hailé Sélassié, né Ras-Tafari, Dieu vivant des rastafariens et empereur d'Ethiopie, ce roman n'a aucun intérêt.
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